dimanche 30 décembre 2012

Les cinémas toulousains


Les cinémas de Toulouse :
Il n’y a pas que le film qui compte dans une sortie cinéma. Le cinéma où l’on se déplace, la salle où a lieu la séance, la place où l’on s’assoit et le public du cinéma influent aussi énormément sur l’appréciation d’un film. Les habitudes sont bien différentes d’un cinéma à l’autre. Passage en revue des cinémas toulousains, qui sont maintenant tous passés au numérique :

Le cinéma d’art et essai phare de Toulouse. Aussi présent depuis bientôt dix ans à Tournefeuille, il fêtera l’année prochaine ses vingt ans. Présent sur le campus grâce à sa gazette au RU, qui donne le programme sur un mois en demi. Utopia organise très régulièrement des événements. Il est connu pour être « un repaire de gauchos », car le cinéma se fait l’écho de tout un tas de causes (abondance de tracts, d’affiches et de pétitions dans le cinéma comme dans la gazette). Utopia lui-même mène un combat personnel contre la 3D (leur slogan est « Garanti sans 3D ») et les pop-corn. La décoration des salles est soignée.
Aucune publicité avant le film, qui commence à l’heure indiquée sur le programme. On vous refusera l’entrée en salle si vous arrivez en retard (d’après une expérience personnelle malheureuse). Aucune réservation n’est possible. Tous les films sont en VO. La salle 2 est la plus belle et la plus confortable. Si vous avez de la chance, le rideau devant l’écran s’y ouvrira comme au théâtre avant la projection du film.
Trois salles - Station de métro Jean Jaurès (à 18 minutes du campus) – Pas de tarif étudiant

Le plus ancien cinéma d’art et essai de Toulouse (1975). Après deux années de travaux, il a rouvert en 2009. Sa programmation est plus exigeante qu’à Utopia Toulouse, qui capte les films d’auteur les plus commerciaux. abc organise régulièrement des événements. Le cinéma est bien mieux aménagé qu’Utopia, mais sa décoration est moins atypique.
Cinq minutes de publicité avant le film, projeté en VO. On peut acheter le mercredi les places pour toute séance de la semaine. Horaires des séances donnés pour une semaine. La plus grande salle est la salle a, en sous-sol. La sortie de la salle c, au deuxième étage, vous fera longer de multiples fois la façade vitrée du cinéma.
Trois salles - Station de métro Jeanne d’arc (à 20 minutes du campus) – Tarif étudiant à 5,50 euros

Le meilleur multiplexe de Toulouse. Le seul à projeter des blockbusters en VO, ce qui suffit à le rendre incontournable. Il possède plusieurs salles 3D. Très spacieux, on y évolue sans problème. Le cinéma programme toujours aux côtés des blockbusters habituels des films d’auteur. Par contre, s’ils ne rencontrent pas de succès, ils sont ne restent qu’une semaine à l’affiche.
Un quart d’heure de publicité avant le film. Réservation possible, sur place ou sur internet, avec le système du e-billet très pratique pour éviter de faire la queue. Horaires des séances donnés pour une semaine, disponibles le mardi. A l’étage se trouve la plus grande salle du centre-ville, la salle 1.
Treize salles - Station de métro Jean Jaurès (à 16 minutes du campus) – Tarif étudiant à 4,70 euros

Le cinéma à éviter de Toulouse. Décoration défraichie, salles sales, obligation de présenter un justificatif pour avoir le tarif moins de 26 ans, architecture peu commode… Presque tous les films sont en VF, à des horaires identiques qu’à Gaumont Wilson situé en face, et auquel il échoue donc à faire concurrence. Il s’est équipé depuis peu de la 3D.
Un quart d’heure de publicité avant le film. Réservation possible, mais sur internet cela vous demandera un surcoût de un euro. Horaires des séances donnés pour une semaine, disponibles le mercredi. Evitez à tout prix la salle 6, derrière le comptoir confiserie, qui possède un écran aussi grand que le journal que vous tenez entre vos mains.
Neuf salles - Station de métro Jean Jaurès (à 16 minutes du campus) – Tarif étudiant à 4,70 euros

Le plus grand cinéma de la région, et le plus fréquenté. Les caissiers vous proposeront toujours d’acheter à boire et à manger avec votre ticket de cinéma. C’est ce que son directeur appelle les services d’un « cinéma de qualité ». L’intérêt principal de ce cinéma est sa salle IMAX (il n’y en a que cinq en France), avec l’un des plus grands écrans de France, et un son extraordinaire qui vous plonge au cœur du film. Le souci est que tout ça a un prix : Gaumont Labège est aussi le cinéma le plus cher de la région. Tous les films sont en VF, sauf les films IMAX qui ont des séances VO aux horaires les plus compliquées de la semaine.
Un quart d’heure de publicité avant le film. Réservation possible, sur place ou sur internet, avec le système du e-billet. Horaires des séances donnés pour une semaine, disponibles le mardi. Ne ratez pas la salle IMAX.
Seize salles - Centre commercial Labège (à 15 minutes en voiture du campus) – Tarif étudiant à 7,30 euros

L’autre grand multiplexe de la périphérie de Toulouse. Fréquenté seulement le week-end, sinon c’est un désert. Les dernières séances ont lieu à minuit, contre 22h pour les autres cinémas toulousains. Beaucoup de salles 3D : les films 3D y sont diffusés bien plus longtemps que dans les autres multiplexes. Sauf que comme tous les autres films, ils sont projetés en VF. Le grand intérêt du Méga CGR est son public : les spectateurs arrivent en milieu de séance, répondent au téléphone pendant le film, discutent, voire s’insultent. Vraiment très particulier.
Un quart d’heure de publicité avant le film. Réservation possible, sur place ou sur internet. Horaires des séances donnés pour une semaine, disponibles le mercredi. La salle 1 est la plus grande de la région.
Quinze salles – Centre commercial Blagnac (à 20 minutes en voiture du campus) – Tarif étudiant à 4,50 euros

Petit cinéma associatif d’une salle de 80 places très exiguë. Il diffuse des films d’auteur avec un certain retard, ce qui permet de rattraper des films diffusés pas assez longtemps dans les autres cinémas.
Pas de publicité avant le film. Pas de réservation. Horaires des séances donnés pour un mois.
Une salle - Station de métro Saint Michel (à 10 minutes du campus) – Tarif étudiant à 4,50 euros

samedi 15 décembre 2012

Le retour du roi (Le Hobbit, un voyage inattendu)



