jeudi 6 décembre 2018

Immersion (First man, le premier homme sur la Lune)

Pourquoi être allé le voir ?
Après l’impressionnant mais discutable « Whiplash », Damien Chazelle a fait sensation en ressuscitant la comédie musicale classique avec « La la land » (autre réussite imparfaite) il y a deux ans. Jouissant depuis du statut de « super auteur » à Hollywood, il retrouve Ryan Gosling pour raconter, à quelques mois du cinquantième anniversaire du premier alunissage, le parcours de Neil Armstrong de 1961 à 1969.


Pourquoi le voir ?
Damien Chazelle nous fait vivre au plus près d’Armstrong les différentes missions qui l’ont conduit à être sélectionné pour Apollo 11. L’immersion est totale. Ça tremble, ça grince, ça tourne, à vous donner littéralement des sueurs froides. Chaque mission est un moment de tension d’une intensité folle, où l’on retrouve le talent du réalisateur déjà exprimé lors des séquences musicales de « Whiplash » pour mettre en apnée ses spectateurs. Face à ces épreuves, un homme mutique qui semble obsédé par la poursuite d’un mystérieux objectif, Neil Armstrong, joué par un Ryan Gosling une fois de plus impressionnant d’émotion dans le registre minimaliste.
Le film a l’intelligence de laisser une place à la critique de la conquête spatiale et d’éviter toute référence patriotique américaine à cet événement  qui a marqué l’humanité toute entière.
La dernière scène du film, où Armstrong est séparé de sa femme par une vitre, dit tout du mystère de l’expérience, ineffable, vécue par cet homme, qui nous sera à jamais inaccessible. « First man » rappelle ainsi le caractère inouï d’un moment d’Histoire – comme l’a fait récemment, dans un registre très différent (et avec une toute autre réussite…) Pierre Schoeller en reconstituant la décapitation de Louis XVI dans « Un peuple et son roi ».

« First man » de Damien Chazelle, avec Ryan Gosling, Claire Foy,…

jeudi 22 novembre 2018

Arrête-moi si tu peux (The house that Jack built)


Pourquoi être allé le voir ?
Chaque film de Lars von Trier est en soi un événement. Avec celui-ci, Lars von Trier a eu de nouveau le droit d’intégrer la sélection officielle du festival de Cannes (hors compétition pour commencer), sept ans après la fâcheuse conférence de presse de « Melancholia » qui l’avait conduit à être déclaré « persona non grata » – il avait de fait présenté les parties 1 et 2 de « Nymphomaniac » à Berlin et à Venise en 2014.

Pourquoi le voir ?
Matt Dillon interprète avec un brio et un courage qui force l’admiration Jack, ce personnage monstrueux de serial killer imaginé par Lars von Trier. Il rend totalement crédible la folie de son personnage, et est pour beaucoup dans le comique du film.
Le final étonnant racontant la descente au plus profond des enfers de Jack, intitulé justement « Catabase », est un collage hétéroclite de séquences tournées dans des styles très différents (du tableau animé ultra kitsch au found footage angoissant) citant les représentations les plus célèbres de l’Enfer – et c’est d’autant plus terrifiant. Cette partie contient la plus belle séquence du film, celle où Jack regarde des faucheurs en action dans un champ et écoute leur souffle, la seule peut-être où le parallèle établi par la voix off est beau, et non pas oiseux.

Pourquoi ne pas le voir ?
« Nymphomaniac » était abominable et bête. « The house that Jack built » s’inscrit dans son exacte continuité. Ça commence plutôt bien pourtant : l’humour est très noir, mais fait encore rire. Mais à force de provocations de plus en plus extrêmes, le rire du spectateur s’étrangle. Puis ses yeux se ferment : Lars von Trier va trop loin. Les jeux macabres qu’il décrit, le discours nauséabond tenu par son personnage (illustré selon sa nouvelle méthode de montage – cf « Nymphomaniac » – de photos tirées de Google images), sont tellement atroces que le film en devient irregardable.
Complètement mégalomane, Lars von Trier fait en plus au travers de ce serial killer son propre autoportrait. On peut reconnaitre que c’est l’un des rares cinéastes qui cherche vraiment à bousculer ses spectateurs (comment ne pas penser que ce film est dangereux pendant la projection ?), ce qui serait quelque part admirable… si ce n’était pour raconter en fait des banalités, ici sur le mal.

« The house that Jack built » de Lars von Trier, avec Matt Dillon, Bruno Ganz,…

mardi 23 octobre 2018

L’art difficile du sense of wonder (16 levers de soleil)

La mission de l’astronaute français Thomas Pesquet sur la Station Spatiale Internationale de novembre 2016 à juin 2017 a eu un retentissement médiatique sans précédent (en France). Le récit de cette mission et de l’entraînement qui l’a précédé a déjà été raconté sur tous les supports, du documentaire télé à la BD (le formidable album « Dans la combi de Thomas Pesquet » de Marion Montaigne), en passant par le film VR et le film IMAX… C’est maintenant sous la forme d’un long-métrage documentaire que cette aventure spatiale est de nouveau racontée : « 16 levers de soleil ». Un titre qui en dit déjà long, tant il manifeste déjà une volonté de faire moins scientifique que poétique (il s’agit du nombre de levers de soleil auquel assiste un astronaute à bord de l’ISS en vingt-quatre heures).


16 bâillements en 2h
Effectivement, « 16 levers de soleil » ne ressemble pas au documentaire traditionnel type reportage télé : il n’y a pas de commentaires des images qui sont présentées, que ce soit par une voix off ou par des interviews réalisées après l’action des protagonistes qui y ont participé. Il y a pourtant bien une voix off, celle du réalisateur, mais elle n’intervient qu’à de très rares moments, et c’est pour lire des extraits d’œuvres d’Antoine de Saint-Exupéry. L’idée du film est en effet de rapprocher la figure de Thomas Pesquet de celle du célèbre écrivain aviateur.
Ce parallèle était peut-être évident pour le réalisateur Pierre-Emmanuel Le Goff, qui signe ici son premier long-métrage, mais il apparait plutôt comme artificiel dans le film. « 16 levers de soleil » ne réussit jamais à dépasser ses intentions : on voit les efforts réalisés (sur le montage, la bande-son, la photo…) par le film pour paraître différent et « faire cinéma », mais sans jamais être convaincu du résultat. Le choix a vraisemblablement été fait de ne raconter cette aventure scientifique sur le mode de l’émerveillement, plutôt que de tirer parti des conditions extrêmes de cette aventure (6 mois confinés en apesanteur dans l’ISS) pour faire du sensationnel. La vie en apesanteur est tellement étrange que l’émerveillement fonctionne… mais un temps seulement, puisque sans discours ni narration de quelque sorte que ce soit, cette succession de belles images finit par sonner creuse. Sans explications ni enjeux d’exposés, les faits et gestes de Thomas Pesquet provoquent l’ennui… Ce qui relève du comble, face au caractère extraordinaire de la vie d’un astronaute en mission ! Contrairement à ce dont a rêvé le réalisateur, cette « odyssée de l’espace » n’a rien de comparable avec celle de Kubrick.
La sortie concomitante de « 16 levers de soleil » avec « First man » pose une question intéressante : le cinéma documentaire pourra-t-il un jour égaler celui de fiction lorsqu’il s’agit de raconter la vie dans l’espace ? Filmer dans l’espace est un défi technique si grand que cela est réalisé avec des moyens certes « vrais » mais extrêmement limités (car même si pour ce film la résolution des caméras embarquées à bord de l’ISS a été augmentée à 4K, ce sont toujours des astronautes qui se filment eux-mêmes lorsqu’ils en ont le temps). Tandis que le cinéma de fiction, avec ses moyens illimités certes factices mais véridiques par la grâce du numérique, produit des œuvres bien plus puissantes sur la vérité de la conquête spatiale…

On retiendra…
Des images forcément spectaculaires de la vie en apesanteur, de la Terre vue de l’espace.

