lundi 24 septembre 2012

La critique de film dont TU es le héros ! (Après la bataille)



1. Aujourd’hui, place à un projet complètement fou : après étude d’un rapport écrit par les meilleurs spécialistes PPI de l’INSA, il est apparu clairement qu’il fallait « replacer l’humain au centre du cursus scolaire et extrascolaire, pour embrasser pleinement la notion de savoir – savoir devenir » (paragraphe 728, alinéa 12). Nous avons donc logiquement décidé d’effectuer une critique de film qui vous plaçait, VOUS, au centre de notre démarche. Et maintenant, filez en 4, qu’on puisse quand même parler un peu du film (bah oui, c’est quand même le but).


2. Commençons par les points positifs : le film permet tout d’abord de plonger au cœur de la révolution égyptienne, à l’aide notamment d’une ambiance assez réussie. Certaines séquences mêlant images documentaires et images du film parviennent d’ailleurs à retranscrire les grandes lignes directrices de cette révolution d’une façon assez audacieuse. Le sujet même du film est, lui aussi, plutôt osé, surtout si tôt après les éléments décrits : c’est peut-être d’ailleurs ce qui l’a aidé à faire partie de la sélection officielle du dernier festival de Cannes.Si vous ne voulez pas en entendre plus sur ce film qui a tout l’air d’être un chef-d’œuvre, et qui possède en plus des acteurs souvent charismatiques, direction le 3 ; si vous préférez passer à l’étape difficile des défauts avant de vous décider, alors c’est vers le 7 qu’il faudra aller.

3. Ca y est, vous avez enfin trouvé le film qu’il vous faut, le film parfait, audacieux, perspicace. C’est bien simple, il n’a que des qualités. D’ailleurs, à quoi sert donc cette critique, à part à l’encenser ? A rien. Ce film est un chef-d’œuvre. Une œuvre d’art. Une pépite brûlante et lucide sur les tenants et aboutissants de la révolution égyptienne. Pour vous, il vaut au moins… allez… 6/5, pour rester objectif.


4. Alors alors, qu’avons-nous aujourd’hui ? Ah oui, Après la Bataille, un film égyptien relatif à un événement particulièrement récent : les derniers jours de la révolution égyptienne, et notamment les combats ayant eu lieu Place Tahrir. Si vous avez toujours détesté les manifestations, direction le 8 ; sinon, continuez en 2.


5. Un film relativement audacieux, mais qui passe en partie à côté de son sujet, et qui en plus possède un certain nombre d’autre défauts peu attirants : ne cherchez plus, tout ça ne vaut qu’un bon 2/5, pas plus. Et si vous commencez à sortir les pancartes pour protester contre cette sévérité imméritée, allez voir le film et… on en reparle après !



6. Hé, ho, comment vous êtes arrivés là, vous ? Non, ne cherchez pas d’excuse maladroite, aucun paragraphe ne redirige ici ! Je le sais, c’est moi qui ai écrit cette critique. Les tricheurs comme vous, on n’en veut pas par ici : du balai, et plus vite que ça. Et je vous préviens : on ne manquera pas d’indiquer sur votre prochain bulletin de notes que les innovations PPI, vous n’en avez rien à cirer.



7. Et oui, malheureusement, Après la Bataille n’est pas exempt de défauts, loin de là. Par où commencer ? Tout d’abord, le film brasse un certain nombre de choses pour en faire un melting-pot au final sans grande consistance, voire assez indigeste. Un documentaire sur le même sujet aurait eu bien plus de portée et de puissance – d’ailleurs, si ça vous intéresse, vous pouvez vous tourner vers le très bon Tahrir, Place de la Libération, documentaire sorti en DVD au début de l’été. Et pour en revenir à Après la Bataille, le film souffre aussi, pêle-mêle, de dialogues, postures, situations et ressorts dramatiques souvent trop théâtraux, leur faisant perdre une bonne part de leur crédibilité ; de scènes faisant parfois plus penser à un téléfilm qu’à un film ou un documentaire ; et enfin, d’une profusion de bons sentiments lassante et invraisemblable. Quoi ? Toute cette critique harassante et interminable, et même pas une note à la fin ? Mais si, mais si, restez assis, gardez votre calme, et allez en 5 : votre vœu le plus cher va être exaucé. Non, ne nous remerciez pas.