-          Peter Jackson, avec la trilogie « Le Seigneur des Anneaux », avait déjà atteint l’Everest. Se confronter de nouveau à l’univers de Tolkien en adaptant « Bilbo le Hobbit », roman pour la jeunesse publié dix-sept ans avant « Le Seigneur des Anneaux » (en 1937) supposait un travail d’adaptation bien différent de celui du « Seigneur des Anneaux ».
-          Ce qui explique que Peter Jackson ait confié le projet à Guillermo Del Toro, le réalisateur du « Labyrinthe de Pan ». Mais à cause d’un imbroglio juridique autour des droits d’adaptation qui n’en finissait pas, celui-ci a fini par abandonner le projet après deux ans de travail ! « Le Hobbit » fut donc repris par Peter Jackson, en 2010. Le premier volet, « Un voyage inattendu », est sorti cette semaine.
-          Et on ne peut que… le regretter. Si on est très heureux de retourner dans la Terre du Milieu, « Le Hobbit » par Peter Jackson ne propose rien de plus qu’un retour.
-          Non, pas rien : une nouveauté capitale, qui m’a amené à hausser de un point ta note au film : la HFR ! Peter Jackson est le premier réalisateur à oser tourner un film en 48 images par seconde plutôt que 24. Dernier avatar de la « révolution » numérique au cinéma, cette technologie initiée pour un plus grand confort dans les projections 3D transforme considérablement l’image du film.
-          Oui, j’en ai même vomi !
-          Autant que la première fois que tu es allé voir un film en 3D… Cette blague était vraiment très drôle. Outre la lisibilité très accrue des scènes 3D, la ultra-haute définition de la HFR  apporte la même impression que lorsqu’on visite un studio de tournage et que l’on se rend compte que tous les décors et les costumes paraissent faux.
-          Il en va de même pour les effets spéciaux numériques ! Cette image incroyable qui semble au départ accélérée avant qu’on ne s’y habitue transforme tout le travail réalisé par la direction artistique. Une expérience inédite dont on ne sait pas encore si elle se démocratisera*.
-          On est donc très heureux de revenir dans le formidable univers imaginé par Tolkien. Sauf que le roman « Bilbo le Hobbit » n’a pas du tout la même ampleur que la trilogie « Le Seigneur des Anneaux » : son ton beaucoup plus léger ne visait pas à l’épique de la trilogie romanesque. Mais Peter Jackson tenait apparemment à tout prix à renouveler l’expérience du « Seigneur des Anneaux » en réalisant une nouvelle trilogie, et en reprenant la même mise en scène. Le matériau ne s’y prêtait pas, et la contradiction affleure souvent.
-          On prend beaucoup de plaisir à retrouver des lieux et des personnages familiers tel que Fondcombe ou Gollum, ou encore la musique de Howard Shore. Mais plutôt que « familiers », on aurait préféré « nouveaux »…
-          Peut-être les deux autres volets le proposeront-ils... En tout cas, on est déjà impatients de les voir !

On retiendra…
Comment refuser un nouveau voyage dans l’univers du « Seigneur des Anneaux » ? Le format HFR du film rend sa projection unique.

On oubliera…
Peter Jackson applique les mêmes recettes à l’adaptation de « Bilbo le hobbit » qu’à celle du « Seigneur des Anneaux », alors que le ton du livre est tout autre.

*La HFR n’a pas suscité l’engouement des exploitants. En France, seule une trentaine de salles en France diffusent le film sous ce format. Ce qui ne devrait pas empêcher James Cameron de tourner les suites de « Avatar » en 60 images par seconde.

« Le Hobbit, un voyage inattendu » de Peter Jackson, avec Martin Freeman, Ian McKellen,…

lundi 10 décembre 2012

Crocodilesque (Tabou)



-          L’année se termine… et alors que l’on croit avoir tout vu, arrive un chef-d’œuvre qui élargit encore l’idée que vous vous faisiez des pouvoirs du cinéma…
-          Hum. Je pense que le plus dur, dans cette critique, sera de ne pas trop en faire – mais pourtant, il nous faut vous convaincre que « Tabou » de Miguel Gomes est la ou l’une des expériences cinématographiques les plus belles et étonnantes de l’année. Présenté à Berlin au début de l’année, il n’arrive qu’en décembre en France. Pourquoi n’a-t-il pas gagné l’Ours d’or à Berlin - mais un prix récompensant « son caractère novateur » (le prix Alfred-Bauer) ?
-          Non, le plus dur sera de ne pas trop en dévoiler. Le mieux, comme toujours, est de déposer ce journal et de courir au cinéma abc à la prochaine séance du film. Disons juste que « Tabou » est en noir et blanc. Son histoire est en deux parties. Et « Tabou » est… muet ?
-          Le terme ne convient pas. Miguel Gomes, réalisateur portugais, a monté son film d’une manière inédite. La deuxième partie du film est muette, seulement accompagnée d’une voix-off, ou parfois d’une musique.
-          Je t’avais dit qu’on allait trop en dire… Ce procédé, que l’on retrouve d’abord dans le prologue du film, vous ensorcelle immédiatement. « Tabou » est un souvenir qu’on aimerait revivre, et c’est aussi un film sur la nostalgie : je ne peux pas imaginer aujourd’hui de meilleure forme pour exprimer ce sentiment que celle qu’a donnée Miguel Gomes à son film.
-          Pour décrire ce qu’est le souvenir de cette projection, il n’y a pas de meilleure expression que le titre de la première partie : « Paradis perdu ».
-          Je t’avais dit qu’on en ferait trop. Quel que soit le point de vue sous lequel vous le regardez, « Tabou » est un chef-d’œuvre. Sa mise en scène, au-delà de ce dont nous vous avons déjà parlé, ménage une multitude de surprise et de rupture de tons. Les deux parties du film elle-même en sont déjà une. Le noir et blanc, indissociable du fait qu’il soit muet, est extraordinaire.
-          Après une telle séance, la fin du monde peut avoir lieu.
-          Ne dis pas ça. Il est probable que sortiront encore plusieurs bons films d’ici la fin de l’année.
-          Bon ou pas, on vous parlera du retour de Peter Jackson pour le dernier article de l’année. En attendant, faites attention au crocodile.

On retiendra…
La forme inédite qui fait ressentir au spectateur le sujet-même du film.

On oubliera…
Après l’avoir vu, on craint de trouver injustement mauvais le prochain film que l’on compte aller voir.

