lundi 23 avril 2012

"Je suis le roi du monde" (Titanic)



-          C’était quoi, déjà, le nombre d’entrées du plus grand succès de tous les temps en France ?
-          20,7 millions de spectateurs pour « Titanic » en 1998. Mais en 2012, on est pour le moment à 21,5 millions en cumulant le score de la ressortie 3D. J’imagine que par cette question tout sauf innocente, tu voulais fustiger l’absence de scrupules de James Cameron, qui n’hésite pas à récupérer commercialement le centenaire du naufrage du Titanic pour récolter encore des millions de dollars sur le dos des spectateurs ?
-          J’aurais pu écrire ça dans l’article de Contact si « Titanic » en 3D avait le même rendu que le premier épisode de « Star wars ». Mais James Cameron n’est pas Georges Lucas, et ces deux ressorties 3D prouvent que si la conversion relief ne rend pas plus supportable un mauvais film,  elle ne peut au contraire que magnifier un chef-d’œuvre – lorsqu’il s’y prête.
-          Euh… Ce n’est pas un peu trop risqué ? Ne vaudrait-il pas mieux retourner à notre idée de départ, la critique de « Twixt » de Coppola ? Je ne sais pas trop pourquoi, mais dans certains milieux, la phrase ‘’ J’adore « Titanic » ’’ est capable de briser une réputation de cinéphile.
-          J’adore « Titanic ». Aucune expérience cinématographique n’est comparable à la projection de ce film, si ce n’est « Avatar »…
-          Il y en a encore qui vont ricaner.
-          … et ce ne sont pas des millions que James Cameron gagne, mais des milliards : il est le seul réalisateur (et de loin) à avoir franchi, par deux fois maintenant, la barre des deux milliards de dollars de recettes. Le seul à être en mesure, pour le moment, de livrer des films aussi intensément émouvants.
-          Bon… J’avoue que moi aussi j’adore « Titanic ». Comment résister ? Et de toute manière : pourquoi résister ? A ceux qui n’ont pas été convaincu, je ne pourrai que dire : dommage pour vous. Oui, le scénario use de clichés, peut sembler trop simple, surtout lorsqu’il oppose les passagers de classe différente. Mais James Cameron possède le talent qui fait qu’on a l’impression de voir ça pour la première fois au cinéma.
-          Il en a le talent, et les moyens : jusqu’à « Avatar », « Titanic » était le film le plus coûteux de l’histoire. Quinze ans après sa sortie au cinéma, on ne peut que constater qu’il représentera à jamais la démesure du blockbuster juste avant son basculement dans l’ère numérique. Aujourd’hui, les producteurs ne se risqueraient plus à mettre autant d’argent en jeu pour reconstruire une moitié de « Titanic ». Pas avec les effets spéciaux d’aujourd’hui.
-          Les plans larges numériques du paquebot sont d’ailleurs les seuls à avoir pris un petit coup de vieux. Mais ils se comptent sur les doigts d’une main. Ce qui surprend surtout, avec cette ressortie 3D, au-delà de la jeunesse de Kate Winslet et Leonardo DiCaprio, c’est justement la qualité de la conversion 3D.
-           Soyons objectifs : on n’avait pas vu une telle 3D au cinéma depuis « Avatar ».
-          Il faut le voir pour le croire : tout est tellement évident qu’on a l’impression qu’en tournant son film à la fin des années 90, James Cameron pensait déjà à une mise en scène en relief.

On retiendra…
L’émotion procurée par le film. Son gigantisme désormais légendaire. Ultime atout de la 3D : caché derrière vos lunettes, vous n’aurez plus besoin de vous retenir de pleurer.

On oubliera…
Difficile de trouver des défauts devant un film auquel l’adjectif « efficace » ressemble à un euphémisme.