8. Les manifs de la CGT, ça n’a jamais été votre truc ? Celles de la Place Tahrir, n’en parlons pas, d’ailleurs vous ne savez même pas où c’est ? Et vous n’avez pas envie d’en savoir plus, la lecture de cette critique vous ayant déjà passablement ennuyé – c’est déjà beau que vous soyez arrivés jusqu’à cette étape 8. Alors pour vous, Après la Bataille ne vaut pas plus de 1/5. Sévère, mais juste. Ils n’avaient qu’à choisir un autre sujet, non mais. Sinon, il y aResident Evil : Retribution qui sort au ciné la semaine prochaine : ça, ça va dépoter grave.


Après la Bataille, de Yousry Nasrallah, avec Mena Shalaby, Bassem Samra, Nahed El Sebaï,...

Par Re4Qube

lundi 17 septembre 2012

Prohibé (Des hommes sans loi)


-          John Hillcoat est un réalisateur australien qui, depuis qu’il a réalisé le western « The proposition », semble s’être exilé à Hollywood. Après « La route » en 2009 - très bien mais qui souffrait évidemment de la comparaison avec le livre de Cormac McCarthy dont il était adapté - le voilà de retour avec « Des hommes sans loi », en compétition à Cannes cette année.
-          Tu te plaignais la semaine dernière de la fin des vacances… Pourtant, ça ne fait pas du bien de revoir enfin de grands films ?
-          C’est vrai que l’histoire de la famille Bondurant, contrebandiers de l’état de Virginie pendant la Prohibition m’a transporté. Malgré un tel synopsis, le réalisateur évite (une fois de plus) de tomber dans l’académisme : « Des hommes sans loi » se distingue par bien d’autres aspects que celui de sa reconstitution attentive et soignée du quotidien de l'Amérique sous la Prohibition. Depuis ses débuts, la réalisation de John Hillcoat est marquée par des scènes d’une très grande violence…
-          « Des hommes sans loi » n’y fait pas exception. Une des plus sanglantes d’entre elles se révèle très surprenante grâce à son dénouement…
-          Chut ! On ne peut malheureusement pas en dire beaucoup plus au risque de trop en dévoiler sur l’intrigue. Mais c’est à partir de là que se dévoile l’habileté du scénario, qui permet au film de s’interroger sur son propre statut de reconstitution historique.
-          Impossible de ne pas parler de l’interprétation de Tom Hardy, bien plus bestial et saisissant lorsque son visage et sa voix ne sont pas déformés par le costume de Bane. Et l’autre performance incontournable de ce film est celle de Guy Pearce, acteur australien capable de toutes les transformations, et qui joue ici un agent du FBI aux manières aussi effrayantes que drôles (!).
-          Le reste du casting est tout aussi bon : Gary Oldman, Jessica Chastain, Shia Labeouf, Mia Wasikoswka : mis à part, tous les acteurs cités sont tous des stars montantes. Hillcoat offre à Shia Labeouf son meilleur rôle à ce jour, rôle qui de plus n’est pas sans échos avec la carrière de l’acteur.
-          Etonnant que les critiques à Cannes aient été aussi froides… Peut-être parce que certains ont voulu y voir un portrait en creux de la société d’aujourd’hui en lutte contre la contrebande de stupéfiants, ce qui me semble être presque un contresens.
-          John Hillcoat a réalisé un magnifique film de gangsters, bien aidé par le scénario de son compatriote Nick Cave, aussi compositeur de la musique du film.

On retiendra…
L’interprétation de Tom Hardy et Guy Pearce, le scénario et la musique de Nick Cave, le souffle de la réalisation.

On oubliera…
Même s’il est très réussi, « Des hommes sans loi » n’apporte rien de vraiment nouveau.

