« This must be the place » est un road-movie dont les deux principales forces sont l’interprétation de Sean Penn et sa mise en scène. Dans le rôle d’un ancien rockeur plus ou moins dépressif, Sean Penn est étonnant. La qualité de son interprétation ne vient pas seulement de sa transformation physique, évoquant celle subie par Johnny Depp dans « Edward aux mains d’argent », il se révèle encore plus drôle par la manière dont il joue, assez inattendue : son personnage a une voix de fausset, une gestuelle très lente et une curieuse manière de rire. Etre aussi typé pourrait agacer à la longue, et il est certain que derrière une telle barrière de gestes artificiels et manières répétitives le comédien a du mal à exprimer autre chose que le sempiternel regard triste du rockeur, mais le pari est plutôt réussi car le spectateur s’attache immédiatement à cet étrange personnage.
La mise en scène est en phase avec son personnage principal, composée de longs et lents mouvements de caméra parfois virtuoses, et qui restitue très bien l’ennui profond auquel semble condamné Sean Penn au début. Le montage est accompagné par une très bonne bande-son.
« This must be the place » souffre quand même de plusieurs défauts. Le film est très hétérogène, passant trop souvent d’un sujet à l’autre sans crier gare et sans se retourner. Paolo Sorrentino semble s’être perdu dans le voyage de son road-movie, et en oublie de ramasser son film autour d’une cohérence. Il ne joue pas sur trop de tableaux à la fois car une fois quitté un sujet, le film n’y retournera pas ou presque, mais joue bien sur trop de tableaux à la suite. Le réalisateur a peut-être voulu trop en dire avec ce film, ses messages sont pourtant très simples (et parfois trop simples devant la sophistication de la mise en scène) mais ils ne sont pas convenablement amenés ou complètement incongrus. Ainsi, avait-il vraiment besoin de convoquer la Shoah dans ce film ? La gravité du sujet ne s’accorde pas vraiment avec l’humour absurde de l’ensemble du film, et détone avec les autres thèmes du film. Cette partie-là est légèrement dérangeante.
Bien qu’imparfaitement écrit et maîtrisé, et de ce fait le film le plus faible de la sélection officielle cannoise à être sorti au cinéma pour le moment (le film souffre inévitablement de cette comparaison), « This must be the place » procure néanmoins un immense plaisir tout au long de sa projection. Son humour sans cesse présent, l’interprétation très drôle de Sean Penn emporte l’adhésion du spectateur, et fait de « This must be the place » un spectacle déjà bien supérieur à la médiocrité des productions commerciales estivales.
On retiendra…
La métamorphose de Sean Penn, qu’on n’aurait jamais imaginé aussi drôle. L’humour du film, la mise en scène et la musique.
On oubliera…
Le scénario qui s’éparpille entre tant de thèmes parfois trop légèrement traités que le réalisateur en perd de vue son objectif.
« This must be the place » de Paolo Sorrentino, avec Sean Penn, Judd Hirsch,…
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