Préparée
par James Cameron pendant plus d’une dizaine d’années, l’adaptation du manga
« Gunnm » en prises de vue réelle a finalement été confiée à la surprise
générale à Robert Rodriguez. La parenté artistique du réalisateur de « Sin
city » avec James Cameron n’est pas évidente, et il n’a jamais réalisé de
film au budget aussi conséquent. Mais Robert Rodriguez est aussi connu pour ses
qualités de caméléon à la réalisation – sa filmographie foutraque le prouve amplement.
Et c’est bien pour cela qu’il a été engagé sur le projet : comme il le
répète lui-même en interviews, l’objectif de Rodriguez était
qu’« Alita : battle angel » ressemble le plus possible « à
un film de James Cameron ».
Cyborg
Cet
objectif est bel et bien accompli : « Alita : battle
angel » est un film ultra spectaculaire, émouvant, à la 3D immersive, et
qui travaille le thème du transhumanisme cher au réalisateur de
« Terminator » et d’ « Avatar ». De ce fait, d’un
point de vue critique, Robert Rodriguez se retrouve dans une position
délicate : toutes les qualités de son film sont plutôt mises au crédit de
James Cameron, et on le tient responsable de tous ses défauts… !
Regarder
« Alita : battle angel » fait un bien fou : des
blockbusters aussi originaux sont si rares. Dans le monde d’Alita, la frontière
entre homme et machine n’existe plus vraiment : le corps est devenu une
machine comme une autre. Grâce à la motion capture, le film exploite à un
niveau encore jamais vu auparavant la nature hybride de ces « cyborgs »,
des êtres dont l’apparence n’a parfois plus d’humain que la peau du visage. Le
résultat à l’écran est aussi bizarre que dérangeant, car parfois à la limite du
dégoût – la représentation de ces corps tous plus ou moins disloqués contient
une violence qui relève de l’audace pour un blockbuster. C’est d’ailleurs
suffisamment dérangeant pour constituer en soi une charge anti-transhumaniste –
ce qui fait que sur le sujet, le film est globalement neutre (on pourra trouver
autant d’arguments pour l’augmentation du corps humain que contre). Cette vision
du corps comme une machine où les organes sont autant de pièces détachées est aussi
une réussite car grâce à elle, le film renouvelle beaucoup de scènes qui
auraient pu paraître stéréotypées, n’était la nature de cyborg de ses
personnages. Les scènes les plus poignantes sont justement celles qui
exploitent la nature artificielle du corps de ces personnages, jusqu’à même
s’approcher de la parodie (la scène où Alita offre littéralement son cœur à
Hugo, ou celle dans laquelle elle lutte pour ne pas lâcher ce qu’il reste de
son corps). En développant les conséquences de la modification
« machinique » des corps, « Alita : battle angel »
s’inscrit dans le prolongement direct des thématiques d’« Avatar ».
Bizarre
Ce qui
séduit aussi bizarrement dans « Alita : battle angel » est qu’au
milieu de toute cette violence, le film présente un côté naïf, voire un certain
romantisme adolescent – ce contraste est bizarre mais intéressant, car le film
ressemble ainsi vraiment à son héroïne : une tête d’adolescente posée sur
une mécanique mortelle. Dommage cependant que l’acteur masculin principal, pourtant "100% chair", soit aussi lisse – alors que dans le rôle-titre Rosa Salazar, en motion
capture, est stupéfiante de naturel. Ses yeux agrandis, disproportionnés (seule référence évidente à la nature de « manga » du matériau originel) mais si sensibles, sont l'une des plus belles réussites du film.
« Alita : battle angel » est un
grand moment d’émotions, avec de grands moments spectaculaires, telle la
course-poursuite du « motorball », une scène d’action ébouriffante et
ahurissante. L’immersion dans l’histoire est encore accrue par la magnifique 3D
du film – ce qui rappelle hélas à quel point le procédé est mal utilisé dans la
plupart des films à grand spectacle… On aime aussi la ligne narrative un peu
tordue du scénario, avec cette accélération finale qui s’achève sur une fin
abrupte. On espère voir cette histoire se conclure dans une suite !
On retiendra…
L’immersion totale dans l’histoire.
L’impression bizarre laissée par ces corps démembrés et greffés sur des
machines. La scène d’action du motorball. La 3D.
On oubliera…
L’acteur principal masculin du
film, trop lisse, n’est pas à la hauteur du projet.
« Alita : battle
angel » de Robert Rodriguez, avec Rosa Salazar, Keean Johnson, Christoph
Waltz,…