« Des hommes sans loi », avec Shia Labeouf, Tom Hardy, Guy Pearce, Jason Clarke, Jessica Chastain,…

lundi 10 septembre 2012

Heureusement, c’est la rentrée



-          Non, je ne veux pas y aller ! Mais arrête : je t’ai dit que je n’y irai pas !
-          C’est chaque année le même cinéma ! La rentrée est toujours un moment difficile, mais tu le sais bien, on s’y fait quand même, à la fin des vacances…
-          Pas cette année ! Je suis trop vieux, j’en ai marre de répéter toujours le même traumatisme. Je n’arriverai pas à réfléchir de nouveau… C’est devenu trop exigeant. Et j’ai perdu la mémoire.
-          « Réfléchir de nouveau » ? Mais que t’est-il arrivé ces vacances ?
-          Je suis encore allé voir tous les blockbusters américains de l’été. Des films comme « Total... »… « Total ri… »… Zut, je ne me souviens plus du titre !
-          Euh… « Total recall, mémoire effacée » ? L’idée de faire un remake du film de Paul Verhoeven était déjà stupide, mais le film est carrément débile. Enfin, au moins il y avait quelques différences entre le remake et l’original, ce qui n’était pas le cas de l’autre remake de l’été, « The amazing Spider-Man », tellement inutile que je pense que j’omettrai d’en parler dans l’article de rentrée dans Contact.
-          Non ! Ne parle pas de rentrée ! Même quand les films étaient bons, voire très bons, je n’avais pas besoin de réfléchir pour les suivre : « Abraham Lincoln, chasseur de vampires », « Expendables 2 » m’ont beaucoup diverti mais ne m’ont pas plongé dans des abîmes de réflexion.
-          En effet. Moi, ça a été le cas pour « The dark knigt rises ». Impossible de savoir si malgré ma déception c’était quand même un bon film. Mais je pense que tu seras d’accord avec moi sur le fait que le film d’action le plus spectaculaire de l’été était « The raid » de Gareth Evans.
-          Pas seulement de l’été, mais de la décennie ! Je n’aurais jamais imaginé qu’un film pouvait enchaîner sans jamais lasser quatre-vingt-dix minutes de combats non-stop entre gangsters et policiers piégés dans un immeuble de Jakarta ! Un déchaînement de violence qui n’a pas non plus réveillé mes neurones… De même que les grands auteurs, qui n’ont pas plus réussi à me sortir de cette torpeur estivale.
-          Avec « La part des anges » et surtout « To Rome with love », Ken Loach et Woody Allen ont vraiment pris des vacances. Mais arrête un peu de te plaindre de cet été : que fais-tu de « Faust » et « Holy motors » ? Ce seront sans doute les deux meilleurs films de l’année. Si le premier a en toute logique gagné le Lion d’or l’an dernier, le second est revenu bredouille du festival de Cannes – ce qui est complètement aberrant !
-          Voilà, toi non plus tu ne comprends plus rien ! Et tu n’arriveras plus à suivre tous ces films qui s’annoncent. Qu’est-ce que ça va être dur, cette rentrée cinématographique !

On retiendra…
« Holy motors », Faust », « The raid ».

On oubliera…
« The amazing Spider-Man », « Total recall, mémoires programmées », « To Rome with love ».

samedi 8 septembre 2012

Totalement futile, mémoire effacée (Total recall, mémoires programmées)


Sorti en 1990, « Total recall » de Paul Verhoeven avait préfiguré par son scénario adapté d’une nouvelle de Philip K. Dick tous les blockbusters qui, par la suite, s’interrogeraient sur la perception de la réalité par l’esprit humain, et dont le dernier opus en date est « Inception ». Vingt-deux ans plus tard sort ce remake piloté par Len Wiseman, petit faiseur hollywoodien qui ne réalise que des commandes de studios depuis son premier « Underworld » en 2003. Pourquoi sortir aujourd’hui un remake de « Total recall » ? A cette question soulevée dès l’annonce surprenante de la mise en chantier de ce projet il y a deux ans, il n’y a toujours pas de réponse.