« Titanic » de James Cameron, avec Kate Winslet, Leonardo DiCaprio,…

samedi 7 avril 2012

N'en gardez que la moitié (Hunger games)

Avec 30 millions d’exemplaires vendus à travers le monde (mais seulement 300 000 en France), la trilogie « Hunger games » écrite par Suzanne Collins allait forcément débarquer au cinéma. Présenté comme le successeur des sagas « Harry Potter » et « Twilight », parce qu’adaptation de romans jeunesse à succès, « Hunger games » n’a en fait que peu de rapport avec ces films-ci. Réalisé par Gary Ross, dont le dernier film en tant que réalisateur, « Pur sang, la légende de Seabiscuit » remontait à 2003, « Hunger games » s’annonçait comme un banal blockbuster de plus, où la motivation artistique allait une fois de plus être écrasée par les énormes attentes commerciales à l’origine du projet. Un exercice d’équilibriste supplémentaire mené de manière à satisfaire les fans et intéresser le public néophyte, où la singularité artistique d’un réalisateur n’est pas la bienvenue. Suite à la projection, toutes ces craintes se sont confirmées, et le film a pulvérisé le box-office nord-américain à un niveau dépassant toutes prévisions (tout du moins d’un point de vue européen où le film rencontre un succès bien moindre). Cependant, « Hunger games » se distingue par quelques surprises qui le rendent bien plus intéressant qu’espéré.



Dualité
Le film est clairement divisé en deux parties, la première s’achevant au moment de l’entrée dans l’arène des vingt-quatre « tributs ». La continuité de l’histoire et du montage réfute une telle séparation du film en deux, mais – et c’est ce qui fait toute la singularité du long-métrage – la frontière est toutefois bien nette au niveau de la qualité. Au point que l’on pourrait presque dire qu’une moitié du film relève du nanar, jusqu’à ce que de façon totalement inattendue la plupart des défauts qui alourdissaient la mise en scène trouvent leur justification et autorisent, enfin, le spectateur à être emporté par l’histoire.

Où est passé le bon goût à Hollywood ?
          Le premier de ces défauts est une laideur visuelle. Le kitsch conquiert de plus en plus de blockbusters depuis l’avènement des films de super-héros. A ce niveau, « Thor » de Kenneth Branagh reste pour le moment la référence a priori indépassable, mais la direction artistique de « Hunger games » est parfois tout aussi mauvaise. Celle-ci visait indubitablement à se moquer de la préciosité des riches habitants du Capitole par rapport aux pauvres des districts. Mais verser à un tel point dans le ridicule, loin d’être audacieux, relève du suicide artistique. La scène la plus emblématique intervient lors du défilé des chars. Les deux héros, nous avait-on prévenus quelques minutes auparavant, n’allaient pas être costumés de manière aussi grotesque que leurs concurrents. Sauf que c’est exactement l’inverse qui se produit.
La description des districts ne s’avère pas vraiment plus réussie et reste très stéréotypée. De plus, elle n’est absolument pas crédible : les habitants sont censés y mourir de faim, mais aucun signe physique de privations ne se lit sur leurs visages. Trop dur pour le jeune public ? Aux Etats-Unis, le film devait à tout prix éviter une classification plus restrictive que PG-13.

Les deux faces d’une même pièce
L’autre défaut majeur de cette première partie est sa mise en scène. La caméra ne fait que de bouger, de manière complètement inutile, même lorsque une grande fixité aurait été de mise, comme au moment du tirage au sort. Ce montage rapide et ces remuements du champ agacent déjà, mais il faut aussi compter sur des effets de soulignements qui brisent complètement l’efficacité de certaines scènes. Par des mouvements insistants de la caméra vers une pomme au moment de l’évaluation de Katniss, le spectateur devine avec plusieurs minutes d’avance la conclusion de la scène.
          Heureusement, tout se renverse lors de l’entrée dans l’arène. C’est peut-être la meilleure scène du film : la compétition vient d’être lancée, les adolescents se ruent vers des sacs de provisions et s’entretuent. Le montage rapide et les mouvements dynamiques du champ prennent alors tout leur sens et se révèlent extraordinairement efficaces pour retranscrire la panique qui s’empare des concurrents – et éviter une représentation trop frontale de la violence. Le film est lancé. Le spectateur peut enfin se plonger dans l’histoire et arrêter de buter devant les images qui lui sont proposées. Même la musique, signée James Newton Howard, semble s’améliorer dans cette deuxième partie !