On oubliera…
A trop vouloir faire « art » plutôt que « reportage », ce documentaire perd son sens et ses spectateurs.

« 16 levers de soleil » de Pierre-Emmanuel le Goff, avec Thomas Pesquet,…

mercredi 3 octobre 2018

Le film de Schrödinger (Climax)

« Climax » est le cinquième film de Gaspar Noé, le plus sulfureux des réalisateurs du cinéma français. Il ne figurait étonnamment pas en sélection officielle à Cannes cette année, mais à la Quinzaine des réalisateurs – qui en avait peut-être plus besoin pour célébrer sa 50ème édition ? De fête il est en effet question dans ce film, à l’argument très simple : dans un lieu isolé, à la fête de fin de répétition d’un spectacle de danse, une troupe de danseurs se retrouve intoxiquée par une drogue hallucinatoire.


Trajectoire simple
Comme l’a déjà fait Gaspar Noé, le film débute par sa fin (générique compris), ce n’est donc rien révéler que de décrire ce film comme une plongée progressive dans l’horreur. Passée cette « introduction finale », un exceptionnel plan-séquence nous entraîne au cœur de la dernière répétition, sur la musique Supernature de Cerrone. La caméra bouge au milieu des danseurs en accord avec leur chorégraphie, selon des axes géométriques très maîtrisés. Le spectacle ainsi filmé est magnifique, la virtuosité du cadre et de la photographie épousant celles des danseurs. L’énergie déployée dans ce plan est ahurissante et est en parfait accord avec l’humour bravache de la réalisation de Noé (qui avant ce plan a déjà dynamité toutes les conventions habituelles du long-métrage…). A ce stade de la projection, on se dit qu’on est face à un chef-d’œuvre…
Le fait d’avoir annoncé dès l’incipit que tout ça allait mal se terminer installe dès la fin de la répétition et le début de la fête qui la suit un malaise entretenu par la mise en scène (tout sonne comme un présage d’un massacre à venir, la couleur rouge étant partout présente), malaise qui n’ira qu’en grandissant… jusqu’à ce que l’horreur commence. On comprend vite que « Climax » va nous montrer, au fil de longs plans-séquences, le délitement progressif d’une harmonie, la troupe gracieuse unie dans la danse du début du film se morcelant petit à petit en individualités mesquines, idiotes ou monstrueuses. De l’ordre au chaos : la simplicité de la trajectoire du film fait toute sa beauté. Le champ de la caméra donne l’impression avec un réalisme saisissant de voir à travers les yeux d’un personnage ayant lui aussi été drogué – la caméra se déplace donc d’une manière de moins en moins ordonnée, se fait de plus en plus flottante, et finit par carrément se retourner…
Mais la simplicité de cette trajectoire du film est aussi sa limite. Parce qu’une fois compris ce programme imaginé par Noé, a-t-on vraiment encore envie d’assister à son exécution ? Le film devient alors un spectacle voyeuriste de la déchéance des rapports humains, rendu encore plus malsain par le fait que Noé l’alimente en traumatismes (addiction, avortement, inceste)…
Au final, on ressort de la salle complètement groggy du film, plus très sûr de l’orientation de la gravité (à force de voir les images à l’envers), et surtout éberlué par la vacuité du discours du film. Gaspar Noé avait l’habitude de cliver (on aime ou on n’aime pas). Il innove ici en mettant le point de clivage au milieu de son film : on aime puis on n’aime pas (ce qui pose un défi lorsqu’il s’agit de donner une appréciation au film en un seul mot ou une seule note !).

On retiendra…
Une première partie chorégraphique d’une beauté sidérante, d’une énergie folle. Les pieds de nez aux conventions cinématographiques.

On oubliera…
La deuxième partie est tellement programmatique qu’elle donne l’impression malséante d’assister à un spectacle voyeuriste. Les pieds de nez aux conventions cinématographiques.

« Climax » de Gaspar Noé, avec Sofia Boutella, Romain Guillermic,…

lundi 3 septembre 2018

Dépliement (Jérusalem)

Certains livres font événement parce qu’ils sont gros. Lourds. Qu’ils ont demandé des années d’écriture. Dans cette catégorie, « Jérusalem » est un morceau de choix. Il s’agit du deuxième roman d’Alan Moore, le célèbre scénariste (entre autres) des comics « Watchmen » et « V pour vendetta », entré tardivement en littérature.
Le titre n’a a priori rien à voir avec la ville sainte : quasiment toute l’action de « Jérusalem » se déroule en fait à Northampton, une ville dans le centre de l’Angleterre qui, d’après Alan Moore et comme il aime à la présenter, n’est rien de moins que le centre du monde d’après lui, Hitler et Dieu. Un postulat étonnant mais qui sera largement argumenté au cours des quelques 1266 pages, très denses, du roman. Un nombre de pages conséquent narrant une histoire qui l’est tout autant, et qu’il est donc difficile de résumer en quelques phrases. Disons juste que « Jérusalem » est l’histoire de Northampton – et plus exactement d’un quartier de Northampton, « les Boroughs » –, de l’Antiquité jusqu’à la fin des temps, racontée de manière chorale (avec autant de personnages fictifs que de figures historiques), non linéaire, en quatre dimensions (les trois de l’espace et celle du temps), et au moyen de tous les styles littéraires (prose, poésie, théâtre et des moins identifiables).


Ludique
Présenté de la sorte, ça paraît monumental – et ça l’est bel et bien. Pourtant une fois commencé, le roman n’est en rien intimidant. Si le nombre de références disséminées est incalculable, il n’est pas nécessaire de les connaître (ni même de les repérer, car on passe en fait à côté du plus grand nombre d’entre elles) pour apprécier l’histoire. De plus, la narration est suffisamment fragmentée pour ne pas assommer le lecteur par la taille de son récit. L’ouvrage est divisé en trois parties. La première et la dernière ressemblent à un recueil de nouvelles car chacun de gros chapitres est centré sur un personnage, formant comme des nouvelles quasi autonomes mais interconnectées. La deuxième, tout entière consacrée ou presque à un personnage sur une seule ligne narrative, est beaucoup plus linéaire dans sa narration (mais linéaire en 4D…).
Le tout comporte beaucoup d’humour : on se rend compte au fur et à mesure comment, à partir par exemple d’une simple porte ouvrant sur le vide à un étage d’une église, ou de la lance d’une statue qui ressemble à une canne de billard, Alan Moore a imaginé tout une mythologie, une cosmogonie, sur sa ville, et donc à quel point tout ceci – et par « ceci » on parle de plus de 1200 pages – n’est pas complétement sérieux. « Jérusalem » est une gigantesque construction géo-mythologico-historico-philosophique, mais c’est d’abord et avant tout un jeu, comme toute création littéraire, ce qu’Alan Moore veille à ne pas faire oublier tout au long de son impressionnant roman – la manière dont il le rappelle en particulier dans l’épilogue est assez drôle.
Malgré son nombre incalculable de pages, il n’y en a pas une qui semble plus faible qu’une autre. Le roman commence très fort par la description magnifique et stupéfiante d’une fresque sous la voûte de la cathédrale Saint-Paul à Londres qui s’« anime » – mais ce passage de pure bravoure littéraire sera suivi de nombreux autres, jusqu’au dernier chapitre du roman. Il ne fait nul doute qu’Alan Moore est un grand écrivain de grand talent – dont on ne pouvait avoir qu’un début d’idée à la lecture de ses comics.