« Tabou » de Miguel Gomes, avec Ana Moreira, Carloto Cotta,…

lundi 3 décembre 2012

Ruiz Blas (Les lignes de Wellington)



-          Raoul Ruiz avait signé son chef-d’œuvre avec « Les mystères de Lisbonne ». Ce film d’une durée extraordinaire (4h26) avait été exploité dans les salles de cinéma en 2010 et diffusé sous la forme d’une série télé de six épisodes en 2011 sur arte.
-        4h26… Voilà le genre de durée qui vous transforme une séance de cinéma en trophée. Ça impressionne et c’est très distingué.
-          J’ai peine à croire que tu ne te sois déplacé au cinéma que pour ces raisons-là. Ce que je voulais voir, c’était cette nouvelle forme que Ruiz venait de créer : un hybride inédit entre film et série télévisée. Un concept qu’il comptait reprendre pour « Les lignes de Wellington », avant qu’il ne décède lors de la préparation du tournage. Ecrit par le même scénariste que « Les mystères de Lisbonne », Carlos Saboga, le film raconte l’invasion du Portugal par les troupes napoléoniennes du général Masséna en 1810. Sa compagne Valeria Sarmiento reprit le film et le réalisa à sa place en son hommage.
-          Et pourtant, au début de la projection, on se croit de retour dans « Les mystères de Lisbonne ». « Les lignes de Wellington » est aussi filmé en plans-séquences avec une caméra qui se déplace lentement d’un point du décor à un autre, pour tisser l’écheveau d’une myriade d’intrigues individuelles. Mais alors que dans le film de Ruiz ces intrigues se multipliaient et s’emboitaient jusqu’au vertige, la forme plus resserrée (2h31) et linéaire des « Lignes de Wellington » substitue à ce vertige un suspense croissant au fur et à mesure que les troupes françaises se rapprochent des fameuses lignes du général Wellington.
-          On sent que le film aurait pu durer au moins deux fois plus longtemps ! Le scénario de Carlos Saboga, en juxtaposant plusieurs intrigues parfois très peu liées, semble aussi inépuisable en intrigues que celui d’une série télévisée. « Les lignes de Wellington » n’est pas un film de Raoul Ruiz mais bien de Valeria Sarmiento, et un de ses choix fut de donner un forme plus brève à ce récit très riche.
-          Ce procédé très libre de narration est passionnant par la profusion de ces intrigues, mais leur multiplication conduit inévitablement le spectateur à en trouver certaines plus intéressantes que d’autres. Surtout, ce procédé permet de décrire avec une précision extraordinaire les conséquences et les répercussions de cette invasion sur toutes les populations impliquées dans le conflit. L’Histoire semble restituée dans toute sa complexité.
-          Beaucoup des personnages du film sont interprétés par des grands acteurs européens venus rendre hommage à Ruiz, parfois au prix d’apparitions parfois furtives. Mais la liste est trop longue pour être citée !
-          Et le cinéma portugais n’a pas fini de nous enthousiasmer, avec la sortie mercredi d’un chef-d’œuvre : « Tabou » de Miguel Gomes. On vous en parlera la semaine prochaine…
On retiendra…
Fresque épique vécue par le prisme d’une multitude de points de vue différents, filmée en longs plans-séquences et parsemée de références picturales : ces deux heures et demie de film paraissent bien courtes.

On oubliera…
La multiplication des intrigues a pour défaut de rendre certains segments moins captivants que d’autres.

A noter :
Comme pour « Les mystères de Lisbonne », « Les lignes de Wellington » sera exploité sous la forme d’une série télévisée. Trois épisodes seront diffusés en 2013 sur arte.

« Les lignes de Wellington » de Valeria Sarmiento, avec Adriano Luz, John Malkovich, Nuno Lopes,…

lundi 26 novembre 2012

Danois cannois, danois berlinois (La chasse et Royal affair)



-          Deux distributeurs ont choisi de sortir à une semaine d’intervalle deux films danois, pour bénéficier d’une meilleure exposition médiatique autour de la figure de Mads Mikkelsen, acteur principal des deux longs-métrages : « La chasse » de Thomas Vinterberg et « Royal affair » de Nikolaj Arcel, deux excellents films récompensés cette année respectivement à Cannes et à Berlin.
-          Suzanne Bier, Nicolas Winding Refn, Thomas Vinterberg : parmi les grands noms du cinéma danois, seul Lars von Trier n’a pas encore tourné avec Mads Mikkelsen. Cet acteur exceptionnel, immédiatement reconnaissable grâce à son visage si particulier, a enfin été reconnu cette année à Cannes où il a obtenu le prix d’interprétation pour « La chasse ». Acteur fétiche de Nicolas Winding Refn avant que celui-ci ne parte aux Etats-Unis et ne le remplace par Ryan Gosling (« Drive », bientôt « Only god forgives »), c’est sous sa direction qu’il a signé sa meilleure performance à ce jour : impossible de l’oublier après avoir vu « Le guerrier silencieux » (2010).
-          Bon, comme je pense que nombre de lecteurs ne voient toujours pas de qui nous parlons, je vais t’arrêter en citant ce qui est malheureusement son rôle le plus célèbre : le Chiffre, le méchant de « Casino Royale » (2006). Malheureusement parce qu’il a joué dans beaucoup d’autres très bons films, dont les deux de cette semaine.
-          Dans « La chasse », il incarne Lucas, un éducateur travaillant dans un jardin d’enfants accusé de pédophilie. Le film montre comment le personnage devient la proie du jour au lendemain de la vindicte populaire, abandonné et harcelé par tous ses proches, sur la foi d’une simple rumeur. La grande originalité de « La chasse » est que le réalisateur ne laisse planer absolument aucun doute quant à l’innocence de Lucas.
-          Et oui, vous pouvez vous rassurer : on ne vous a rien dévoilé de l’intrigue du film ! La certitude de l’innocence apparaît comme très rafraîchissante, voire détonante pour un film d’auteur puisque habituellement les réalisateurs laissent toujours planer le doute sur les actions de leur personnage pour ne pas réduire le champ des interprétations possibles de leur œuvre ! Ce qui est parfois exaspérant. « La chasse » se révèle donc comme une étude sociologique des rapports humains, d’une très forte intensité émotionnelle, puisque le spectateur s’identifie pleinement au personnage de Lucas, la barrière du doute ôtée.
-          C’est une des constantes des films danois: on n’en ressort jamais indemne. C’est donc aussi le cas de « Royal affair », au sujet complètement différent de « La chasse » : l’histoire vraie du docteur Johann Struensee, qui réussit à imposer les idées des Lumières au Danemark pendant un temps, vingt ans avant la Révolution française. Le film vaut surtout pour son scénario, exceptionnel et pourtant bien adapté d’une réalité historique ! Mais ici on ne vous en dira pas plus… L’autre atout majeur du film est son interprétation, sauf qu’à Berlin ce n’est pas Mads Mikkelsen qui a remporté le prix d’interprétation, mais Mikkel Boe Folsgaard, pour son interprétation délirante mais extrêmement touchante du roi Christian VII.
-          Et même si « Royal affair » souffre de quelques imperfections (la représentation du peuple est complètement ratée, l’actrice principale ne joue pas aussi bien que ses deux compagnons), on n’hésitera pas un seul instant à vous le recommander, au même titre que « La chasse » bien entendu !

