La mission
de l’astronaute français Thomas Pesquet sur la Station Spatiale Internationale
de novembre 2016 à juin 2017 a eu un retentissement médiatique sans précédent
(en France). Le récit de cette mission et de l’entraînement qui l’a précédé a
déjà été raconté sur tous les supports, du documentaire télé à la BD (le
formidable album « Dans la combi de Thomas Pesquet » de Marion
Montaigne), en passant par le film VR et le film IMAX… C’est maintenant sous la
forme d’un long-métrage documentaire que cette aventure spatiale est de nouveau
racontée : « 16 levers de soleil ». Un titre qui en dit
déjà long, tant il manifeste déjà une volonté de faire moins scientifique que
poétique (il s’agit du nombre de levers de soleil auquel assiste un astronaute
à bord de l’ISS en vingt-quatre heures).
16 bâillements en 2h
Effectivement,
« 16 levers de soleil » ne ressemble pas au documentaire traditionnel
type reportage télé : il n’y a pas de commentaires des images qui sont
présentées, que ce soit par une voix off ou par des interviews réalisées après
l’action des protagonistes qui y ont participé. Il y a pourtant bien une voix
off, celle du réalisateur, mais elle n’intervient qu’à de très rares moments,
et c’est pour lire des extraits d’œuvres d’Antoine de Saint-Exupéry. L’idée du
film est en effet de rapprocher la figure de Thomas Pesquet de celle du célèbre
écrivain aviateur.
Ce
parallèle était peut-être évident pour le réalisateur Pierre-Emmanuel Le Goff,
qui signe ici son premier long-métrage, mais il apparait plutôt comme
artificiel dans le film. « 16 levers de soleil » ne réussit jamais à
dépasser ses intentions : on voit les efforts réalisés (sur le montage, la
bande-son, la photo…) par le film pour paraître différent et « faire
cinéma », mais sans jamais être convaincu du résultat. Le choix a
vraisemblablement été fait de ne raconter cette aventure scientifique sur le
mode de l’émerveillement, plutôt que de tirer parti des conditions extrêmes de
cette aventure (6 mois confinés en apesanteur dans l’ISS) pour faire du
sensationnel. La vie en apesanteur est tellement étrange que l’émerveillement
fonctionne… mais un temps seulement, puisque sans discours ni narration de
quelque sorte que ce soit, cette succession de belles images finit par sonner
creuse. Sans explications ni enjeux d’exposés, les faits et gestes de Thomas Pesquet
provoquent l’ennui… Ce qui relève du comble, face au caractère extraordinaire
de la vie d’un astronaute en mission ! Contrairement à ce dont a rêvé le
réalisateur, cette « odyssée de l’espace » n’a rien de comparable
avec celle de Kubrick.
La sortie
concomitante de « 16 levers de soleil » avec « First man »
pose une question intéressante : le cinéma documentaire pourra-t-il un
jour égaler celui de fiction lorsqu’il s’agit de raconter la vie dans
l’espace ? Filmer dans l’espace est un défi technique si grand que cela
est réalisé avec des moyens certes « vrais » mais extrêmement limités
(car même si pour ce film la résolution des caméras embarquées à bord de l’ISS
a été augmentée à 4K, ce sont toujours des astronautes qui se filment eux-mêmes
lorsqu’ils en ont le temps). Tandis que le cinéma de fiction, avec ses moyens illimités
certes factices mais véridiques par la grâce du numérique, produit des œuvres
bien plus puissantes sur la vérité de la conquête spatiale…
On retiendra…
Des images forcément spectaculaires
de la vie en apesanteur, de la Terre vue de l’espace.
On oubliera…
A trop vouloir faire
« art » plutôt que « reportage », ce documentaire perd son
sens et ses spectateurs.
« 16 levers de
soleil » de Pierre-Emmanuel le Goff, avec Thomas Pesquet,…