Lourd
« Jérusalem » a donc jusqu’ici tout du roman génial… Mais il y a un « mais ». Le problème, c’est que c’est – malgré son aspect ludique – un roman lourd, dans tous les sens du terme. Alan Moore n’a fait aucune économie narrative. Même si elles sont toutes différentes et originales, il n’épargne aucune description à son lecteur, ce qui à la longue peut être pénible. La densité impressionnante du roman n’est trouée d’aucune ellipse. L’idée qui sous-tend le roman, une conception philosophique de l’existence (dont l’auteur aurait appris plus tard qu’elle avait déjà été théorisée, sous le nom d’« éternalisme »), est très intéressante mais elle est racontée en long, en large et en travers, alors même qu’on l’a déjà comprise.
Et il y a le chapitre 26, « Battre la campagne », hommage à « Finnegans wake » de James Joyce. C’est une torture pour le lecteur, ça a dû être une torture pour le traducteur Claro, il est encore plus dur d’imaginer ce que ça a coûté pour être rédigé. Ce chapitre est une sort de point de non-retour de la lecture : c’est une fois que l’on a dépassé ce chapitre que l’on se convainc que « Jérusalem » est un monstre littéraire
Lire « Jérusalem » demande donc des efforts. Mais ceux-ci sont largement récompensés, et perdurent dans le temps. Le roman est en fait comme les paroles divines des Ang(l)es du roman : il se déplie dans l’esprit du lecteur, peu à peu, devenant de plus en plus vaste, plus riche, et ce dépliement se poursuit encore et encore bien après sa lecture. On se prend ainsi à s’intéresser à l’histoire des rues où l’on habite, à se demander à quoi aurait pu ressembler « Jérusalem » s’il avait été écrit dans son propre quartier. On ne regarde plus comme avant son quartier, les rues que l’on parcourt, celles que l’on emprunte tous les jours.
Même si ce n’est pas le roman que j’ai pris le plus de plaisir à lire, avec « Jérusalem » Alan Moore a changé ma manière de voir le monde. Ils sont très rares les romans capables d’une telle prouesse…

« Jérusalem » d’Alan Moore, aux éditions inculte

Impossible de terminer cet article sans évoquer sa traduction, ahurissante, et pas seulement par le nombre de pages. La densité de références parfois intriquées contenue dans la prose de Moore est folle. On s’en rend compte en lisant le blog tenu par le traducteur, Claro, lors de ce travail de traduction hors du commun. Une mine d’informations sur le métier, qui permet d’entrevoir la richesse du texte… et surtout de se rendre compte qu’on en a raté une bonne partie ! Un complément au roman tout simplement indispensable, qui pourrait justifier à lui-seul la lecture de « Jérusalem » !

samedi 4 août 2018

Mortels décibels (Sans un bruit)


Difficile de ne pas abuser des jeux de mots que permet son titre… mais « Sans un bruit » est sans conteste le film d’horreur qui a le plus fait parler de lui cette année. Difficile aussi de savoir à quoi s’attendre lorsqu’on s’apprête à assister à une de ses projections. Il s’agit d’un premier film écrit, réalisé et interprété par John Krasinski (jusqu’alors connu pour des seconds rôles) – ce qui a tout l’air d’être du cinéma d’auteur. Mais c’est aussi un film produit par Michael Bay – au temps pour le cinéma d’auteur...


Concept
« Sans un bruit » est avant tout chose un film d’horreur « concept ». Ce concept sur lequel le film va jouer pour créer de la tension est très simple à comprendre (tout est dans le titre) : si les personnages font du bruit, ils sont tués – en fait dévorés par des extra-terrestres à l’ouïe surdéveloppée mais qui semblent ne pas disposer de la vue et de l’odorat.
Ce postulat de départ dingue mais inventif est présenté lors de la séquence d’introduction du film, très frappante de brutalité. C’est en soi un court-métrage qui aurait pu se suffire à lui-même tant tout y est déjà dit – cette séquence est d’ailleurs très certainement la meilleure du film.
Tout le film est articulé autour de son « concept » de ne pas faire de bruit. C’est une limite évidente au film : le ressort de ses moments de tension est toujours de savoir si le personnage va craquer et briser le silence… Mais ce principe de silence absolu et vital est mis en scène au travers d’une kyrielle de situations, suffisamment variée pour relancer à chaque fois l’intérêt. Le film regorge ainsi de trouvailles (incroyable scène du silo par exemple). Il exploite à fond son « concept », le poussant à bout, en osant même flirter avec le grotesque (l’accouchement).

Le bruit des voisins
Malgré la représentation pleine de clichés de la famille dépeinte par le film, on s’amuse donc beaucoup devant ce film, dont l’expérience en salle ne ressemble à aucune autre. Une telle densité de silence dans la bande-son du film, c’est très rare, et sûrement inédit dans un cinéma aussi commercial. Même au temps du muet, de la musique (au moins) accompagnait la projection ! On entend donc beaucoup plus ce qui se passe dans la salle que ce qui se passe à l’écran… Au grand dam des amateurs de popcorn.
Malheureusement, la fin du film s’avère nettement plus conventionnelle que son idée de départ. Le réalisateur tombe d’un coup dans tous les travers du film d’horreur commercial qu’il avait su éviter jusqu’alors… Une panne d’inspiration finale imposée pour laisser la possibilité d’une suite (car suite il y aura) ?

On retiendra…
Une excellente idée de  scénario, exploitée par une réalisation qui n’a pas peur du silence, à travers une grande inventivité de situations.

On oubliera…
La fin du film, aussi nulle que son introduction était géniale.


« Sans un bruit » de John Krasinski, avec John Krasinski, Emily Blunt,…

samedi 21 juillet 2018

La vie d’Amin (Mektoub my love, canto uno)

Cinq ans ont passé depuis « La vie d’Adèle, chapitres 1 et 2 »… et beaucoup de choses ont changé depuis sa présentation triomphante (trois Palmes d’or !) au festival de Cannes. Il semble que les multiples polémiques qui ont entouré la fabrication houleuse du film aient eu finalement plus d’impact sur la carrière et l’image de Kechiche que son énorme succès public (un million d’entrées) et critique. Dans un contexte « post-Weinstein », est-ce pour cela que « Mektoub my love, canto uno », son nouveau film, n’a pas fait événement en-dehors du public cinéphile ? C’est fort regrettable que l’un des meilleurs (si ce n’est le meilleur) films de l’année n’ait été salué que par la presse.


