Adapté d’un
roman de Philippe Djian, « Incidences » (2010), « L’amour est un
crime parfait » est le huitième long-métrage des frères Larrieu. Et le
quatrième dont le rôle principal a été confié à Mathieu Amalric. Filmé dans les
Alpes suisses, il raconte comment un professeur de littérature à l’Université
de Lausanne se retrouve suspecté d’avoir tué une de ses étudiantes, qui est
aussi une de ses dernières conquêtes…
Cadre majestueux
La
motivation profonde des frères Larrieu à faire du cinéma est de montrer la
montagne à l’écran. On n’en doute pas un instant en admirant les magnifiques paysages
enneigés qui sont le cadre de ce film noir. Ces montagnes, les frères Larrieu
les filment beaucoup. Leur beauté et leur immensité est encore rehaussée par une
très belle photographie qui accentue la blancheur des panoramas et renforce le
contraste des images. Le but – réussi – étant de donner l’impression qu’une
noirceur se cache derrière ces paysages immaculés.
« L’amour
est un crime parfait » est en effet un film noir, ce que la loufoquerie
douce des frères Larrieu ne tempère pas mais rend au contraire encore plus
inquiétant. Ce qui n’empêche pas le film d’être aussi – et surtout – très drôle,
grâce à ses acteurs : outre Mathieu Amalric, Denis Podalydès est hilarant
dans le rôle du directeur du département littéraire de l’Université (l’Université
de Lausanne, un étonnant bâtiment futuriste donnant des airs de science-fiction
aux séquences qui s’y déroulent).
Faible polar
Images
magnifiques, acteurs épatants, drôle, tordu : « L’amour est un crime
parfait » aurait donc a priori tout pour plaire. Pourtant, le film semble
curieusement passer à côté de son vrai sujet, la culpabilité. L’intrigue
policière n’est en effet pas très bien traitée, et a semble-t-il moins
intéressé les réalisateurs que leurs montagnes et leurs acteurs. L’ambigüité de
l’histoire ne fera ainsi pas long feu - on se demande même si les réalisateurs
ont vraiment essayé de ménager le coup de théâtre final, puisqu’on devine
celui-ci bien à l’avance. Alors qu’ils ont réussi avec brio à incarner l’ambivalence
dans leurs paysages, les réalisateurs échouent à en faire autant dans leur mise
en scène. On voit beaucoup trop clair dans le jeu du personnage de Maïwenn, et
si Mathieu Amalric est – comme d’habitude – parfait dans son rôle, le montage
ne laisse guère de doute dans l’esprit des spectateurs.
Si « L’amour
est un crime parfait » n’est pas entièrement abouti, il constitue
néanmoins un très étonnant film policier, à la fois noir, saugrenu et alpin.
On retiendra…
Film noir au cadre et à l’image
magnifiques, « L’amour est un crime parfait » excelle en tant que
comédie tordue aux acteurs impeccables.
On oubliera…
Le film passe (volontairement ?)
à côté de son sujet, une intrigue policière dont on devine les coups de théâtre
à l’avance.
« L’amour est un crime
parfait » d’Arnaud et Jean-Marie Larrieu, avec Mathieu Amalric, Karin
Viard, Maïwenn, Denis Podalydès, Sara Forestier,…
Le Princess of Wales Theater |
Une énorme salle, avec deux balcons... |
... ainsi que des loges |
De gauche à droite : les réalisateurs et leur traducteur |
La première
mondiale du film au Festival international du film de Toronto d’est déroulée en
présence des deux réalisateurs… et de leur traducteur. « L’Amérique a les
frères Coen, la Belgique les frères Dardenne. La France a les frères Larrieu » :
ainsi se sont présentés avec humour Arnaud et Jean-Marie Larrieu.
La
rencontre avec le public qui a suivi la projection, où les réalisateurs
déclarèrent que ce qui les intéressait au cinéma était de filmer la montagne et
ses habitants, a été marquée par l’intervention d’une canadienne francophone. Dans
la salle immense du Princess of Wales Theater (comportant deux balcons !)
et alors qu’ils expliquaient avoir trouvé dans le roman de Philippe Djian, dont
le film est adapté, une histoire policière à raconter dans un cadre alpin, celle-ci
a interrompu les réalisateurs en criant : « Djian n’appartient pas à
la littérature française ! ». Il fallait oser.
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