On retiendra...
Les deux films sont parmi les plus émouvants de l’année. Interprétation extraordinaire (pour n’en citer qu’une : la scène de l’église dans « La chasse » !). Excellent scénario pour « Royal affair ».

On oubliera…
Réalisation classique pour « Royal affair » qui bute sur quelques écueils.

« La chasse » de Thomas Vinterberg, avec Mads Mikkelsen, Thomas Bo Larssen,…
« Royal affair » de Nikolaj Arcel, avec Mads Mikkelsen, Mikkel Boe Folsgaard, Alicia Vikander,…

lundi 19 novembre 2012

A ne pas louper (Looper)



12h20 : Dans la queue du RU, vous ne progressez pas. L’étudiant devant vous, plongé dans la lecture de Contact, oublie d’avancer et se fait systématiquement doubler. Pour contrer la colère montante, vous décidez de l’imiter en prenant vous-aussi un Contact. Tiens, la rubrique cinéma est consacrée à « Looper ». Vous l’avez vu hier.

8h30 : Encore une interminable semaine de cours. Alors que vous commencez déjà à vous endormir, vous vous remémorez votre week-end et sa fantastique séance de cinéma. « Looper » : un film de science-fiction basé sur des boucles spatio-temporelles. Depuis « Inception » vous n’aviez plus suivi d’histoire originale aussi alambiquée au cinéma. Surprenant de bout en bout et plein de bonnes idées, ce film vous a époustouflé. Partant toujours dans une direction inattendue, très bien découpé, c’est une réussite.

12h23 : Toujours pas avancé d’un pas. Vous auriez vraiment dû passer par la cafétéria. La chronique cinéma de Contact est un peu trop enthousiaste à votre goût. Même si vous avez adoré « Looper », pour son très bon scénario, quelque chose vous gêne quand même : la photographie du film n’est vraiment pas terrible. Quant à la direction artistique, dans toute la partie urbaine du film on frôle parfois le ridicule. Rian Johnson, réalisateur et scénariste du film, n’avait certes qu’un petit budget par rapport aux autres blockbusters hollywoodiens, mais quelle que soit l’excuse le défaut est bel et bien là. Difficile de faire de la science-fiction avec un petit budget (sur ce sujet, le cinéma français regorge d’exemples) mais pas impossible pour autant : Rian Johnson le réussit pendant plus de la moitié du film, lorsque l’action a lieu dans une ferme au milieu d’un champ de maïs.

18h20 : La première journée de cours vient enfin de s’achever. Pour vous remonter le moral, et parce que le film de ce week-end vous a beaucoup plu, vous décidez d’écrire un article pour Contact sur le film avant de commencer les devoirs. Sur le chemin, vous réfléchissez déjà à la note : après « Amour » et « Skyfall », ce sera encore un 5. Il y a encore des réalisateurs innovants à Hollywood. Quel bon mois de novembre.
12h25 : Que le temps passe lentement quand on regarde sa montre toutes les minutes. Si seulement vous pouviez remonter dans le temps dix minutes plus tôt et passer par la cafétéria. Ou bousculer tout le monde comme Bruce Willis dans « Looper ».

19h23 : L’article est terminé. Finalement, vous avez mis 4, ce qui est déjà bien. Pour changer, vous n’avez pas écrit la critique sous la forme d’un dialogue, mais comme si vous transcriviez les pensées d’un étudiant souffrant de l’attente dans la queue du RU. Il n’y a plus qu’à poster ça sur le web. Après hésitation, vous rajoutez in extremis le « On retiendra…/On oubliera… » Il paraît que beaucoup de lecteurs ne lisent que cette partie-là de l’article.

On retiendra…
Excellent scénario, surprenant, innovant, imprévisible, servi par le montage adéquat. Et la scène qu’on imagine spécialement écrite pour Bruce Willis.

On oubliera…
Une direction artistique hasardeuse. Le film bute parfois contre les limites de son budget.

« Looper » de Rian Johnson, avec Joseph Gordon-Levitt, Bruce Willis,…

lundi 12 novembre 2012

Bon Bond (Skyfall)



-          Quoi ? Je croyais que tu en avais assez de voir des suites au cinéma ! Tu n’as aucun honneur. Mettre la note maximale à l’opus 23 d’une franchise cinématographique, je n’aurais jamais cru ça de toi.
-          Là, tu déformes mes propos. Et puis James Bond est un cas à part, unique dans l’histoire du cinéma, puisqu’aucune autre franchise n’a su durer aussi longtemps. Généralement, les sagas s’arrêtent après un échec au box-office ou le refus de l’acteur principal de rempiler une nouvelle fois. On imagine mal un « Mission : Impossible » sans Tom Cruise ou un « Pirates des Caraïbes » sans Johnny Depp (le cinquième épisode de ces deux franchises est en préparation). James Bond, lui, semble immortel. Sous les traits de Daniel Craig, il fête ses cinquante ans au cinéma.
-          En cinquante ans, James Bond n’a pas toujours eu une santé de fer… A la sortie du vingtième opus en 2002 (« Meurs un autre jour » avec Pierce Brosnan), la franchise avait touché le fond avec ce film involontairement parodique. Pour ressusciter d’une manière spectaculaire avec « Casino Royale » en 2006 et l’arrivée de Daniel Craig, qui créait l’événement parce qu’il était… blond.
-          C’est ça qui est génial avec James Bond : cette saga est si codifiée qu’elle est devenue un genre à elle toute seule. La faute à des films tous plus ou moins interchangeables, confiés à des réalisateurs presqu’anonymes choisis pour leur capacité à se soumettre aux règles du producteur. Voilà pourquoi depuis « Casino Royale » la franchise ne s’est jamais aussi bien portée : James Bond ose enfin le changement (c’est dans l’air du temps).
-          Pour « Skyfall » le changement a un nom : Sam Mendes. Le réalisateur britannique connu pour ses films d’auteur et ses mises en scène de pièce de théâtre prouve enfin qu’on pouvait allier James Bond et auteur. « Skyfall » est une éclatante réussite et s’impose comme le meilleur épisode de la saga. Sam Mendes semble d’abord avoir réalisé « Skyfall » en réaction à « Quantum of Solace », le précédent James Bond, illisible et incompréhensible à cause de son montage stroboscopique : la poursuite en moto sur les toits d’Istanbul en introduction est filmée avec des plans longs, ce qui va à rebours de la course à la vitesse initiée par la série des « Jason Bourne ». Une réalisation qui fait écho au scénario qui oppose l’archaïsme des méthodes de 007 aux menaces terroristes et informatiques modernes.
-          C’est sûr, jamais un James Bond n’avait été aussi bien filmé ! Le plus remarquable étant les éclairages (il faut voir ce plan séquence en haut du gratte-ciel à Shangaï !), ou la direction d’acteurs : l’apparition de Javier Bardem à l’écran est terrifiante. Javier Bardem, véritablement immense dans ce rôle de méchant au visage déformé, fait même de l’ombre par sa composition à Daniel Craig (au risque d’en faire un peu trop).
-          Surtout, ce qui fait toute l’importance de ce James Bond est sa dernière partie, qui raconte quelque chose de complètement inédit dans la saga. Au moment-même où l’on commençait à reprocher à Sam Mendes de ne rien renouveler… Après ça, aucun doute : James Bond peut revenir.