« Mektoub my love » était présenté comme l’adaptation du roman « La blessure la vraie » de François Bégaudeau, émouvante et très drôle évocation d’amours adolescentes au cours d’un été au bord de la mer. Sans surprise, le film se révèle être très lointainement inspiré du roman, Kechiche n’ayant conservé que quelques noms de personnages, et l’idée de célébrer la jeunesse au soleil. A partir de cette très vague intrigue, Kechiche a réalisé, si ce n’est son meilleur film, son plus radical à ce jour : une intrigue minimaliste (en apparence) racontée dans une durée hors norme de trois heures… pour cette première partie seulement, puisque ce « canto uno » devrait être suivi d’au moins un autre film.

Sublime réel
« Mektoub my love » ne tient et ne se justifie que par sa mise en scène naturaliste, attachée jusqu’à l’obsession à retranscrire la vérité. Kechiche est le cinéaste contemporain le plus doué pour capter le réel, et il n’y a rien de plus fascinant qu’un film qui disparaît sous nos yeux pour devenir du réel. Voilà donc comment à partir d’un scénario qui semble inexistant, le cinéaste atteint par la grâce de sa mise en scène à des émotions, des sentiments et des sensations que rarement le cinéma ne réussit à faire éprouver, surtout avec une telle évidence. Que ce soient des discussions sur la plage ou des danses en boîte de nuit, les scènes s’étirent et s’étirent… mais sans que la durée ne provoque à un quelconque moment l’ennui. La vérité de ce qui se joue à l’écran, par son pouvoir de fascination, a absorbé la notion de temps pour le spectateur.
Le film contient d’autres coups de force que sa durée extraordinaire. Le plus frappant est son incipit. Le film s’ouvre quasiment sur une scène de sexe très crue qui fait craindre le pire – mais qui ne sera suivie d’aucune autre. Il fallait une audace incroyable pour ouvrir un film d’une telle manière. Cette scène brûle la rétine et reste gravée dans l’esprit du spectateur comme une rémanence, de la même manière qu’elle s’imprime dans l’esprit d’Amin, le personnage principal du film, voyeur involontaire de la scène.

Méta
Ce personnage principal, très effacé, qui se contente la plupart du temps d’écouter et de regarder ses camarades, il est évident dès l’ouverture du film qu’il est un double du cinéaste. Cette projection de l’auteur dans sa propre œuvre, qui permet au réalisateur d’indirectement s’expliquer et de se critiquer lui-même, est la marque la plus évidente de la dimension « métacinématographique » du film, inédite dans l’œuvre de Kechiche et que l’on n’aurait pas imaginée dans un cinéma aussi ancré dans le réel. Quelques détails seulement rendent compte de l’existence de cette dimension « méta » – jeu qui sonne (volontairement) faux au début du film, une synchronisation bizarre du son à la fin – des détails certes, pourtant évidents face à l’exigence de la mise en scène du reste du long-métrage.
Kechiche emprunte ici une voie inédite dans son travail de restitution du réel. Le cinéma est une affaire de croyance. Comme ne cessent de le démontrer l’absence d’affects associés aux effets spéciaux numériques dans les blockbusters d’aujourd’hui, laisser paraître un peu de l’artificialité d’une mise en scène renforce paradoxalement l’adhésion du spectateur à l’histoire qui lui est racontée, et donc le réalisme du film. En résumé, il faut de l’artificialité pour s’approcher du réel, et c’est ce paradoxe qu’explore étonnamment Kechiche dans « Mektoub my love ».  
On notera enfin, fait inédit, le retour d’une actrice d’un précédent film de Kechiche, Hafsia Herzi, qui est ici extraordinaire, et l’utilisation d’une musique extradiégétique qui vient ponctuer le film à plusieurs reprises dans ses moments les plus joyeux. Cette épopée intime et solaire réjouit et émeut comme rarement… et l’on est heureux de savoir qu’il y a encore une partie 2 à découvrir !

On retiendra…
Le réalisme de la mise en scène de Kechiche, que la mise en scène interroge elle-même, l’émotion, la joie qu’insuffle le film, la vitalité des comédiens.

On oubliera…
Il faut maintenant attendre pour voir la suite de cette histoire découpée en (au moins) deux parties…

« Mektoub my love, canto uno » d’Abdellatif Kechiche, avec Shaïn Boumedine, Ophélie Bau, Salim Kechiouche,…

lundi 25 juin 2018

L’enfer lunaire (Luna, lune du loup)

            « Luna, lune du loup » est le deuxième tome de la « trilogie lunaire » de Ian McDonald, initiée par « Luna, nouvelle lune » paru l’année dernière chez Denoël Lunes d’encres. L’auteur y imagine une Lune colonisée par l’Homme. La particularité de la société lunaire est qu’elle n’est pas organisée comme une nation mais comme un conglomérat d’entreprises dédiées à l’exploitation des ressources lunaires et à leur export aux nations terrestres. En somme, une société où le capitalisme est poussé à son paroxysme. Il n’y a pas de loi sur la Lune, seulement des contrats.
 

Capitalisme sauvage
Un cadre formidable pour développer une histoire, rendue passionnante par les excès de cette société (deux exemples d’idées géniales et frappantes : les habitants doivent payer leur oxygène – ainsi les plus pauvres ont du mal à respirer, les litiges judiciaires peuvent se régler par des duels à mort). Un cadre formidable aussi pour développer une réflexion politique grâce à la comparaison inévitable que se fait le lecteur entre la société lunaire du roman et la sienne. Rien que de très classique pour la SF a priori… mais c’est sans compter sur l’immense talent d’Ian McDonald. La critique en creux de l’ultralibéralisme est beaucoup plus fine et nuancée qu’il n’y paraît, puisque le tableau de ce capitalisme sauvage n’est pas aussi noir qu’attendu – la liberté folle dont jouissent les habitants de la Lune peut faire apparaître cette société comme progressiste par rapport à la Terre.
Dans l’œuvre de McDonald, cette trilogie fait suite à une trilogie « terrestre » (« Le fleuve des dieux », « Brasyl », « La maison des derviches ») dans laquelle l’auteur avait imaginé un futur à partir de trois nations et cultures différentes : l’Inde, le Brésil et la Turquie. Cet intérêt rare et original pour développer une SF dont les racines culturelles ne soient pas purement anglo-saxonnes se retrouve dans la trilogie « Luna » au travers des « Cinq Dragons », les cinq plus grandes entreprises contrôlant la Lune, qui sont toutes familiales et originaires d’autant de pays différents sur Terre. La culture la plus présente dans la trilogie étant celle du Brésil, dont est originaire la famille Corta, personnage principal de la trilogie.
Si l’intrigue, bien que redoutablement efficace, soit au fond peu originale – la lutte faite d’alliances et de trahisons des Cinq Dragons pour le contrôle de la Lune –, elle est inscrite dans un cadre si plein d’inventions, de provocations et d’émotions que le roman enthousiasme à presque chaque page.
Ce deuxième tome est la suite directe du premier, et s’achève aussi brutalement que ce dernier : la trilogie « Luna » est moins une trilogie qu’un seul et unique roman découpé en trois parties. On attend donc avec impatience la parution du troisième et dernier tome de ce grand roman. Qui nous aidera peut-être à décider si oui ou non « Luna » est le chef-d’œuvre d’Ian McDonald.
 

