dimanche 30 mars 2014

La caricature cathartique de « 300 » (300, la naissance d'un empire)


-          Zack Snyder, en adaptant l’incroyable bande dessinée de Frank Miller « 300 » avec un parti pris esthétique aussi radical, avait produit un film coup de tonnerre qui avait marqué les mémoires et posé un jalon dans la conversion vers le tout-numérique des blockbusters américains.
-          C’était en 2007… Et ça semble déjà très loin. Depuis, Zack Snyder s'est fait un nom à Hollywood et Gerard Butler est retombé dans les oubliettes de l'histoire du 7ème art. Depuis, surtout, les spectateurs ont pu s’habituer à cette nouvelle pratique du cinéma qui oblige les acteurs à ne jouer que devant des fonds verts et autorise les réalisateurs à se livrer à toutes les expérimentations visuelles - parfois même au détriment de l’intrigue, oubliée ou sacrifiée sur l’autel du graphisme, « Sucker punch » (2011) étant le plus fameux exemple de ce travers… film signé par le même Zack Snyder.
-          Tu le cites encore, mais – appelé par Warner pour faire revivre Superman sur grand écran (à notre plus grand regret), Zack Snyder n’est pas l’auteur de cette suite (c’est l’inconnu Noam Murro), suite qui paraît de prime abord bien incongrue.
-          S’il y a bien un film qu’on aurait pu croire invincible aux envies de suite des producteurs, c’était bien « 300 » ! L’astuce a donc consisté pour les scénaristes à raconter les événements se déroulant parallèlement à la légendaire bataille des Thermopyles… inventant un nouveau genre de suite ou de remake : le « sidequel ».
-          Scénaristes qui ne sont nul autres que Zack Snyder et Frank Miller, travaillant à partir de la BD « Xerxès » de ce dernier, et dont le film serait l’adaptation… à ceci près qu’elle n’est pas encore terminée.
-          Ce qui fait de « 300, la naissance d’un empire » un cas rare – voire inédit ? – dans l’histoire du cinéma : il s’agit de l’adaptation d’une œuvre dont la date de sortie précède celle du roman graphique dont elle est issue…
-          Evidemment, la surprise visuelle provoquée par « 300 » ne pouvait être renouvelée (à moins de proposer quelque chose de complètement différent, ce qui n’est pas l’objectif hollywoodien d’une suite). Pourtant, « 300, la naissance d’un empire » ne démérite pas par rapport à son modèle. L’idée de Noam Murro, le réalisateur, est toute simple : s’il ne peut réinventer les codes institués par Zack Snyder, autant les reprendre… et les exagérer.
-          Oui ! C’était encore possible ! Ceux qui auront trouvé que « 300 » étaient un sommet de caricature cinématographique s’apercevront qu’il était possible d’aller plus haut. « 300, la naissance d’un empire » est plus sanglant, plus gratuitement violent…
-          « Graphiquement violent », devrais-tu dire plutôt…
-          … que « 300 ». Le moindre coup d’épée répand des hectolitres de sang sur l’écran, dans une cascade de ralentis et d’accélérés. Ressemblant plus que jamais à un jeu-vidéo filmé (les vagues d’ennemis se succèdent comme les niveaux d’un jeu), le film de Noam Murro joue à fond sur la surenchère.
-          On pourrait être outré par la vacuité profonde et totale de ce dispositif cinématographique, vidé de sa substance (à l’inverse de « 300 ») sans la parution de la BD de laquelle il est issu… n’était l’énorme plaisir que provoque cet étrange objet, ni vraiment un film, ni vraiment un jeu-vidéo – qui se rapproche, en tout cas, du divertissement que devaient rechercher les romains en allant aux jeux du cirque. A ce titre, tous les excès du film sont accueillis avec une joie croissante, eux qui s’enchainent avec une logique de pure jouissance cathartique – le film regorge de scènes folles. C’est bien évidemment la limite du film : il ne peut pas vraiment être qualifié de divertissement « intelligent »… et il n’apporte rien de neuf après « 300 ».
-          On saluera pour terminer les dialogues, qui savent être percutants, de Frank Miller, et la 3D. Celle-ci semble tellement évidente qu’on en vient même à oublier que « 300 » n’était pas sorti sous ce format (c’était avant qu’elle n’ait été « réinventée »).
-          J’ai une meilleure idée de conclusion. Reprends avec moi : « This is Sparta ! »

On retiendra…                                                                                                            
Moins surprenante mais plus outrée, cette pseudo-suite de « 300 » est un divertissement pur.