On retiendra…
La réalisation de Sam Mendes, les interprétations de Daniel Craig et Javier Bardem, les éclairages, le finale.

On oubliera…
James Bond y va un peu fort sur les placements de produits.

« Skyfall » de Sam Mendes, avec Daniel Craig, Javier Bardem, Judi Dench,…

lundi 5 novembre 2012

Un plan parfait (Amour)



-          Alors, ces vacances ?
-          « Skyfall », « Looper », « Frankenweenie », la routine. Et toi ?
-          « Amour ».
-          Ah ! ça me dit quelque chose… C’est le nouveau film du réalisateur de l’ « Arnacoeur », où Diane Kruger doit séduire Dany Boon ?
-          Non. C’est l’histoire d’un couple d’octogénaires confronté à la déchéance de l’un d’entre eux. Ce dont tu me parlais, c’est « Un plan parfait », de Pascal Chaumeil, d’ailleurs très drôle.
-          Ça jette un froid, ce synopsis. Mais maintenant, je m’en souviens : c’est la Palme d’or 2012 !
-          Quand même ! Et la deuxième de Michael Haneke, qui l’avait déjà remportée trois ans plus tôt (seulement !) avec « Le ruban blanc », rejoignant les six réalisateurs deux fois récompensés par la Palme d’or. Aucun n’en a jamais eu trois.
-          J’imagine que ce n’est pas drôle du tout.
-          Euh… Il y a quand même un peu d’humour – une nouveauté chez Haneke, sûrement requise par le sujet. Mais c’est tout sauf une comédie romantique. Mais ce n’est pas non plus un tire-larmes. Juste une chronique très réaliste de la fin d’une vie humaine.
-          Mais comment peut-on avoir envie d’aller voir ça ?
-          Mais qu’est-ce qui te prend ? Tu m’énerves avec tes questions ! Tu n’as qu’à aller le voir ! « Amour » raconte quelque chose d’inédit au cinéma. Jean-Louis Trintignant et Emmanuelle Riva sont époustouflants, et portent le film de bout en bout. Haneke livre une fois encore son meilleur, avec ses ellipses extraordinaires qui vous coupent net et, surtout, empêchent cette chronique de virer à l’insupportable et l’insoutenable. Des idées de mise en scène incroyables, de l’ouverture du film sur le public d’un concert de piano à un simple robinet qui coule. Le titre du film, lapidaire, est génial et prend tout son sens dans la scène finale, dont on ne peut rien dire mais qui vous marquera longtemps.
-          Je ne sais pas si j’aurais le temps de le voir… Avec la sortie de « Twilight 5 » la semaine prochaine, ça va être compliqué…

On retiendra…
Interprétation et mise en scène magistrales, sujet inédit, tout concourt à faire de ce film l’un des meilleurs de l’année.

On oubliera…
Une scène difficile à décrypter et qui, par sa longueur, fait penser aux clichés du cinéma d’auteur.

« Amour » de Michael Haneke, avec Jean-Louis Trintignant, Emmanuelle Riva, Isabelle Huppert,…

lundi 22 octobre 2012

* (Astérix et Obélix, au service de sa majesté)



-          Les adaptations d’ « Astérix » au cinéma, confiées chaque fois à des réalisateurs et producteurs différents, ont à peu près balayé tout le spectre de la comédie française, au point qu’après le sommet d’ « Astérix et Obélix : mission Cléopâtre » et l’abîme d’ « Astérix aux Jeux Olympiques », on ne savait vraiment plus à quoi s’attendre de la part du nouvel épisode de cette série qui ne cartonne qu’en Europe.
-          Ah bon, ça ne cartonne qu’en Europe ?
-          Quand même ! Les films, avec leur kitsch qui à la longue passe pour étudié, ne peuvent faire rire que les lecteurs de la bande-dessinée ! Qui sont bien plus nombreux ici qu’outre-Atlantique.
-          C’est le paradoxe des aventures d’ « Astérix » au cinéma : les quatre films ont disposé des plus gros budgets du cinéma français, mais ressemblent tous à des productions en carton-pâte. La faute aux cachets des acteurs, puisque chaque casting rassemble tous les comiques du moment en France.
-          Non, ne te plains pas du casting, car sans celui-ci, la potion magique serait bien dure à avaler pour ce quatrième film décevant.
-          Décevant : forcément ! Le référentiel qu’est l’épisode réalisé par Alain Chabat, peut-être insurpassable, ne pourra qu’écraser tous les futurs « Astérix » réalisés au cinéma. Les spectateurs sont maintenant bien plus exigeants.
-          Oui, mais exigeants ou pas, tu dois quand même reconnaître que le film n’est pas si drôle que ça. En fait, il ne décolle jamais, et ne comporte que de loin en loin quelques vrais gags.
-          C’est le défaut des réalisations de Laurent Tirard (« Molière », « Le petit Nicolas ») qui travaille trop son scénario et sa réalisation, au point que ces films peinent à surprendre. Trop calculés, les gags ne déclenchent pas les cascades de rires espérées. Laurent Tirard a retenu  les leçons du succès d’ « Astérix et Obélix : mission Cléopâtre » et de l’échec d’ « Astérix aux Jeux Olympiques » mais ne s’est pas écarté d’un pouce de cette recette : il redonne les rôles principaux à Astérix et Obélix, sans pour autant négliger la galerie de second rôle, multiplie les anachronismes et les références cinématographiques, reste très fidèle à la BD d’origine.
-          Avec son cadre trop rigide, cet épisode n’a pas su ménager des espaces de liberté aux acteurs. Même si Edouard Baer est épatant en Astérix, il a été comme tous les autres acteurs bien plus drôles ailleurs. Idem pour les anachronismes et les références (de « Orange mécanique » à « 300 »), qui paraissent plaquées.
-          Seule véritable nouveauté : la 3D ! Et qui est une très bonne surprise, car elle est de très bonne facture et n’est pas utilisée pour envoyer des menhirs sur la tête des spectateurs.