Souvenir fatal
Après la sortie de « Matrix » et d’« Inception », revenir à « Total recall » semble complètement futile, puisque la réflexion amorcée dans le blockbuster de Verhoeven en 1990 a été depuis poussée beaucoup trop loin pour qu’on puisse y retourner avec le scénario de « Total recall ». Ça aurait pu être intéressant si Len Wiseman jouait sur le souvenir que le spectateur avait du film original, avec ce remake justement sous-titré « mémoires programmées ». Sauf qu’il ne le fait que le temps d’une très courte scène, sans qu’il ne se rende compte qu’il tenait là ce qui aurait pu sauver son film. Très courte car dès l’instant passé, Wiseman relance la course-poursuite, qui occupe de fait l’essentiel du scénario et des deux heures du film, dans une pâle tentative d’imitation de la série « Jason Bourne ».
Si « Total recall, mémoires programmées » est un remake raté et inutile, c’est aussi parce qu’il est bien moins ambitieux que le film de Verhoeven. Ainsi, pas d’escapade sur Mars (juste citée dans une réplique) ! A la place, les scénaristes proposent un ascenseur traversant la Terre, joignant la Grande-Bretagne à l’Australie – le reste du monde étant inhabitable, ce qui ressemble trop à une commodité narrative. L’intérêt de cet ascenseur est qu’il permet quelques scènes d’apesanteur, qui font immédiatement penser à « Inception » - et la comparaison n’est pas flatteuse. Les rappels qui entretenaient l’ambigüité dans le film de Verhoeven sont ici moins nombreux et presque oubliés par Wiseman, qui ne pense qu’à ses scènes d’action. Sauf que celles-ci sont peu spectaculaires, moches (la direction artistique est un fiasco) et interprétées par des acteurs caricaturaux…
         Il n’y a donc vraiment rien à sauver de ce remake. Et qui s’efface déjà des mémoires…

On retiendra…
Euh ?... J’ai déjà tout oublié.

On oubliera…
Avant de voir le film, la raison motivant la réalisation de ce remake était déjà vague. Maintenant, on est noyé.

« Total recall, mémoires programmées » de Len Wiseman, avec Colin Farrell, Kate Beckinsale,…

vendredi 7 septembre 2012

Le super-héros de l'année (Abraham Lincoln, chasseur de vampires)

A quelques mois de la sortie du biopic sur Abraham Lincoln de Steven Spielberg, c’est un autre film sur le plus célèbre des présidents américains qui a envahi les salles de cinéma cet été. Produit par Tim Burton, adapté du roman de Seth Graham-Smith, ici scénariste (et qui avait déjà signé le scénario du pathétique « Dark shadows » de Tim Burton), et réalisé par Timur Bekmanbetov, cet « Abraham Lincoln, chasseur de vampires »  avait un pitch des plus séduisants au milieu des suites et remakes des autres blockbusters américains de l’été.  Le film est une étonnante réussite.


Divertissement
« Abrahama Lincoln, chasseur de vampires » ne prétendait pas à plus : c’est un extraordinaire divertissement. Grâce à la réalisation de Timur Bekmanbetov, le film possède un rythme trépidant. Les scènes d’action s’enchaînent, mais ne lassent jamais, car le réalisateur a une sacrée audace visuelle. Malgré le « petit » budget dont il disposait (pour un blockbuster hollywoodien d’été), Bekmanbetov ne s’est rien refusé : combats au milieu manade de chevaux paniqués, sur le toit d’un train fonçant à toute allure sur un pont en flammes… Faisant fi de tout réalisme pour ne privilégier que le rocambolesque ébouriffant de ses scènes d’action, Bekmanbetov livre un grand spectacle qui a pour lui le charme de sa modeste ambition, où la 3D est la bienvenue.
Une fantaisie parfaitement en accord avec le scénario échevelé de Graham-Smith, contenant beaucoup d’humour et très bien écrit, et dont l’épilogue final m’a beaucoup fait rire. Abraham Lincoln, transformé en super-héros en lutte contre les vampires, ne serait-il pas l’événement de cet été américain  – au nez et à la barbe de « The dark knigt rises » ?