On oubliera…
Trop monochrome, la photographie n’est pas toujours au diapason de la folie qui règne par ailleurs dans le film.


« 300, la naissance d’un empire » de Noam Murro, avec Sullivan Stapleton, Eva Green, Lena Headey,…

dimanche 9 mars 2014

Fantastique Wes Anderson (The Grand Budapest Hotel)

On n’arrête plus Wes Anderson. En huit longs-métrages, le cinéaste américain a réalisé une formidable montée en puissance, développant une forme unique, qui s’exprime bien au-delà de la seule identité visuelle : il y a une manière de cadrer, de monter, de décorer  « wesandersonienne », de même qu’il y a des acteurs et une musique « wesandersoniens ». Avec « The Grand Budapest Hotel », qui a ouvert la Berlinale puis y a remporté le grand prix du jury, Wes Anderson renforce une fois de plus son style et fait encore mieux que ses deux derniers chefs-d’œuvre, « Fantastic Mr Fox » (2010) et « Moonrise kingdom » (2012).


Le pari réussi de la surstylisation
Le cinéma de Wes Anderson ressemble à une bande dessinée filmée, par ses cadrages géométriques, ses travellings latéraux et verticaux qui aplatissent l’image et la profondeur de champ, mais aussi par son sens inouï du détail et de la précision. Le contrôle qui semble s’exercer à tous les niveaux et dans chacun des plans de ses films (des décors à la musique) expose une surstylisation qui pourrait agacer mais au contraire enchante par la force ludique qu’elle imprime à ses œuvres et par son inventivité sans cesse renouvelée. Un cadre idéal où l’auteur déploie un burlesque inénarrable, qui passe aussi bien par l’interprétation des acteurs que par des gags purement visuels. Mais bien que l’on rie beaucoup devant les films de Wes Anderson, ses longs-métrages cachent toujours un fond dépressif qui éclate par moments à l’écran. Une mélancolie sourde qui contraste avec la gaieté affichée par ailleurs et lui apporte une émotion encore plus précieuse.
Dans « The Grand Budapest Hotel », Wes Anderson verse encore plus dans l’artificialité : la maniaquerie de sa mise en scène est portée à un degré jusqu’à présent inédit. Dans cette histoire à tiroirs, on suit les aventures de Monsieur Gustave, concierge du Grand Budapest Hotel, et du « lobby boy » de ce même hôtel, le débutant Zéro. L’hôtel est au faîte de sa gloire, mais la guerre arrivant, les difficultés vont s’enchaîner, et le déclin, s’amorcer. Comme ses personnages, obligés de se débattre pour survivre, ou forcés à la fuite, « The Grand Budapest Hotel » avance à toute allure. Wes Anderson y démontre un art de la relance et du mouvement qui donne un rythme trépidant à ces délicieuses aventures – au point qu’on s’étonne, à la fin de la projection, de découvrir que le film n’a duré qu’une heure et quarante minutes. Du grand cinéma !

Etrange écho
Ce n’est qu’une coïncidence, due au hasard du calendrier des sorties, mais « The Grand Budapest Hotel » m’a beaucoup fait penser non pas à « Shining » (comme les cadrages géométriques dans cet hôtel perdu dans les montagnes aurait pu le faire croire) mais à… « Nymphomaniac » de Lars von Trier. Les deux films sont portés par une même ambition littéraire, où un personnage raconte à un autre une version chapitrée de sa vie. Lars von Trier et Wes Anderson ont tous les deux pensé à changer le ratio de leur image en fonction des segments de leur histoire. « Nymphomaniac » comme « The Grand Budapest Hotel » multiplient les stars en seconds rôles, avec un point commun : Willem Dafoe, qui tient d'ailleurs un rôle presque identique dans les deux films. Les deux réalisateurs partagent aussi une même noirceur latente, quoiqu’elle soit beaucoup plus sombre et dérangeante chez le danois. La comparaison s’arrête ici, mais celle-ci permet néanmoins d’évaluer le gouffre qui sépare un auteur en pleine possession de ses moyens de celui qui s’essouffle et s’agite vainement.