On retiendra…
Edouard Baer en Astérix, la diction des personnages anglais, quelques gags, la 3D.

On oubliera…
Trop calculé, presque trop travaillé, cet épisode ne fait pas rire autant qu’attendu. Il manque une certaine liberté. C’est dommage, car les idées étaient pourtant là.

« Astérix et Obélix : au service de sa majesté » avec Edouard Baer, Gérard Depardieu,…

lundi 15 octobre 2012

Dans la critique (Dans la maison)



-          Aïe !
-          Ah ! Tu ne t’y habitueras jamais, à cette entrée. Mais vu comme tu es grand, aussi, ce n’est pas étonnant que tu te cognes à chaque fois la tête en entrant dans ma maison.
-          Aïe… Je vais avoir une belle bosse sur le front… Enfin, heureusement, ça a été bien moins douloureux de rentrer dans le film de la semaine, « Dans la maison ». Bien moins douloureux mais quand même difficile.
-          C’est vrai qu’on a un peu de mal au début à accepter ce que nous propose François Ozon dans ce nouveau film : on ne la trouve pas du tout captivante la prose de cet élève de première, qui termine chacune de ses rédactions par un « à suivre… » amenant son professeur de français à lui demander inlassablement, semaine après semaine, de continuer à écrire… Sans compter que ce que raconte les rédactions de l’étudiant est systématiquement montré au spectateur, et au début on se passerait bien de cette voix-off si illustrative.
-          Mais cette redondance finira par prendre sens… Le film est un jeu qui finit par nous emporter, et on prend alors un grand plaisir à se laisser manipuler par cette histoire dont on oublie l’invraisemblance. Passé le début, l’exploit du réalisateur est de réussir à raconter une histoire de plus en plus troublante et inquiétante sans ne jamais mettre mal à l’aise le spectateur ! Le rythme du film est parfaitement mené. Alors que les liens entre réalité et fiction se resserrent, la mise en scène se fait plus inventive, et offre à Luchini un formidable espace où dérouler son numéro de comédien dont on ne se lassera peut-être jamais.
-          Dommage que le film se termine ainsi ! A force de nous manipuler, le réalisateur semble s’être pris à son propre piège. Il n’arrive plus à terminer son film, préférant balayer une multitude de fins possibles diluant le sens de son film, pour finalement en choisir une aussi invraisemblable que l’amorce du film. Mais cette fois-ci, le spectateur n’aura pas le temps d’y croire…
-          Vraiment regrettable. La baisse de niveau finale remet au premier plan l’artificialité du dispositif développé par le film, qu’on avait alors si plaisamment oublié ! Ce retour était peut-être incontournable, mais aurait dû être adouci… On se rend compte aussi que « Dans la maison » a un fond bien moins original que sa forme, et se fait parfois beaucoup trop démonstratif. De plus, le film est constellé de petites erreurs, de son générique d’introduction à un gag final mal placé.
-          Heureusement, la semaine prochaine nous vous parlerons d’un film complètement différent.
-          Ah, celui-ci j’ai hâte de le voir !
(A suivre…)

On retiendra…
Un dispositif captivant, Fabrice Luchini dans son rôle archétypal, le scénario astucieux et bien construit.

On oubliera…
Un dispositif trop artificiel : on a autant de mal à entrer dans le film qu’à en sortir.

« Dans la maison » de François Ozon, avec Fabrice Luchini, Ernst Umhauer, Kristin Scott Thomas,…

lundi 8 octobre 2012

Mon cerveau m’a été enlevé (Taken 2)



-          Je ne compte plus le nombre de fois où j’ai entendu des gens se plaindre du cinéma français. Trop ennuyeux, trop psychologique, trop triste, trop compliqué…
-          Ah ! Si seulement ces adjectifs pouvaient s’appliquer à « Taken 2 » ! Cette superproduction nationale, disposant de l’un des plus gros budgets réunis par le cinéma français, n’est pourtant pas identifiée par bon nombre de spectateurs comme un film bien de chez nous.
-          Mais comment les spectateurs peuvent-ils ne pas s’en apercevoir ? Bon, il est vrai que le film a été tourné en anglais sans acteurs français, en Turquie et aux Etats-Unis, que la réalisation imite celle des derniers films d’action américains, mais quand même : il y a écrit Luc Besson sur l’affiche et le nom du réalisateur ne sonne-t-il pas français : Olivier Megaton ?
-          J’espère que ces interrogations étaient rhétoriques. Avec ce mode de production, Luc Besson (à travers sa société Europacorp) réussit à générer les plus hauts profits du cinéma hexagonal à l’étranger. Sorti en 2008, « Taken » avait connu un grand succès à travers le monde malgré la démolition critique de la presse. C’est rare qu’un film oppose à ce point critiques et spectateurs. Pour moi, ce succès est un mystère : « Taken », ce n’est vraiment pas terrible. Avec un scénario capable de toutes les invraisemblances pour rester simple et linéaire et des scènes d’action pas du tout palpitantes, le film n’avait de mon point de vu rien pour plaire.
-          Allez, maintenant que tu as vu sa suite, tu as un début de réponse… Ce que recherchaient les spectateurs de « Taken », c’était le plaisir régressif d’un scénario débile mais aux allures de drame. « Taken 2 » contient encore plus d’énormités que « Taken ». Passons sur toutes les coïncidences ménagées par l’histoire et les raccords honteux entre deux actions qui n’ont absolument pas la même cohérence temporelle. Voir ce qui deviendra assurément la scène culte du film procure ce genre d’ébahissements qui nous ont conduits à hausser la note du film de une à deux étoiles : l’héroïne du film balance à la demande de son père et sans aucun scrupule des grenades dans les rues bondées du bazar d’Istanbul, et ce sans que cela ne choque qui que ce soit.
-          Alors même qu’un dialogue rappelait qu’Istanbul était la jonction entre l’Orient et l’Occident ! Mais ne vous inquiétez pas : malgré les apparences, il n’y a aucune idéologie abjecte cachée derrière « Taken 2 ». Juste de la bêtise : Liam Neeson agissait aussi impunément dans le Paris de « Taken ».
-          En mettant en images ce bijou scénaristique, Olivier Megaton prouve qu’il est aussi bourrin que son nom d’artiste le laissait entendre. Imitant la réalisation stroboscopique de Paul Greengrass, Megaton multiplie jusqu’à l’écœurement les points de vue pour filmer une scène, et obéit quel que soit son sujet à ce qui doit être sa règle d’or : plus un plan est court et meilleur il est. On met au défi quiconque de comprendre la mise en scène de la première scène de dialogue du film, absolument illisible. Lorsque Paul Greengrass filmait ainsi les courses-poursuites de Jason Bourne, on justifiait sa mise en scène par une exacerbation de la paranoïa ambiante. Dans les deux « Taken », le héros, un ex-militaire mal réinséré dans la société civile, est effectivement paranoïaque… sauf que les scénaristes lui donnent toujours raison.