On retiendra…
Le délire des scènes d’action, l’idée folle du scénario.

On oubliera…
Malgré toutes ses qualités, « Abraham Lincoln, chasseur de vampires » n’est qu’un (très bon) divertissement.

« Abraham Lincoln, chasseur de vampires » de Timur Bekmanbetov, avec Benjamin Walker, Dominic Cooper,…

jeudi 6 septembre 2012

Nolan rises ? (The dark knight rises)

Christopher Nolan, parce qu’il écrit lui-même les scénarios de ses blockbusters, qu’il a su imposer son style aux producteurs (on peut désormais employer l’adjectif « nolanien » dans les critiques) et qu’il rencontre un énorme succès public, a désormais sa place parmi les démiurges hollywoodiens. Dire que la conclusion de la saga « Batman » était très attendue est un euphémisme. Chaque année, une poignée de blockbusters américains cristallisent toutes les attentes (« Prometheus », « The dark knight rises », « Le Hobbit : un voyage inattendu » en 2012). Attentes qui, amplifiées jusqu’à l’absurde par la promotion, aboutissent souvent à une déception – même si le film est bon, comme c'est le cas ici.


Comparé aux autres blockbusters estivaux, la note peut paraître sévère. Mais pas si l’on se réfère à la filmographie de Christopher Nolan. Que s’est-il passé ? Ce film, qui aurait dû être l’apothéose de la trilogie, n’est finalement qu’un opus mineur du réalisateur. Le style Nolan qui a si bien marché dans « The dark knight » et « Inception » s’est ici alourdi. Passage en revue de ce qui fait qu’un film est « nolanien ».

Réalisme
Le Batman de Nolan est fortement ancré dans le réel, loin du fantastique gothique des versions de Tim Burton, que je regrette. Un ancrage qui permet à la saga de multiplier les parallèles entre Gotham City et notre monde, ce qui apporte la profondeur trop souvent absente du reste des blockbusters. Le braquage de la Bourse et les effondrements d’édifices dans Gotham City, l’emprisonnement de l’homme chauve-souris dans une prison au Moyen-Orient sont ainsi très évocateurs… sans qu’une quelconque vision globale ne ressorte pour autant de cet opus. Ces parallèles se brouillent les uns les autres au point de ne plus vouloir dire grand-chose – ou plutôt, de faire suspecter au spectateur qu’ils ne veulent rien dire et ne sont que simples péripéties. Le bilan de ce parti pris réaliste est donc pour le moins mitigé.
Cette volonté de réalisme a un autre défaut, celle de tuer tout mystère. Tous les agissements des personnages sont expliqués par leur passé douloureux. La fascination qui entourait le physique impressionnant de Bane se réduit dramatiquement une fois que son passé nous a été expliqué par des flash-backs ou des récits qui rendent souvent les dialogues trop écrits et irréalistes… Pourquoi donc, alors, lui avoir mis un masque ? Masque qui handicape de plus gravement la performance de l’acteur Tom Hardy, sans aucun doute exceptionnelle, mais dont il reste peu de choses une fois son figure cachée et sa voix transformée. A l’inverse, le personnage de Catwoman se retrouve être le plus réussi du film, et peut-être de la trilogie avec le Joker, car même si ses motivations sont clairement définies  (elle veut effacer les traces de son passé), le scénario ne révèlera pas les raisons de ces motivations (quel est ce passé ?).[1] Ce qui fait que ce personnage ne cessera de fasciner, son comportement restant imprévisible pour le spectateur, d’autant plus qu’Anne Hathaway livre ici sa meilleure interprétation à ce jour.