« Luna, lune du loup » d’Ian McDonald, aux éditions Denoël-Lunes d’encre

PS : Merci à l’éditeur de m’avoir fait parvenir un exemplaire du roman en service presse, c’était un immense honneur !

mercredi 6 juin 2018

Cadeau geek (Ready player one)

Plus de dix ans après « La guerre des mondes », Steven Spielberg revient à la science-fiction (et au blockbuster), genre dans lequel il a réalisé la plupart de ses plus grands chefs-d’œuvre. Adapté d’un roman (d’Ernest Cline, paru en 2011), « Ready Player One » est un hommage au jeu vidéo et à la culture geek.


« Ready Player One » est avant tout une ébouriffante course-poursuite géante où Spielberg fait montre de son talent pour restituer le mouvement et l’action. On n’avait encore jamais vu une caméra virevolter avec autant d’aisance au sein d’un tel déchaînement d’action trépidante (de la course automobile à la bataille rangée), dans des plans-séquences hallucinants qui n’existent que par la grâce du numérique. Le mouvement, qui est au centre de la mise en scène de Spielberg, est ici permanent, aussi bien à l’image que dans le scénario. Ce dernier est en effet riches de nombreuses péripéties venant constamment redonner de l’élan au déroulé d’une intrigue par ailleurs très programmatique.

Fouillis de références
Ce que l’on retient surtout de « Ready Player One » c’est ce foisonnement inouï de références en tous genres qui ont été accumulées dans chacun de ses plans. Celles-ci ne sont pas cantonnées à la seule sphère du jeu vidéo, mais englobent tout un imaginaire des années 80 à aujourd’hui. Le réalisateur a même eu le droit de revisiter « Shining », dans une séquence jubilatoire – qui ne plaira d’ailleurs sûrement pas au jeune public du film de Spielberg ! De la même manière qu’il avait assumé jusqu’à la parodie la logique de parc d’attraction de « Jurassic Park » (en filmant les propres produits dérivés du film), ces mille et une références font se répondre la forme et le fond du film, qui sont tous les deux des « chasses à l’œuf » (easter egg). Seule restriction discernable : par décence il semble que Spielberg ait évité les autocitations… alors même qu’il a largement contribué à façonner cette culture à laquelle il entend rendre hommage !
« Ready Player One » peut se voir comme une réactualisation, à l’heure d’internet et des jeux vidéo, de l’esprit d’aventure enfantin qui soufflait dans les productions Amblin. Et ça marche ! Mais d’où aussi la naïveté confondante des dernières séquences (ou encore la surprise très limitée à la révélation de l’identité réelle des personnages derrière les avatars), qui est peut-être ce qui passe le moins bien aujourd’hui… La pirouette quasi moralisatrice finale est même une pure incongruité, au regard du discours jusqu'à présent dans le film.
Cette fin surprenante ne suffit pas cependant à diminuer la qualité de ce trente-et-unième long-métrage de Spielberg. En 2018, le cinéma de Spielberg continue d’afficher une santé insolente, tant dans la sphère du film d’auteur (« Pentagone papers ») que dans celle du blockbuster.

On retiendra…
Mouvements de caméra virevoltant, rythme trépidant, foisonnement des références : une grande aventure visuelle.

On oubliera…
La naïveté finale.

« Ready Player One » de Steven Spielberg, avec Taylor Sheridan, Olivia Cooke,…

lundi 9 avril 2018

Contamination (Annihilation)


Voilà bien un roman qui à sa lecture paraissait inadaptable… Classique instantané de la science-fiction à sa parution en 2014, « Annihilation » de Jeff VanderMeer raconte l’exploration d’une mystérieuse « zone X » aux propriétés étranges, dans un récit très intelligent à mi-chemin de la science-fiction et du fantastique, qui fait autant référence au « Stalker » des frères Strougatski qu’à l’horreur lovecraftienne (et avec même un soupçon de « La horde du contrevent » d’Alain Damasio – référence qui doit plutôt être une coïncidence !).
Après avoir lu le roman, Alex Garland, le réalisateur du génial « Ex machina » (2015), s’est lancé dans son adaptation au cinéma, sans attendre la parution des deux suites romanesques – « Annihilation » était en fait le premier tome d’une trilogie. Quatre ans plus tard, le film est terminé et montré au studio producteur Paramount, qui doute alors de sa rentabilité. En conséquence, Paramount décide de ne le distribuer en salles qu’en Amérique du Nord et en Chine, et le vend à Netflix dans le reste du monde. Le géant de la SVOD s’est alors empressé d’estampiller le film comme l’une de ses « créations originales », ce qui se qualifie au mieux de publicité mensongère…


Captivant
Quel dommage donc de ne pas le découvrir sur grand écran ! « Annihilation » est d’abord un grand spectacle visuel, avec une stupéfiante direction artistique qui dévoile toute sa mesure lorsque le film pénètre dans la fameuse zone X. Mettre en évidence l’étrangeté de ce territoire par ces effets de « miroitement » (bonne utilisation du numérique) ou par le biais de cette végétation très fleurie sont de très bonnes idées. Le décor va se révéler d’autant plus toxique et inquiétant qu’il semble de prime abord paradisiaque.
Surtout, le film captive de bout en bout par son mystère, qui semble s’épaissir à chaque nouvelle péripétie… et gagne d’autant en pouvoir de fascination. Un suspense s’établit rapidement autour de la question : ces énigmes trouveront-elles une explication ? Ce suspense tient malgré le choix très discutable de révéler dès le départ que le personnage joué par Natalie Portman (qui excelle comme d’habitude dans l’ambigüité) sortira, seul, de la zone X.
Par ce procédé scénaristique, Alex Garland a tenté d’éviter de faire de son film un simple « survival », mais paradoxalement il cède quand même aux poncifs de ce genre. Le danger le plus mortel dans la zone X reste celui représenté par ses monstrueux habitants, des bêtes féroces mutantes… ce qui est en définitive un danger très banal (surtout lorsqu’une l’irruption du gros monstre se fait pile à la conclusion d’une scène de dialogue) !
Le film apparaîtra en fait assez pauvre aux lecteurs du roman – si Garland a des idées « plastiques » quant à la représentation visuelle de la zone X, il manque de vraies idées de mise en scène pour créer le malaise (hormis une, la séquence traumatisante de « l’éviscération in vivo »). Le délitement du groupe, la montée progressive de la folie, sa contamination par la zone X s’avèrent finalement grossièrement représentés.