On retiendra…
La débilité du scénario et de sa morale finale. Deux scènes d’action très réussies. Le décor stambouliote.

On oubliera…
Quand donc Luc Besson le comprendra-t-il ? Imiter Hollywood ne doit pas signifier prendre ses spectateurs pour des imbéciles.

« Taken 2 » d’Olivier Megaton, avec Liam Neeson, Maggie Grace, Famke Janssen,…

lundi 1 octobre 2012

Vrai ou faux ? (Wrong)


Vous ne supportez plus de remplir les grilles de mots croisés ou de sudoku du 20minutes en amphi ? Tentez de répondre à ce « Vrai ou faux ? » !


1.       Le titre du film de la semaine est « Right ».
2.       J’aime les petits pois.
3.       Après « Steak » et « Rubber » (épisode 7), c’est le troisième film de Mr Oizo.
4.       Ce long-métrage m’a permis de mieux comprendre la guerre des Boers.
5.       Il s’agit de son meilleur film.
6.       Les hommes barbus peuvent communiquer par télépathie avec les chiens.
7.       On y découvre Eric Judor (mais pas Ramzy) parler sa langue maternelle, l’anglais.
8.       Aujourd’hui, Météo France prévoit de la pluie dans les amphis.
9.       Arctan (exp (sin (ln Pi) ) ) = 5.
10.   Un palmier laissé sans surveillance se transforme en sapin.
11.   Utopia Toulouse diffuse le film gratuitement jusqu’au 6 novembre. Alors faites-vous plaisir, allez le voir.

Réponses :
1.       Wrong. The title is « Wrong ».
2.       Vrai. Surtout quand il neige dehors.
3.       Faux. Ou presque vrai : Mr Oizo signe la musique. Quentin Dupieux réalise. Mais il s’agit de la même personne.
4.       Faux. « Wrong » a un tout autre sujet, mais je serai bien incapable de le citer. « Wrong » n’a aucun sens : c’est du nonsense. Mais on ne peut s’empêcher, tout au long du film, de se demander si le réalisateur-scénariste n’a quand même pas caché quelque chose derrière tout ça. C’est justement la question qui empêche ce non-sens de lasser, et qui évite au réalisateur de devoir se lancer dans une escalade de l’absurdité pour maintenir l’attention du spectateur.
5.       Indécidable. La carrière cinématographique de Quentin Dupieux vient juste de commencer. Il est maintenant en train de préparer le tournage du premier scénario qu’il a écrit, « Réalité », avec Alain Chabat.
6.       Pas que je sache, mais n’ayant ni barbe ni chien je ne peux me prononcer.
7.       Faux. Eric Judor est français, et ça s’entend quand il parle anglais. Ça se ressent aussi dans son interprétation. Qui n’en est que plus drôle.
8.       Faux. Comme ça ne surprendra personne, j’ajouterai très à-propos que la photographie de « Wrong » est très belle. Comme pour « Rubber », le film a été tourné avec un appareil photo Canon. Dupieux sait s’en servir comme personne au monde. Cet appareil lui permet d’apporter une touche légèrement irréelle à son image, par exemple il ne corrige pas ses très légère saccades.
9.       Faux. Les MIC auront déjà calculé un résultat proche de 46. Par contre, 5 est bien la note accordée au film. « Steak » nous avait déjà beaucoup fait rire. C’était encore mieux avec « Rubber », qui avait confirmé que Quentin Dupieux était un réalisateur ovni. « Wrong » dépasse ses deux prédécesseurs.
10.   Faux. D’après mon expérience personnelle.
11.   Hélas, faux. Ce n’est pas gratuit. Mais allez-y quand même. Et une fois vu, essayez de nouveau de répondre à ce Vrai/Faux. Il se peut que ce soit beaucoup moins évident…

« Wrong » de Quentin Dupieux, avec Jack Plotnick, Eric Judor, William Fichtner,…

lundi 24 septembre 2012

La critique de film dont TU es le héros ! (Après la bataille)



1. Aujourd’hui, place à un projet complètement fou : après étude d’un rapport écrit par les meilleurs spécialistes PPI de l’INSA, il est apparu clairement qu’il fallait « replacer l’humain au centre du cursus scolaire et extrascolaire, pour embrasser pleinement la notion de savoir – savoir devenir » (paragraphe 728, alinéa 12). Nous avons donc logiquement décidé d’effectuer une critique de film qui vous plaçait, VOUS, au centre de notre démarche. Et maintenant, filez en 4, qu’on puisse quand même parler un peu du film (bah oui, c’est quand même le but).


2. Commençons par les points positifs : le film permet tout d’abord de plonger au cœur de la révolution égyptienne, à l’aide notamment d’une ambiance assez réussie. Certaines séquences mêlant images documentaires et images du film parviennent d’ailleurs à retranscrire les grandes lignes directrices de cette révolution d’une façon assez audacieuse. Le sujet même du film est, lui aussi, plutôt osé, surtout si tôt après les éléments décrits : c’est peut-être d’ailleurs ce qui l’a aidé à faire partie de la sélection officielle du dernier festival de Cannes.Si vous ne voulez pas en entendre plus sur ce film qui a tout l’air d’être un chef-d’œuvre, et qui possède en plus des acteurs souvent charismatiques, direction le 3 ; si vous préférez passer à l’étape difficile des défauts avant de vous décider, alors c’est vers le 7 qu’il faudra aller.