Opéra
                Heureusement, certains volets de la mise en scène de Nolan fonctionnent toujours aussi bien. Plus que jamais, l’histoire du chevalier noir a des allures d’opéra. On pourrait justifier ainsi certaines répliques trop écrites, mais cela vaut surtout pour les magnifiques décors géométriques et la musique toujours plus épique d’Hans Zimmer, terriblement impressionnantes en IMAX. Les scènes absurdement littérales de la libération des prisonniers par Bane ou l’incroyable bataille finale dans les rues de Gotham entre policiers et rebelles sont des moments où le film bascule vraiment dans l’opéra. Les mouvements de foule sont alors aussi ordonnés, géométriques que sur une scène de théâtre, donnant à la mise en scène de Nolan une écrasante majesté. La lutte entre Bane et Batman ressemble au combat de deux titans, impression aidée plus ou moins volontairement par la chorégraphie pataude du combat (on est loin du ballet aérien des combats en apesanteur d’« Inception »).…
                « The dark knight rises » réserve aussi quelques grands moments épiques comme Nolan sait si bien les faire. L’escalade hors de la prison au Moyen-Orient est une des scènes inoubliables du film, tout comme le démantèlement en plein vol de l’avion qui en impose dès l’ouverture du film.
                Mais le final, où le montage alterne entre les actions des différents protagonistes pour la survie de Gotham City, n’atteint pas le vertige d’« Inception ». Le décompte du compte à rebours ne convainc pas… la belle mécanique des scénarios de Nolan se rouille ici avant la fin du film.

Misogynie
Une autre composante désormais – et malheureusement – incontournable de l’œuvre de Christopher Nolan est l’ambiguïté de la place des femmes dans ses longs-métrages. De film en film, les femmes ne sont que des entraves aux actions du héros masculin… et ne sont jamais loin d’incarner le mal. Qu’elles soient de chair et d’or ou souvenirs, elles poussent toujours le héros à la faute (« Le prestige », « Inception »), l’empêchent de s’accomplir, de se « relever » comme ici (et dans « Inception »), quand elles ne sont pas sacrifiées (dans ce qui est certes une des meilleurs scènes de « The dark knight »). Dans « Inception », c’est à une femme que le personnage de DiCaprio demandait de concevoir des labyrinthes, comme si elles seules avaient l’esprit suffisamment torturé pour cela.
Le retournement final avec Marion Cotillard m’a estomaqué. Au-delà de la surprise du retournement final difficilement crédible, c’est la résurgence inattendue de cet aspect des histoires de Nolan qui m’a le plus sonné. Christopher Nolan, misogyne ?[2]

Blockbuster
                Depuis le remake d’« Insomnia », Christopher Nolan ne réalise plus que des blockbusters. On ne s’en plaindra pas, car sans lui, on n’aurait pas grand-chose à voir durant les étés américains au cinéma. Il en écrit lui-même les scénarios… mais force est de constater qu’il ne semble pas toujours aussi libre qu’il le voudrait. La trilogie « Batman » a été une commande qui lui a permis de réaliser deux projets plus personnels, « Le prestige » et « Inception ». L’attente démesurée orchestrée par la Warner autour de cet ultime opus de la trilogie a peut-être dépassé le réalisateur. La mort absurde de Marion Cotillard est le signe de ce malaise. Comment, sinon, expliquer pourquoi il a laissé passer ça ?
De même, le film semble s’adresser à des spectateurs considérés bien moins intelligents qu’« Inception ». A la fin, par exemple, au lieu de couper sur le visage du majordome (Michael Caine) faisant face à la caméra et regardant ce que tous les spectateurs avaient deviné, Nolan rajoute ce plan que tous s’étaient déjà imaginé… Un plan qui appesantit sa mise en scène et diminue grandement, malheureusement, la puissance de sa fin.
Il a donc fallu attendre la conclusion qu’est « The dark knight rises » pour que la trilogie se fasse rattraper par sa nature de blockbuster.

On retiendra…
De grands moments épiques, musique homérique d’Hans Zimmer, grande composition des acteurs : « Batman » est plus que jamais un opéra.

On oubliera…
La fatigue de la mise en scène : pour son prochain film, Nolan doit se renouveler.