L’abyme pour éviter l’abîme
        Le film doit beaucoup à Jennifer Lawrence, la révélation de l’excellent « Winter’s bone ». Elle reprend d’ailleurs dans « Hunger games » le même rôle d’adolescente aux responsabilités d’adulte. Lawrence est une vraie actrice, et crève l’écran par rapport aux autres acteurs du film, trop lisses.
        L’histoire d’ « Hunger games » est un étrange assemblage dont les fondations sont à chercher du côté mythe du minotaure et de…  la télé-réalité. Le film aurait peut-être dû mieux exploiter l’aspect « spectacle télévisuel » de l’histoire dans sa deuxième partie. Les interventions dans le jeu du producteur de l’émission, qui manipule la réalité des tributs pour maximiser l’audience, auraient pu faire écho à l’artificialité des fictions audiovisuelles. Afin de contenter une partie de l’audience, en cours de partie les règles du jeu sont changées, autorisant désormais la victoire de deux tributs à condition qu’ils appartiennent au même district. Le film n’échappe alors pas à une histoire d’amour entre les deux héros du film, mais une histoire d’amour qui aurait pu être ambiguë, c’est-à-dire complètement artificielle : les deux héros savent très bien que leur survie dépend de leur popularité, donc de cette relation « commandée ». Une sorte de mise en abyme du film lui-même, car cette histoire d’amour est attendue par les spectateurs du film et doit être rendue crédible par les deux acteurs, Jennifer Lawrence et Josh Hutcherson. Certes, la fin du film laisse à penser que cette ambiguïté n’existait que dans l’esprit du spectateur attentif et pas dans celui des scénaristes, mais le sous-texte existe indéniablement. Qu’un blockbuster se prête à l’interprétation n’est pas courant, et cela confirme donc la relative singularité de « Hunger games ».
               

Réalisateur de seconde équipe
       Pour finir, le film a aussi comme particularité d’avoir comme réalisateur de seconde équipe une personnalité a priori bien plus expérimentée et talentueuse que le réalisateur du film : à savoir, l’hyperactif Steven Soderbergh. Une telle situation nous permet d’en savoir un peu plus sur le rôle de ce second réalisateur, censé tourner les scènes du script où n’interviennent pas les acteurs principaux. Comme ailleurs, il est impossible de savoir quelles scènes ont été dirigées par Gary Ross et quelles autres par Steven Soderbergh : « Hunger games » ne ressemble jamais à un film de Soderbergh (malgré l’éclectisme de ce dernier). Justement : de cette impossible distinction, on en déduit que le réalisateur de seconde équipe doit calquer sa mise en scène sur celle décidée par le réalisateur, calquer au point de se faire oublier. Pourtant, vu l’expérience de Soderbergh par rapport à Ross, le premier a forcément dû influer sur la réalisation du second. Lequel des deux a décidé de filmer en secouant tout le temps la caméra ? Que ce soit ou non justifié, dans l'entreprise collective qu'est la création d'un film, c'est toujours le réalisateur qui est désigné responsable...

On retiendra…
La deuxième partie, l’interprétation de Jennifer Lawrence, plusieurs scènes d’action spectaculaires, un mélange étonnant entre le mythe du minotaure et la télé-réalité.

On oubliera…
Une direction artistique désastreuse dans la première partie, des acteurs pas toujours bons, une caméra gigotante.