3. Ca y est, vous avez enfin trouvé le film qu’il vous faut, le film parfait, audacieux, perspicace. C’est bien simple, il n’a que des qualités. D’ailleurs, à quoi sert donc cette critique, à part à l’encenser ? A rien. Ce film est un chef-d’œuvre. Une œuvre d’art. Une pépite brûlante et lucide sur les tenants et aboutissants de la révolution égyptienne. Pour vous, il vaut au moins… allez… 6/5, pour rester objectif.


4. Alors alors, qu’avons-nous aujourd’hui ? Ah oui, Après la Bataille, un film égyptien relatif à un événement particulièrement récent : les derniers jours de la révolution égyptienne, et notamment les combats ayant eu lieu Place Tahrir. Si vous avez toujours détesté les manifestations, direction le 8 ; sinon, continuez en 2.


5. Un film relativement audacieux, mais qui passe en partie à côté de son sujet, et qui en plus possède un certain nombre d’autre défauts peu attirants : ne cherchez plus, tout ça ne vaut qu’un bon 2/5, pas plus. Et si vous commencez à sortir les pancartes pour protester contre cette sévérité imméritée, allez voir le film et… on en reparle après !



6. Hé, ho, comment vous êtes arrivés là, vous ? Non, ne cherchez pas d’excuse maladroite, aucun paragraphe ne redirige ici ! Je le sais, c’est moi qui ai écrit cette critique. Les tricheurs comme vous, on n’en veut pas par ici : du balai, et plus vite que ça. Et je vous préviens : on ne manquera pas d’indiquer sur votre prochain bulletin de notes que les innovations PPI, vous n’en avez rien à cirer.



7. Et oui, malheureusement, Après la Bataille n’est pas exempt de défauts, loin de là. Par où commencer ? Tout d’abord, le film brasse un certain nombre de choses pour en faire un melting-pot au final sans grande consistance, voire assez indigeste. Un documentaire sur le même sujet aurait eu bien plus de portée et de puissance – d’ailleurs, si ça vous intéresse, vous pouvez vous tourner vers le très bon Tahrir, Place de la Libération, documentaire sorti en DVD au début de l’été. Et pour en revenir à Après la Bataille, le film souffre aussi, pêle-mêle, de dialogues, postures, situations et ressorts dramatiques souvent trop théâtraux, leur faisant perdre une bonne part de leur crédibilité ; de scènes faisant parfois plus penser à un téléfilm qu’à un film ou un documentaire ; et enfin, d’une profusion de bons sentiments lassante et invraisemblable. Quoi ? Toute cette critique harassante et interminable, et même pas une note à la fin ? Mais si, mais si, restez assis, gardez votre calme, et allez en 5 : votre vœu le plus cher va être exaucé. Non, ne nous remerciez pas.



8. Les manifs de la CGT, ça n’a jamais été votre truc ? Celles de la Place Tahrir, n’en parlons pas, d’ailleurs vous ne savez même pas où c’est ? Et vous n’avez pas envie d’en savoir plus, la lecture de cette critique vous ayant déjà passablement ennuyé – c’est déjà beau que vous soyez arrivés jusqu’à cette étape 8. Alors pour vous, Après la Bataille ne vaut pas plus de 1/5. Sévère, mais juste. Ils n’avaient qu’à choisir un autre sujet, non mais. Sinon, il y aResident Evil : Retribution qui sort au ciné la semaine prochaine : ça, ça va dépoter grave.


Après la Bataille, de Yousry Nasrallah, avec Mena Shalaby, Bassem Samra, Nahed El Sebaï,...

Par Re4Qube

lundi 17 septembre 2012

Prohibé (Des hommes sans loi)


-          John Hillcoat est un réalisateur australien qui, depuis qu’il a réalisé le western « The proposition », semble s’être exilé à Hollywood. Après « La route » en 2009 - très bien mais qui souffrait évidemment de la comparaison avec le livre de Cormac McCarthy dont il était adapté - le voilà de retour avec « Des hommes sans loi », en compétition à Cannes cette année.
-          Tu te plaignais la semaine dernière de la fin des vacances… Pourtant, ça ne fait pas du bien de revoir enfin de grands films ?
-          C’est vrai que l’histoire de la famille Bondurant, contrebandiers de l’état de Virginie pendant la Prohibition m’a transporté. Malgré un tel synopsis, le réalisateur évite (une fois de plus) de tomber dans l’académisme : « Des hommes sans loi » se distingue par bien d’autres aspects que celui de sa reconstitution attentive et soignée du quotidien de l'Amérique sous la Prohibition. Depuis ses débuts, la réalisation de John Hillcoat est marquée par des scènes d’une très grande violence…
-          « Des hommes sans loi » n’y fait pas exception. Une des plus sanglantes d’entre elles se révèle très surprenante grâce à son dénouement…
-          Chut ! On ne peut malheureusement pas en dire beaucoup plus au risque de trop en dévoiler sur l’intrigue. Mais c’est à partir de là que se dévoile l’habileté du scénario, qui permet au film de s’interroger sur son propre statut de reconstitution historique.
-          Impossible de ne pas parler de l’interprétation de Tom Hardy, bien plus bestial et saisissant lorsque son visage et sa voix ne sont pas déformés par le costume de Bane. Et l’autre performance incontournable de ce film est celle de Guy Pearce, acteur australien capable de toutes les transformations, et qui joue ici un agent du FBI aux manières aussi effrayantes que drôles (!).
-          Le reste du casting est tout aussi bon : Gary Oldman, Jessica Chastain, Shia Labeouf, Mia Wasikoswka : mis à part, tous les acteurs cités sont tous des stars montantes. Hillcoat offre à Shia Labeouf son meilleur rôle à ce jour, rôle qui de plus n’est pas sans échos avec la carrière de l’acteur.
-          Etonnant que les critiques à Cannes aient été aussi froides… Peut-être parce que certains ont voulu y voir un portrait en creux de la société d’aujourd’hui en lutte contre la contrebande de stupéfiants, ce qui me semble être presque un contresens.
-          John Hillcoat a réalisé un magnifique film de gangsters, bien aidé par le scénario de son compatriote Nick Cave, aussi compositeur de la musique du film.

On retiendra…
L’interprétation de Tom Hardy et Guy Pearce, le scénario et la musique de Nick Cave, le souffle de la réalisation.

On oubliera…
Même s’il est très réussi, « Des hommes sans loi » n’apporte rien de vraiment nouveau.

« Des hommes sans loi », avec Shia Labeouf, Tom Hardy, Guy Pearce, Jason Clarke, Jessica Chastain,…