« The dark knight rises » avec Christian Bale, Anne Hathaway, Marion Cotillard, Tom Hardy,…





[1] Il se peut aussi que les frères Nolan se soit laissé ici un espace pour l’écriture d’un spin-off dédié au personnage de Catwoman, comme le laisse penser certaines déclarations de Christopher Nolan, ce qui serait fort dommage…
[2] Finalement, cette idée de spin-off sur Catwoman n’est pas si inintéressante que ça pour ce réalisateur.

mercredi 5 septembre 2012

Braquage, nom commun (Hold-up)


Avec « Insomnia » en 1997, le norvégien Erik Skjoldbjærg avait frappé les esprits. Le film a même fait l’objet d’un remake hollywoodien, réalisé par Christopher Nolan, en 2002. Mais depuis ce qui était alors son deuxième film, aucune autre œuvre de Skjoldbjærg n’avait été distribuée en France… jusqu’à « Hold-up », réalisé en 2010 et sorti au début du mois d’août, son cinquième film.


Documentaire
« Hold-up » raconte sur un ton très réaliste le braquage le plus spectaculaire que connut la Norvège, le 5 avril 2004, dans la ville de Stavanger. Un ton très réaliste, car Skjoldbjærg fait de son film un quasi-documentaire. Le montage retransmet en temps réel et presque sans musique les mouvements des différents groupes (employés de la banque de dépôt, policiers, braqueurs), en indiquant en inserts l’heure et le lieu où se déroulent la scène, ainsi que les noms des personnages. La caméra suit au plus près les mouvements des personnages, leurs déambulations dans les couloirs, dans les rues de la ville au volant de leurs voitures… permettant à chaque fois au spectateur d’avoir le point de vue des différents protagonistes sur l’histoire. Lorsque deux actions se passent simultanément, le montage ne fait pas de va-et-vient entre les deux groupes, les deux visions du même événement. Il laisse la scène se terminer, puis passe au groupe suivant en revenant en arrière chronologiquement (« cinq minutes plus tôt »), montrant parfois la même scène mais sous un point de vue différent.
Ces retours en arrière ne rendent pas pour autant la compréhension des événements plus aisée. Mais s’ils brouillent un peu le spectateur, ils apportent une fraicheur bienvenue à un montage sinon mécanique.

L’anti-spectacle
Le parti pris de réalisme documentaire du réalisateur n’est en effet pas des plus passionnants, et ne convainc donc pas vraiment. « Hold-up » est un film mitigé. On peut applaudir le radicalisme de cette mise en scène, sauf que celle-ci appauvrit terriblement le film, qui en devient aussi quelconque que son titre. Oui, la réalité est bien plus ennuyeuse et bien moins palpitante que les films de braquage hollywoodiens, comme le souligne l’un des braqueurs au début du film. Mais Skjoldbjærg aurait quand même pu rendre ces actions minutées plus fascinantes. Par son jusqu’au-boutisme anti-spectaculaire, « Hold-up » est en quelque sorte le « Policier, adjectif » du film de braquage.
De plus, Skjoldbjærg fait parfois quelques écarts avec sa ligne réaliste. Le ralenti précédant le moment où un braqueur enfonce un marteau contre la vitre de la banque a un sens, et relance le film de manière bienvenue. Mais la fin abrupte où les intertitres expliquant le parcours des différents protagonistes après le braquage sont entrecoupés de scènes du film déjà vues, bêtement illustratives, et renvoyant de plein fouet au spectateur l’artificialité du montage et de tout ce qu’il vient de voir. Il est dommage de discréditer toute l’entreprise de sa mise en scène avec une fin bâclée par manque d’inspiration…
Reste une vision assez saisissante de la place où se tient la banque de dépôt, traversée tout au long du film par les citoyens de Stavander, qui ne remarquent pas ou trop tard qu’un braquage a lieu. Un braquage aussi anti-spectaculaire pour eux que pour nous, spectateurs…

On retiendra…
Le choix de mise en scène du réalisateur, qui fait de son film un quasi-documentaire.

On oubliera…
Le choix de mise en scène du réalisateur, qui fait de son film un quasi-documentaire.

« Hold-up » d’Erik Skjoldbjærg, avec Marit Synnøve Berg, Frode Winther Gunnes,…