On retiendra…
Ce n’est que son huitième long-métrage et pourtant « The Grand Budapest Hotel » fait figure de film-somme du cinéma de Wes Anderson.

On oubliera…
A verser dans une telle surenchère de stylisation, on se demande ce que sera le futur du cinéma de Wes Anderson.


« The Grand Budapest Hotel » de Wes Anderson, avec Ralph Fiennes, Tony Revolori, Saoirse Ronan,...

dimanche 2 mars 2014

Pompier (Pompéi)


-          Avec « Pompéi », on aurait pu faire un choix entre deux diptyques critiques. Juge plutôt : confronter dans un même article le cinéma de Wes Anderson (« The Grand Budapest Hotel ») à celui de Paul W. S. Anderson…
-          La comparaison aurait été complètement désastreuse pour le second !
-          … ou attendre une semaine et confronter « Pompéi » à un autre péplum, la « suite » de « 300 ».
-          Mais je n’ai pas envie d’attendre une semaine pour parler de « Pompéi » ! Lorsque Paul W. S. Anderson réalise un film (« Resident evil » opus 1, 4 et 5, « Alien VS Predator »,…), c’est toujours une catastrophe. Aussi voir ce réalisateur s’attaquer directement à un film catastrophe était très intriguant.
-          Et, surprise, ce n’est pas une calamité ! Anderson signe même avec « Pompéi » son meilleur film !
-          Cette remarque ne veut pas dire grand-chose : tu devrais plutôt dire que, pour la première fois, Paul W. S. Anderson a réalisé un film et non pas un sous-film.
-          Tu es bien dur ! Même s’il est vrai que le m’a surtout séduit pour… ce qu’il aurait pu être ! Le sujet est fortement ancré dans les mémoires collectives – et même un réalisateur comme Anderson est capable d’en faire jaillir de l’émotion.
-          Quand on pense que Roman Polanski a, un temps, porté un projet de film sur la même catastrophe… En regardant « Pompéi » d’Anderson, on ne peut s’empêcher de penser au film qu’aurait su en tirer un réalisateur comme James Cameron. Paul W. S. Anderson, pour cette histoire, a abandonné ses insupportables effets jeu-vidéoludiques et son goût complètement creux de l’épure abstraite pour une mise en scène plus sage… même si ça se castagne très vite et très souvent, que la récurrente bêtise des dialogues fait qu’ils semblent toujours à cheval entre le premier et le second degré, et que la rapidité du montage et de l’enchaînement des péripéties rend les personnages aussi consistants que des caricatures grossières.
-          Pourtant, tu as bien aimé, si j’en crois la note que tu lui décernes.
-          Oui, car le film possède une réelle beauté visuelle : lorsque, enfin, le volcan explose, que l’intrigue se resserre et se rapproche presque de son ambition opératique, l’image se charge de cendres, s’assombrit, rougeoie et s’embrase dans un lent crescendo cataclysmique et explosif… jusqu’à la dernière minute, graphiquement sublime… et qui balaie tout, justifiant à elle seule tout ce long-métrage.
-          Il faudrait que ces dernières minutes ait été étirées sur une heure et demie… On n’y aurait pas perdu en construction des personnages ! C’est aussi le seul moment où le film se charge d’une dimension symbolique – ne pas réussir à l’accomplir dans le reste du film, avec un tel sujet et un tel cadre, est l’autre exploit du film.
-          Nous verrons si le baroque esthétique de « 300, la naissance d’un empire » réussira à faire mieux la semaine prochaine !

On retiendra…
La toute fin du film, et plus particulièrement la dernière minute, visuellement splendide, seul sommet d’émotion du film.

On oubliera…
Trop rapide, mal écrit et interprété avec beaucoup de caricatures, le film aurait mérité un scénario mieux travaillé et plus d’intelligence.


« Pompéi » de Paul W. S. Anderson, avec Kit Harington, Emily Browning, Kiefer Sutherland,…