Le fin mot de l’histoire
Alex Garland semble s’être beaucoup appliqué à multiplier les détails troublants et les sens cachés au fil des séquences, ce qui est intellectuellement stimulant… mais il n’a pas su se retenir de tout expliciter à la fin. Cette conclusion décevante est le principal défaut du film. C’est le problème avec les mystères : leur révélation est presque toujours décevante.
L’entrée dans le phare et la confrontation avec l’altérité de la zone X est un moment de bascule faisant explicitement référence à l’indépassable chapitre « Jupiter, et au-delà de l'infini » de « 2001 : l’odyssée de l’espace » (Kubrick étant le modèle évident de réalisation de Garland). C’est toujours beau de voir des réalisateurs se confronter à l’irreprésentable, mais la solution numérique adoptée ici par Garland n’est pas des plus judicieuses. Ce pantin verdâtre auquel on ne croit pas une seule seconde n’est absolument pas fascinant. C’est d’autant plus dommage que justement Alex Garland avait parfaitement réussi à représenter une altérité et à lui conserver une irréductible part de mystère à la fin d’« Ex machina »…
Tous ces défauts ne sauraient faire oublier qu’ « Annihilation » reste en l’état un film de science-fiction original et rare. Mais qui aurait pu être bien plus que cela : lisez les romans.

On retiendra…
Fascinant, inquiétant, ce film captive jusqu’à sa conclusion…

On oubliera…
… Conclusion qui déçoit en ce qu’elle tue le mystère du film, qui s’avère moins original qu’il n’aurait pu l’être.

« Annihilation » d’Alex Garland, avec Natalie Portman, Oscar Isaac,…

dimanche 4 mars 2018

La vie aquatique (La forme de l’eau)

Le réalisateur des deux « Hellboy » est, enfin, célébré unanimement à travers le monde, grâce à son dernier film, « La forme de l’eau », qui a réussi l’exploit de remporter le Lion d’or à Venise l’année dernière et de figurer en tête des nominations aux Oscars. Une reconnaissance critique et surtout publique fort bienvenues pour ce réalisateur, qui depuis le succès du si beau « Le labyrinthe de Pan » (2006), a eu bien du mal à monter ses projets : de « Les montagnes hallucinées » à « Le Hobbit », on ne compte plus le nombre de films annoncés puis abandonnés (temporairement ?) par Guillermo del Toro, faisant du réalisateur un « génie frustré ».


Science du détail
Bien qu’il remporte un succès beaucoup plus large, « La forme de l’eau » ne contient aucune rupture dans sa forme comme dans son fond avec le reste de la filmographie du réalisateur. Mais s’il touche particulièrement, c’est sûrement parce que ce film-ci est une histoire d’amour, placée sur un registre drôle et émouvant, qui lui donne un côté « feel good movie » qui fait rapidement mouche. Il est difficile de résister aux personnages, formidablement typés. La science du détail de Guillermo del Toro fait ici merveille : chacun d’eux, mêmes les plus mauvais, sont attachants, inoubliables. L’impression de bien-être procurée par le film n’empêche pas pour autant des moments noirs. L’image est résolument sombre (la lumière du jour est absente), et le film ménage de soudaines explosions de violence, qui sont si brusques qu’elles en deviennent drôles.
Comme tout film de del Toro, « La forme de l’eau » est évidemment un agrégat d’hommages et de références, de tous les genres – jusqu’à la comédie musicale, dans l’un des passages les plus émouvants et magiques (car si près du grotesque). Par exemple, le design (merveilleux) de la créature évoque autant Abe, l’être amphibie de « Hellboy », que « L’étrange créature du lac noir » (1954) – dont del Toro devait un temps réaliser un remake. Mais le film regorge aussi de références politiques, sociales, personnelles. Ce fourre-tout visuel, allié à l’impression de « feel good movie », rappelle le cinéma de Jean-Pierre Jeunet (à sa meilleure époque).
En somme, « La forme de l’eau » est un film enchanteur (malgré sa noirceur), qui espérons-le, ouvrira de nouvelles portes à Guillermo del Toro.

On retiendra…
L’émotion procurée par le film, sa drôlerie, et sa poésie visuelle.

On oubliera…
La forme du conte donne aux métaphores un côté évident qui diminuent leur puissance.

« La forme de l’eau » de Guillermo del Toro, avec Sally Hawkins, Doug Jones, Michael Shannon,…

jeudi 15 février 2018

La revanche d’une blonde (Revenge)

« Revenge » est bien plus singulier que ne laisse penser son titre passe-partout. Il s’agit d’un film « de genre » (appellation polie pour dire « film d’horreur » et dérivés) d’une réalisatrice française, Coralie Fargeat, racontant une chasse à l’homme – l’expression exacte serait plutôt : une chasse à la femme. Très violent, le film est interdit aux moins de 12 ans, et n’a pas dû passer loin de l’interdiction aux moins de 16 ans.


Contraintes et liberté
Tourné dans le désert marocain, « Revenge » a une identité visuelle forte : la photographie très colorée rappelle la bande dessinée. Ces superbes images sont accompagnées d’une excellente musique électro de Rob, suffisamment maîtrisée pour ne pas faire tomber le film dans le clip – de peu. La mise en scène a plein de bonnes idées, sait ménager des pièges aux spectateurs, et surtout réussit petit à petit à transformer l’horreur du début en défouloir jouissif. Elle se distingue en particulier par des brusques gros plans (sur une mastication ou la chute de gouttes de sang par exemple) qui suspendent et intensifient l’action.
Mais « Revenge » est aussi un premier film. On le devine en cours de projection. Il pâtit d’une volonté de trop bien faire qui se manifeste par des effets de montage très appuyés, une insistance sur des symboles évidents (une pomme dévorée par des insectes au début du film est particulièrement agaçante, un téléachat lors du combat final aussi), en bref une volonté de trop bien faire. Trop soignée, trop calculée, la réalisation de « Revenge » apparait bizarrement comme corsetée… alors même qu’elle est au service d’une histoire de libération !
Un autre point notable à propos du film est son bilinguisme. Le film a été tourné en anglais et en français. Le mélange des deux langues étonne au départ… mais n’est pas utilisé par le scénario, ou presque. On devine donc en cours de projection que ce bilinguisme a été une stratégie pour aider au financement du film (ce qui est effectivement vrai). Cette contrainte sur la langue n’a pas été transformée en atout narratif, au contraire de certaines autres contraintes (telle que l’absence d’acteur connu au casting par exemple), et reste donc à l’état de bizarrerie.
Malgré ces imperfections, « Revenge » pourra divertir, et même plus : son côté féministe soulève de nombreuses questions et suscite la réflexion.

On retiendra…
Les bonnes idées de mise en scène, le passage de l’angoisse à la comédie, la photographie stylisée, la musique.

On oubliera…
La trop évidente maîtrise de la réalisation qui rend mécanique cette histoire de libération.

« Revenge » de Coralie Fargeat, avec Matilda Lutz, Kevin Janssens,…

dimanche 28 janvier 2018

Publicité détournée (3 billboards, les panneaux de la vengeance)

Martin McDonagh n’était jusqu’à présent l’homme que d’un seul film : « Bons baisers de Bruges ». Un flamboyant coup d’essai cinématographique (d’un dramaturge expérimenté), sorti en 2008 et devenu culte, contrairement à son deuxième film, « 7 psychopathes », passé inaperçu. « 3 billboards, les panneaux de la vengeance » (titre français très peu inspiré) n’est donc que son troisième film en dix ans, mais il a remis McDonagh au-devant de la scène.