« Hunger games » de Gary Ross, avec Jennifer Lawrence, Josh Hutcherson,…

lundi 2 avril 2012

Mieux vaut en rire qu’en pleurer (La colère des titans)


-          Il y a des films qui vous marquent à jamais. « Le choc des titans » de Louis Leterrier en fait indubitablement partie. Il y a toujours un ou deux longs-métrages par an qui réussissent à élever le fiasco cinématographique au rang d’art, et en 2010 « Le choc des titans » s’est révélé être dans cette catégorie une œuvre incontournable. La conversion 3D, réalisée à la hâte en une semaine, fut particulièrement inoubliable, et restera à jamais dans l’histoire comme la pire 3D qui ait été infligée aux spectateurs.
-          J’en ai encore mal au crâne… Heureusement, d’autres films sont moins mauvais, mais méritent quand même pleins de mauvaises critiques. Ainsi en a-t-il été de « World invasion : battle Los Angeles », film d’invasion extra-terrestre qui concourait pour le plus long titre donnée à un blockbuster américain. Son réalisateur, Jonathan Liebesman, a montré avec ce film qu’il possédait un grand savoir-faire dans la réalisation de scènes d’action, ce qui constituait par ailleurs l’unique point fort du film.
-          Après cette longue introduction, vous comprendrez pourquoi la sortie de « La colère des titans » réalisé par Jonathan Liebesman est un événement. Après avoir touché le fond avec le premier opus, cette suite allait-elle remonter ou commencer à creuser ?
-          Soyons honnêtes : « La colère des titans » est meilleur que le film auquel il fait suite. Les producteurs ont tenté de redresser la barre, et ces efforts sont visibles, même si largement insuffisants. La direction artistique a été entièrement revue : le ton bien plus sombre rend la suite moins kitsch. Certains décors peuvent même être qualifiés de réussis, notamment le labyrinthe mouvant du Tartare. Surtout, la 3D s’avère exceptionnelle et vraiment spectaculaire, au point qu’il est difficile de deviner que le film a été lui aussi converti en 3D.
-          J’aurais quand même préféré qu’un peu moins de cailloux me tombent sur la figure… La correction majeure apportée par Liebesman à la série (un troisième film devrait suivre) est qu’on assiste enfin à de vraies scènes d’action, servie comme tu l’as dit par une très bonne 3D. Sauf que « La colère des titans » n’a pas d’autre scénario que ces scènes d’action.
-          Le scénario du film est aussi débile que celui du « Choc des titans » ! Les scénaristes se servent du bestiaire de la mythologie grecque comme d’un punching-ball pour le héros du film, Persée, toujours incarné par Sam Worthington, l’acteur 3D d’« Avatar ». Les combats sont si nombreux que les personnages n’ont pas le temps d’exister. Brossés à très gros coups de pinceaux, ceux-ci ont à peine le temps d’échanger une ou deux répliques qu’ils sont déjà en train de dégainer leurs armes pour se taper dessus. C’est sûr, vos neurones vous remercieront pour la simplicité du spectacle.
-          Pour finir, louons la représentation des dieux dans le film. Toujours interprétés (contre un gros chèque ?) par Liam Neeson et Ralph Fiennes, Zeus et Hadès se chamaillent désormais avec Arès, premier rôle hollywoodien pour Edgar Ramirez, l’interprète de Carlos dans le film éponyme d’Olivier Assayas. Des rôles si ridicules qu’on suspecte « La colère des titans » de n’être finalement rien d’autre qu’un film de propagande athéiste.

On retiendra…
Les scènes d’action, non pas pour leur nombre mais parce que certaines sont réellement impressionnantes, et exploitent très bien la 3D.

On oubliera…
Tous les défauts découlent du scénario stupide qui rend, entre autres, les acteurs impuissants à faire exister leurs personnages. En plus de la musique, si peu inspirée qu’elle en devient inutile.

« La colère des titans » de Jonathan Liebesman, avec Sam Worthington, Liam Neeson,…