Produire en
France « le film d’après » a toujours été extrêmement périlleux :
comment renouer avec un succès ? La tentation est grande de tirer des
recettes (scénaristiques) du film d’avant pour en reproduire les recettes (financières).
Ça a été la stratégie de Dany Boon : « Rien à déclarer » a voulu
transposer les ficelles comiques de « Bienvenue chez les Ch’tis » à
la frontière France/Belgique.[1]
Une autre méthode est de tout simplement de faire « plus grand » : c’est
le traumatisant exemple de l’après « Astérix et Obélix : Mission
Cléopâtre », « Astérix aux Jeux Olympiques ». Existe encore la
possibilité de faire un « film d’après » complètement différent du
précédent, manière pour le réalisateur de se libérer des contraintes comme des attentes,
avec l’espoir pour les producteurs de pérenniser la popularité d’une nouvelle signature
lucrative… c’était le cas de « Faubourg 36 », l’après « Choristes »
de Christophe Barratier.
Une recette qui tourne au vinaigre
Quelle voie allait donc suivre le duo Toledano et
Nakache pour l’après « Intouchables » ? Sans surprise, c'est la moins risquée des
trois : la première. « Samba » est donc une autre comédie « sociale ».
L’intention est identique : donner aux spectateurs un nouveau regard sur
un sujet de société. Après le handicap, c’est de la situation des sans-papiers que
Toledano et Nakacke s’emparent pour reproduire le cocktail supposé imparable «
rire plus émotion » (ou « rire intelligent ») qui avait fait le
succès d’ « Intouchables ». Evidemment, la présence en vedette d’Omar
Sy était absolument indispensable à la réussite du projet.
Faire rire de sujets a priori graves réclame beaucoup
de finesse. « Intouchables » s’en était sorti grâce à l’abattage phénoménal
d’Omar Sy, dont la puissance comique estompait les clichés et les grossières caricatures,
à la limite de la démagogie (sur l’opéra ou l’art contemporain par exemple),
sur lesquelles s’appuyait le scénario.
Or, le
personnage d’Omar Sy dans « Samba » n’est pas drôle. La faute déjà à
une très mauvaise direction d’acteurs. Omar Sy n’est jamais convaincant dans ce
rôle de sans-papier. Un manque d’incarnation criant qui rend difficile pour le
spectateur de voir à l’écran le personnage de Samba plutôt que le comique français
vu récemment dans le dernier « X-Men ». De plus, l’accent sénégalais adopté
par l’acteur pour ce rôle ressemble soit à une blague de mauvais goût soit à
une imposture. A ses côtés, Charlotte Gainsbourg semble se caricaturer
elle-même en surjouant en permanence un personnage d’absentée. Difficile pour
ces acteurs, de toute manière, de faire exister des personnages à peine
esquissés et sans profondeur et qui paraissent donc complètement
artificiels.
De même, le
traitement – qui se rêve documentaire – de la situation des sans-papiers en France
est tellement superficiel et grotesque qu’en avoir fait le cœur d’un film aux
ambitions commerciales très marquées en devient honteux.
La pauvreté d’un cinéma révélée au grand jour
« Samba »
n’est donc pas drôle. Comme il n’est plus en train de rire, le spectateur ne
verra donc pas son attention détournée des grosses ficelles du scénario, à la
construction très bancale, qui accumule les péripéties inutiles dans son
interminable dernière demi-heure. Non plus de la platitude la mise en scène, où
le seul acte cinématographique notoire semble se résumer au plan-séquence sur
lequel s’ouvre le film. Les dialogues pédagogiques et les lourdes formules envahissent
la bande-son, au même titre que cette musique de Ludovico Einaudi qui indique
quand il faut rire ou pleurer.
Seule bonne
idée de Nakache et Toledano : avoir confié à Tahar Rahim un rôle comique. Registre
dont on savait la révélation d’ « Un prophète » parfaitement
capable mais dans lequel il n’avait pas encore pu s’exprimer jusque-là. A part
lui, les moments drôles se comptent sur les doigts d’une main (astucieusement
rassemblés dans la bande-annonce). On n’est même pas très sûr que les
réalisateurs aient réellement calculé la portée de la réplique la plus drôle du
film, une référence (consciente ou non) aux déboires de Charlotte Gainsbourg dans
« Nymphomaniac ».
« Samba » rappelle finalement une vérité au
spectateur : le « film d’après » est toujours douloureux.
On retiendra…
Avoir donné la possibilité à
Tahar Rahim de jouer un rôle comique.
On oubliera…
Le scénario sans construction,
la médiocrité cinématographique, la direction d’acteurs caricaturale, l’absence
de drôlerie,…
« Samba » de Eric
Nakache et Olivier Toledano, avec Omar Sy, Charlotte Gainsbourg,…
[1] La particularité
de cette stratégie est qu’elle crée un effet de sillage dans le paysage
audiovisuel français, puisque nombre de comédies régionalistes ont marché dans
les pas de Dany Boon, de « Le fils à Jo » (le Sud-Ouest) au tout
récent « Les Francis » (la Corse).
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