Cocktail de contraires
« 3 billboards » figure en effet parmi les favoris aux Oscar 2018, porté notamment par sa résonance avec l’actualité. Cette histoire d’une femme entêtée luttant âprement pour que soit recherché l’assassin et le violeur de sa fille dans l’Amérique profonde évoque forcément le mouvement « Time’s up » et l’Amérique de Trump. Mais le film a bien d’autres atouts.
Le plus frappant est cette alliance de burlesque, de grotesque et de tragique propre à l’auteur : dans une même scène McDonagh porte au plus haut à la fois le rire et le drame. A sa manière, le mélange est osé… et ne convainc pas toujours au début. Cependant, le film est si énergique – rythmé et intense – et les péripéties du scénario si improbables que cette bizarre mais rare combinaison de mélodrame et d’humour noir finit par emporter.
De plus, les acteurs font vivre des personnages marquants. Ils apparaissent d’abord comme de spectaculaires caricatures mais leur richesse sera peu à peu révélée par l’intrigue, jusqu’à en devenir émouvants. Une trajectoire qui reflète celle du film tout entier, qui commence dans la rage et s’achève sur ce qui est presque de la tendresse.
L’indéniable qualité de ces audaces d’écriture basées sur l’alliance des contraires apporte beaucoup au film… et le dessert aussi parfois, car ces audaces rendent trop visibles justement cette écriture, ce qui provoque des effets de « décollement du réel » qui font décrocher du film. Comme ces lettres posthumes postées aux différents personnages, qui certes sont drôles (par leur ton) et tristes (car c’est un mort qui s’exprime), mais servent trop bien la mécanique de l’intrigue pour qu’on les croit vraisemblables (elles contiennent même une explication psychologique (redondante) de chaque personnage !).
« 3 billboards » est donc un film original, mémorable et particulièrement actuel. Il interpelle et ne peut laisser indifférent… tout en étant loin d’être le chef-d’œuvre promis par la campagne pour les Oscar.

On retiendra…
L’alliance des contraires : mélodrame et humour noir, rage et tendresse… L’énergie du film et la force de ses interprètes.

On oubliera…
L’alliance des contraires ne fonctionne pas toujours… Des passages sont aussi surécrits.


« 3 billboards, les panneaux de la vengeance » de Martin McDonagh, avec Frances McDomand, Sam Rockwell, Woody Harrelson,…

Les 17 films de 2017


Par sa beauté visuelle inouïe, la radicalité de sa mise en scène et de son montag – presque inespérée pour ce type de production , son intelligence et surtout l’émotion procurée, « Blade runner 2049 » est pour moi Le film de l’année 2017. Vient après le projet si longuement attendu de James Gray, « The lost city of Z ». Les longs-métrages de ce duo de tête, ainsi que « Au revoir là-haut », ont pour points communs d’être des films de genre spectaculaires réalisés par des cinéastes d’auteur qui n’ont rien cédé sur leur exigence, et servis par des photographies exceptionnelles.

1.       Blade runner 2049
2.       The lost city of Z
3.       La lune de Jupiter
4.       Au revoir là-haut
5.       Un beau soleil intérieur
6.       The square
7.       Good time
8.       120 battements par minute
9.       Un jour dans la vie de Billy Lynn
10.   Certaines femmes
11.   I am not a witch
13.   Le jour d’après
14.   Okja
15.   Song to song
16.   Jackie
17.   Problemos

Comme chaque année, des films s’imposent en tête avec évidence – ce fût le cas des deux derniers cités –, puis le classement se fait de plus en plus flou. On notera  la première apparition dans ce top rituel d’un film qui n’a pas pu sortir sur les écrans, « Okja » de Bong Joon-Ho (ce qui était bien dommage) car produit par Netflix. Sur ce sujet, 2018 s’annonce comme l’année de tous les bouleversements, pendant laquelle la remise en question des barrières entre cinéma en salle/cinéma dématéralisé et cinéma/série, portées par la montée des nouveaux géants de la SVOD, va devenir incontournable.
A noter que je n’ai pas (encore) vu la saison 3 de « Twin peaks » (considéré comme le meilleur film de l’année par une partie de la presse française), et que je suis aussi passé à côté de « Get out ».

dimanche 21 janvier 2018

Pépite oubliée (Wanted)

« Wanted » est un improbable film qui a (un tout petit peu) refait surface depuis la mort de l’une de ses stars, Johnny Hallyday. Le chanteur tenait en effet l’un des rôles-titres, aux côtés de Renaud, Gérard Depardieu et Harvey Keitel ! On ne sait pas comment ce film s’est monté, mais on peut supputer que soit sur une idée de casting, ou plutôt des idées de casting : « faire se rencontrer des stars françaises avec une star américaine » (même si la star américaine en question est vieillissante et n’est plus ce qu’elle était), « faire se rencontrer Johnny Hallyday et Renaud », « faire se rencontrer Gérard Depardieu et Johnny Hallyday » ? Ce casting impressionnant (et unique dans l’histoire du cinéma !) est l’attrait principal de ce film largement méconnu – alors qu’il aurait tout pour devenir culte.


Degré(s) de comique
« Wanted » (ou « Crime spree » en VO, le film étant américain) est le premier long-métrage de l’américain Brad Mirman, qui était jusque-là « connu » comme scénariste (« Highlander 3 » notamment, en 1995)[1]. Et effectivement, Mirman se montre plus expérimenté sur son écriture que sur sa mise en scène. Si le scénario est vraiment celui d’une comédie de braquage, qui atteint son but au premier degré (le comique fonctionne régulièrement), la réalisation se prend parfois trop au sérieux et se perd dans des effets de style assez embarrassants… mais très drôle au troisième degré (et aux suivants). On touche là à ce qui fait toute la qualité de « Wanted » : d’être drôle à différents degrés, simultanément, le premier inclus (ce qui n’en fait pas un nanar !). Au point que lorsqu’on rigole, on ne sait plus trop identifier à quel degré le film est drôle... Un exemple : Johnny, Renaud et Gégé s’échangent des répliques en anglais (le film se déroule majoritairement à Chicago), ce qui est ridiculement drôle – mais certains de ses dialogues sont vraiment drôles !
Le film possède une candeur très réjouissante. La maladresse de certains effets de montage répond à l’amateurisme de la direction d’acteurs (Johnny et Renaud manquent complètement de naturel), mais ce qui ressort avant tout c’est le plaisir qu’a eu Brad Mirman à créer son film. Il s’est vraiment amusé avec son casting, et son plaisir est aujourd’hui communicatif (c’était manifestement moins le cas à l’époque de sa sortie, puisque le film n’a pas atteint les 400 000 entrées en France !).
On n’ira pas jusqu’à déclarer que « Wanted » est un bon film, celui-ci restant assez embrouillé et plein de gratuités, telle la scène où Johnny et Renaud (qui ne jouent pas leur propre rôle) se battent pour écouter l’un de leur tube respectif sur un poste de radio. Mais il a gagné en intérêt avec le temps. Il est tellement unique (et conscient de cette unicité !) et si drôle (peu importe le degré) qu’il mériterait à être plus connu. D’où cette critique !
Le meilleur du film est à la fin, ou plutôt après : essayez de deviner de quand date « Wanted ». Il est effarant de constater qu’il n’est pas si vieux que ça !

