vendredi 5 avril 2013

Trou d’air (Les amants passagers)



-          En 2011, Pedro Almodóvar était reparti une fois de plus bredouille de Cannes, alors que « La piel que habito » est - à ce jour - son meilleur film. La sortie à un mois du festival de Cannes de son nouveau film, son dix-neuvième, laissait craindre qu’après ses cinq tentatives cannoises Almodóvar renonçait aux festivals…
-          Mais tu t’es trompé : si « Les amants passagers » n’a pas attendu Cannes, c’est tout simplement parce que le film est une pause dans la filmographie de l’auteur, un retour à la comédie et à la légèreté qui avait peu à peu abandonné ces derniers films – un film que l’on pourrait qualifier de « mineur » si cet adjectif ne sonnait pas aussi péjoratif…
-          Après les sommets de « La piel que habito », Almodóvar nous embarque à bord d’un avion dont les trains d’atterrissage bloqués empêchent tout atterrissage.
-          Dit comme ça, on a l’impression que tu nous décris le scénario d’un film catastrophe ! Sauf que l’on est dans l’univers loufoque et coloré d’Almodóvar : l’imminence de la catastrophe libère chez Almodóvar tous les comportements. Malheureusement, le film se veut plus léger qu’il ne l’est vraiment – « Les amants passagers » peine à décoller, le spectateur étant parfois loin de partager le délire dans lequel s’agitent les personnages du film. Mais ce côté forcé de la comédie peut se justifier dans le scénario-même du film – les stewards prêts à tout pour faire oublier la situation périlleuse dans laquelle ils sont embarqués –, mais aussi dans le cadre de la métaphore évidente de l’Espagne que file Almodóvar avec cet avion sans destination. Comme si le réalisateur espagnol, avec sa joyeuseté feinte, tentait de distraire les espagnols de la terrible situation économique du pays… tout en laissant bien comprendre que ce n’est qu’une feinte.
-          Ton raisonnement me paraît bien tordu ! N’empêche, le résultat est là : à part quelques moments hilarants – dont la chorégraphie des trois stewards sur la chanson « I’m so excited » - une comédie forcée reste une comédie pas vraiment drôle.
-          Mais rares sont les comédies à bénéficier d’une telle mise en scène ! Les décors simples de ce huis-clos fantasque, qui découpent l’avion en quatre espaces, de la cabine de pilotage à la classe économique, pourraient faire ressembler le film à une pièce de théâtre si on n’y retrouvait pas l’art du découpage d’Almodóvar. Le réalisateur espagnol en est aujourd’hui un maître - capable de faire bifurquer son récit vers une histoire moins légère à Madrid, un film dans le film, sans aucunement déséquilibrer sa comédie…

On retiendra…
La mise en scène ultra-colorée du réalisateur espagnol, la loufoquerie de ce voyage en avion.

On oubliera…
La légèreté semble forcée – ce qui, même voulu par le réalisateur, empêche la comédie de véritablement décoller.

« Les amants passagers » de Pedro Almodóvar, avec Javier Cámara, Carlos Areces, Raúl Arévalo,…

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