dimanche 16 juin 2013

Superman begins (Man of steel)

Les super-héros n’ont jamais été aussi populaires, plus particulièrement aux Etats-Unis. Leur succès invraisemblable eu égard à la qualité cinématographique de leurs aventures ne cesse de croitre. Au point que les trois grands studios hollywoodiens détenteurs de licences de comics, à savoir WarnerBros (DC Comics), Columbia Tristar (Spider-Man), 20th Century Fox (X-Men, les 4 fantastiques) et Disney (les super-héros Marvel restants), multiplient les films qui leur sont consacrés, sans aucune modération : lorsque le potentiel des suites est épuisé, les producteurs n’attendent plus pour relancer les franchises. Columbia n’a ainsi patienté que cinq ans après la sortie de « Spider-Man 3 » pour lancer un remake « amazing » des aventures de Spider-Man sur grand écran (« The amazing Spider-Man », 2012). « Hulk » d’Ang Lee n’a lui aussi tenu que cinq ans avant qu’un remake « incroyable » ne voie le jour (« L’incroyable Hulk », 2008). Cinq ans aussi pour passer de « X-Men, l’affrontement final » à « X-men : le commencement » (2011) chez 20th Century Fox. Et huit ans, enfin, pour que WarnerBros fasse un reboot des aventures cinématographiques de Superman après l’échec – cuisant – du film de Bryan Singer (« Superman returns », 2006).
Le studio a décidé pour cette nouvelle tentative de lancement d’une franchise super-héroïque au très fort potentiel lucratif d’appliquer la méthode gagnante de la trilogie « Batman » de Christopher Nolan. L’équipe de Batman (scénario, production, musique) est donc reconduite sur « Man of steel », à la différence notable que Christopher Nolan, s’il signe l’histoire de « Man of steel », n’officie ici qu’en tant que producteur. La réalisation a en effet été confiée au prodige Zack Snyder – plus ou moins forcé d’accepter cette commande, après la déroute au box-office de « Sucker punch » (2011).


 Proverbe, cinéma et super-héros
On ne change pas une équipe qui gagne est le proverbe qui semble avoir guidé WarnerBros dans la production de « Man of steel ». C’est frappant d’emblée: « Man of steel » a bel et bien été calqué sur les dernières aventures cinématographiques de Batman. De la photographie sombre, qui rappelle beaucoup celle développée par Wally Pfister pour la trilogie de Nolan, au scénario, qui entend retracer et réinterpréter les origines du super-héros à la manière de « Batman begins », en passant par la musique de Hans Zimmer, fortement similaire à celle développée pour le chevalier noir, tout concourt à faire subir à Superman les mêmes évolutions que celles connues par l’homme chauve-souris. Le film doit donc décrire, sur un mode résolument réaliste et sombre, un super-héros plus humain que jamais, en proie au doute, tourmenté par son passé, afin d’atteindre à une émotion opératique. Avec un tel cahier des charges, on a du mal à reconnaitre la mise en scène de Zack Snyder, qui a dû mettre de côté ses excentricités graphiques, son usage des ralentis et son montage sous forme de clip (Hans Zimmer ayant de toute manière remplacé Tyler Bates à la composition). Contrairement aux « Batman » réalisés et écrits par Nolan, « Man of steel » est donc un pur film de commande.
L’erreur de WarnerBros est d’avoir cru que le proverbe « On ne change pas une équipe qui gagne » s’appliquait aussi à l’art, et donc au cinéma. Mais il n’en est rien, comme le prouve « Man of steel ». Malgré tous leurs efforts, le scénario, la photographie et la direction artistique (le costume de Superman a été intégralement relooké) ne peuvent faire de Superman cette figure réaliste, sombre et tourmentée. Tout ce dispositif entre en contradiction avec les superpouvoirs du héros, capables de voler tout autour du globe, dans l’espace, et d’envoyer des rayons laser avec ses yeux. Le matériau de départ du comic était peut-être trop ridicule pour être adapté de cette manière… Et l’humour, s’il n’est pas totalement absent, et désespérément manquant.

Le problème de la cape
Toute la partie de l’histoire relevant de la science-fiction et du space opera, traitée sur le mode réaliste, semble du coup très lourdement mise en scène et fait plutôt sourire que pleurer. Citons en particulier la révélation à la Terre de l’existence d’une espèce extra-terrestre : l’écriture comme la mise en scène sont alors aussi maladroits que ce sujet était risqué. De même pour ces histoires d’atmosphère terrestre et kryptonienne, qui affaiblissent ou renforcent les héros : elles ne ressemblent qu’à des grosses ficelles scénaristiques.
Et c’est plutôt dommage étant donné les moyens mis en œuvre pour cette partie extra-terrestre de l’histoire. Les costumes comme les décors et les vaisseaux sont impressionnants, même si le kitsch n’est parfois jamais loin. Mais il est impossible de croire encore à cet univers lorsqu’on voit y débouler un homme en combinaison bleue portant une cape rouge.
L’émotion que le film veut donc dégager est donc sérieusement mise à mal par l’irréductible invraisemblance de Superman.

Action et contradiction
Le film gagne quand même son titre d’honnête divertissement pour ses scènes d’action ultra spectaculaires, où la frustration latente du réalisateur peut enfin se libérer : on reconnait alors, enfin, la patte du réalisateur. Zack Snyder signe ici une suite de scènes d’action parmi les plus impressionnantes qu’ait produites Hollywood ces dernières années. Les superpouvoirs de permettent à Snyder de s’en donner à cœur joie : il filme ainsi un duel se déroulant sur la Terre comme dans l’espace, où les camions, gratte-ciels et satellites sont autant d’armes balistiques potentielles… La 3D ne rend que toutes ces folies visuelles encore plus ahurissantes.
Des scènes d’action très nombreuses qui font assurément de « Man of steel » un des blockbusters les plus spectaculaires de l’année, mais dont l’extravagance entre aussi en totale contradiction avec la veine réaliste du film. Après avoir fait le tour de la Terre, Superman et ses ennemis finissent comme par hasard leur combat là où il a commencé, soit devant les yeux des personnages secondaires… dont la place est vraiment problématique dans ces scènes d’action à l’échelle stratosphérique.
C’est donc dans ces scènes d’action qu’est le plus visible la contradiction entre la volonté de réalisme du film et l’invraisemblance de ce qu’il raconte effectivement – une contradiction présente dès le départ, puisqu’on peut la rapprocher de celle existant entre le matérialisme de Christopher Nolan et la fantaisie de Zack Snyder.
On espère que Zack Snyder se libérera bien vite de cette commande pour revenir à ces expérimentations visuelles. Elles avaient fait merveille pour « Watchmen », le film de référence sur les super-héros.

On retiendra…
Des scènes d’action ébouriffantes qui s’étendent aussi bien sur la Terre… que dans l’espace !

On oubliera…
L’imposition d’un traitement réaliste à un personnage qui y résiste jusqu’à créer une contradiction entre la mise en scène du film et son sujet.


« Man of steel » de Zack Snyder, avec Henry Cavill, Michael Shannon, Amy Adams,…

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