On retiendra…
Un des meilleurs castings de l’histoire du cinéma français (Johnny Hallyday, Renaud et Gérard Depardieu)… forcé de s’exprimer en anglais (puisqu’il s’agit d’une histoire de braquage à Chicago !).

On oubliera…
L’amateurisme de la réalisation et des acteurs-chanteurs français, le scénario improbable tiré par les cheveux.

« Wanted » de Brad Mirman, avec Gérard Depardieu, Harvey Keitel, Johnny Hallyday, Renaud,…




[1] « Connu » n’est peut-être pas le bon terme, puisque ce cinéaste n’a pas encore de fiche Wikipédia en anglais (!), mais en français et en allemand.

vendredi 19 janvier 2018

Fragments de torpeur thaïlandaise (Bangkok nites)

Katsuya Tomita est japonais, mais il connait manifestement très bien la Thaïlande. Pour essayer d’expliquer ce qu’est « Bangkok nites », on pourrait en effet le résumer comme un portrait de ce pays. Le film raconte comment y sévit la pire forme du capitalisme mondialisé, le tourisme sexuel (et psychotrope), favorisé par des rapports coloniaux encore latents avec le Japon. L’œuvre de Tomita n’est pas encore très fournie (quatre films, dont seuls les deux derniers sont sortis en salles en France), mais elle est déjà très dense, rien que par l’ampleur de ces films – « Bangkok nites » dure plus de 3h !


Réalisme hallucinatoire
Le film commence fort : dès la scène d’ouverture, on est dans la sidération. Les premières minutes exposent brillamment les mécaniques de la société qui sera décrite tout au long du film, avec une mise en scène faussement simple à la grande puissance visuelle. Après cette embardée initiale, le film se calme en gardant un rythme égal, pendant que la mise en scène fait lentement évoluer le portrait social, qui semblait coller au présent le plus contemporain (déjà très riche), vers un portrait à plusieurs composantes, d’une grande profondeur. Le réalisateur réussit en effet à faire surgir (parfois littéralement) de sa description du présent ses racines historiques, dans une construction subtile, complexe et très belle.
La narration fait toute l’originalité du travail de Katsuya Tomita. Les scènes s’enchaînent, mais elles ne sont que lâchement liées par une intrigue, qui se révèle petit à petit mais reste très flottante. Cela produit une sensation de réalisme, puisque les événements semblent advenir « naturellement », sans obéir à une logique narrative dépassant les personnages. On ne comprend ainsi pas vraiment si les scènes qui nous sont montrées ont une importance, voire si elles ont un sens, ou s’il ne s’agit tout simplement que de de montrer du « présent ».
Par cette manière très diffuse de raconter une histoire, le film acquiert vite une structure brumeuse se rapprochant de celle des rêves… Ou plutôt d’hallucinations, puisque de manière surprenante, le réalisateur se permet de manière inopinée des tentatives stylistiques qui paraissent toujours incongrues (irruptions de bruitages, de ralentis, plans figés, sursaturation de l’image,…) car elles ne sont jamais reproduites. Ces hallucinations secouent le film de sa torpeur, tout en le rapprochant encore plus de la texture des rêves. Ces hallucinations peuvent être aussi prises au sens propre : le réalisme déployé par le film n’empêche pas de brèves apparitions de fantômes et même de créature mythologique. Des apparitions qui font forcément penser au cinéma du cinéaste thaïlandais Apichatpong Weerasethakul, dont le film se rapproche.
« Bangkok nites » ne peut ainsi être mieux décrit que par l’expression « réalisme hallucinatoire ». Mais la beauté de ce style parait à la longue un peu vaine lorsque, même sur la fin, la fiction reste obstinément éthérée, au point de virer à l’insignifiance ou à l’incompréhensible.

On retiendra…
Un portrait sidérant de la Thaïlande, racontée par le biais d’une fiction très lâche développant un « réalisme hallucinatoire » unique.

On oubliera…
La longueur du film est parfois pesante, de même que la signification hermétique de certaines des scènes finales.


« Bangkok nites » de Katsuya Tomita, avec Subenja Pungkorn, Katsuya Tomita,…

mercredi 10 janvier 2018

Lemaitre Dupontel (Au revoir là-haut)

On imagine que la lutte pour acquérir les droits d’adaptation du prix Goncourt 2013, énorme succès en librairie, a été féroce. C’est finalement Albert Dupontel qui a réussi à s’imposer, à l’heureuse surprise générale. Grâce au succès public et critique de « 9 mois ferme », l’acteur-réalisateur a pu accéder à un projet au budget ambitieux, exigé par ce film d’époque. Or, connaître le succès et accéder à des productions de plus grande ampleur et donc plus risquée financièrement conduisent plutôt à l’académisme.


Futur classique
Mais Dupontel n’a rien cédé : dans « Au revoir là-haut », il se montre toujours aussi fou, virtuose et drôle qu’auparavant, tout en étant encore plus spectaculaire. Le pari était encore moins gagné d’avance que sur un tel sujet – la Grande Guerre et ses conséquences – le cinéma français avait déjà livré de très bon films français récents, tels que « Un long dimanche de fiançailles » de Jean-Pierre Jeunet (2004) et « La chambre des officiers » de François Dupeyron (2001). Mais aucun n’a l’ampleur d’ « Au revoir là-haut ».
Quelque que soit le prisme choisi pour analyser le film, « Au revoir là-haut » apparaît comme une réussite. Son scénario retranscrit le foisonnement de péripéties et de personnages du roman sans embrouiller le spectateur ni paraître compliqué. L’image est somptueuse. Les cadrages virtuoses dont est adepte Dupontel s’enchaînent ici sans virer à l’épate, tant l’on est profondément happé par la narration. Ils s’intègrent très bien au cadre épique et tragique de ce film, bien mieux en tout cas que la dernière comédie du réalisateur où les mouvements compliqués de caméra ressemblaient à de la sophistication gratuite. La direction artistique, qui s’exprime notamment à travers les masques portés par la gueule cassée Edouard Péricourt, apporte une forme poétique inespérée à l’image, très émouvante. Les acteurs composent de formidables numéros, des premiers aux seconds rôles, même les plus éphémères (Michel Vuillermoz, épatant). Seule facilité, l’interprétation par Dupontel de son personnage doucement ahuri manque d’originalité. Mais on comprend que le réalisateur n’ait pas eu l’énergie de se lancer dans une nouvelle performance alors qu’il réalisait le film.
Par son style affirmé, Albert Dupontel réussit à produire un mélange très émouvant de tragique et de comédie. Un grand film, tout simplement.

On retiendra…
Le style Dupontel, fait d’outrances et de sophistications comiques, augmenté d’une puissance visuelle inattendue apportée par une incroyable direction artistique, restitue avec beaucoup d’émotions le mélange de comédie et de drame de cette histoire.

On oubliera…
L’interprétation de Dupontel, pas du tout surprenante.


« Au revoir là-haut » d’Albert Dupontel, avec Albert Dupontel, Nahuel Perez Biscayart, Laurent Lafitte,…