lundi 1 août 2011

C'est l'été, partez en balade 2 (La balade sauvage)

Le premier film d’un réalisateur expérimenté et reconnu comme maître est toujours éminemment intéressant, mais parfois dangereux pour la réputation qu’on accordait au réalisateur : tout simplement, le premier film est souvent le moins bon. J’avais eu la mauvaise idée de regarder un des premiers films de Martin Scorsese, « Boxcar Bertha », que je déconseille fortement. Stanley Kubrick a renié son premier long-métrage « Fear and Desire » et brûlé toutes les copies existantes (sauf quelques unes puisqu’on en a miraculeusement retrouvé cette année…), un geste facile que je n’approuve pas non plus mais qui doit en dire long sur la qualité du film.
Mais aucune de ces craintes ne peut affecter le spectateur de « La balade sauvage », d’abord parce que le film n’est pas vieux, puis parce que le perfectionnisme de Terrence Malick, qui s’est imposé depuis comme une des figures les plus importantes du cinéma contemporain – la plus importante, sûrement – est présent dès son premier film, qui a laissé froid la critique à sa sortie en 1975 mais qui est reconnu aujourd’hui comme un véritable chef-d’œuvre (comme d’habitude avec Malick).


Un thème inédit chez Malick
Et en effet, le film est très bon. Pas aussi phénoménal que ce qu’il a réalisé depuis lors, mais déjà très beau et émouvant. Martin Sheen et Sissy Spacek jouent aussi bien que tous les acteurs avec lesquels Malick a travaillé, au point qu’on peut désormais se demander si c’est parce qu’un acteur est bon qu’il joue pour Malick ou si c’est parce qu’il joue pour Malick que l’acteur est bon… L’histoire typiquement malickienne comporte en plus un aspect psychologique (tournant autour de la folie) assez inattendu, une façon de voir le film et les personnages qui ne se retrouve plus dans ses films suivants : on se demande en effet pendant tout le film si Kit (Martin Sheen) est authentiquement fou ou si il le devient, à moins qu’il ne le soit pas du tout, et comment se fait-il que Holly (Sissy Spacek) soit aussi atone. C’est cet aspect-là qui a le plus dérangé la critique à la sortie du film, mais vu qu’il a été perdu, ou abandonné, par Malick, il est désormais devenu le plus intéressant de l’oeuvre.

Mesurer le chemin parcouru
Voir « La balade sauvage » aujourd’hui, après l’expérience difficilement oubliable de « The tree of life » est captivant car on y reconnaît déjà tous les éléments du cinéma malickien (de la magnificence de la nature et des grands espaces à la réutilisation de musiques classiques), mais parfois à l’état de prototype, au vu de ce que le réalisateur a livré dernièrement. Par exemple, la voix-off est déjà là, mais comme dans son film suivant, « Les moissons du ciel », elle reste strictement attachée à ce qui est montré à l’écran. Une simple narration des faits, un commentaire par un des personnages de ses propres gestes. Ici c’est Sissy Spacek qui raconte l’histoire. On s’attend même pendant un certain temps à ce que le récit qu’elle nous livre pendant le film soit à la fin celui qu’elle fait à un policier - hypothèse qui se révélera fausse. Une telle voix-off est impensable aujourd’hui, depuis « La ligne rouge » celle-ci ne reflète plus que les pensées intérieures d’un ou de plusieurs personnages, en liaison plus ou moins floue avec l’image.
« La balade sauvage » contient à l’état 1.0 toutes les spécificités du cinéma de Terrence Malick, qu’il a en cinq films profondément fait évoluer dans son projet de réalisation d’une expérience cinématographique totale, détachée de l’influence du théâtre ; spécificités conférant à Malick toutes ces longueurs d’avance qu’il possède sur n’importe quel cinéaste actuel. Le chemin parcouru est énorme, et « La balade sauvage » permet d’en mesurer l’étendue, tout en confirmant une fois encore l'immense talent du cinéaste.

On retiendra…
La présence des thèmes propres au cinéma de Malick, plus un aspect schizophrénique inédit et singulier. Le couple formé par Martin Sheen et Sissy Spacek.

« La balade sauvage » de Terrence Malick, avec Martin Sheen, Sissy Spacek,…

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