jeudi 30 janvier 2014

Il faut tenter de vivre (Le vent se lève)

Pour son onzième film, Hayao Miyazaki abandonne le fantastique, merveilleusement étrange et toujours émouvant, qui a fait son succès et l’a consacré comme l’un des maîtres de l’animation. « Le vent se lève » (en compétition à Venise) est en effet inspiré de la vie de Jiro Horikoshi, ingénieur aéronautique japonais qui permettra à son pays de s’équiper, lors de la Seconde Guerre Mondiale, des terribles « Chasseurs Zéros » utilisés par les kamikazes. Sujet historique mais pas moins onirique que ses œuvres précédentes, puisque Horikoshi est avant tout un grand rêveur dont on partagera tout au long du film ses visions. « Le vent se lève » permet au maître de retravailler une fois encore les thèmes qui parcourent son œuvre (quoique l’écologie soit moins présente ici), tout en défendant une position dont la force aiguë vient de la nature d’œuvre ultime du film.


Le souffle de l’animation
Le vent du titre n’est absolument pas celui de la révolte comme chez Ken Loach (« Le vent se lève », Palme d’or en 2006) mais une force qui poussera Horikoshi tout au long de sa vie : c’est le vent qui l’enjoint à donner vie à ses rêves (la construction du « Chasseur Zéro ») mais aussi qui lui fait rencontrer sa femme. Le vent parcourt tout le film et lui insuffle sa vie, avec une intensité et une beauté que seule l’animation permet, et ce depuis toujours : c’est en faisant souffler des bourrasques sur les paysages que ceux-ci s’animent en perdant la fixité de leur nature de dessin. Le vent, les nuées, les cieux ont toujours été omniprésents dans les films du réalisateur, jusque dans leur titre (« Nausicaä de la vallée du vent », « Le Château dans le ciel », « Le Château ambulant »,…). Ici, tout le film lui est dédié, puisque tout s’y raccorde, de l’image jusqu’aux détails du scénario (le souffle manquant à la femme de Horikoshi). Les plus belles séquences sont celles où s’envolent les constructions aéronautiques, qu’elles soient rêvées ou réelles.

La création à tout prix
En déclarant que « Le vent se lève » serait son dernier film, Hayao Miyazaki a transformé la vision du celui-ci, le chargeant de sens. Miyazaki tire sa révérence avec cette histoire aux échos autobiographiques qu’il devait porter en lui depuis longtemps. Il y explique les raisons de son départ et signe comme un manifeste pour la création.
C’est en effet clair dès la première séquence du film, rêve aérien basculant en cauchemar : Horikoshi n’ignore pas la nature duale de son travail, il est aussi conscient que le spectateur que les avions dont il rêve serviront d’engins de mort, que ses aspirations seront ternies par la guerre. Il décide pourtant de continuer, et l’on serait prêt à applaudir cette ultime défense de la création… si la création n’était pas présentée de manière aussi égoïste. Dans le film, Horikoshi ira jusqu’à tuer à petit feu sa femme pour réaliser ses visions aéronautiques ! « Le vent se lève » s’achève lorsque l’ingénieur, son rêve accompli mais désormais solitaire, se réfugie dans le songe… donnant une teinte profondément mélancolique à la deuxième partie du vers de Paul Valéry avec lequel résonne le film entier et cité à plusieurs reprises, « Le vent se lève, il faut tenter de vivre ». Cet engagement radical que montre Miyazaki est-il le sien ? Il confère en tout cas une grande mais dérangeante beauté à son dernier long-métrage.

On retiendra…
Les séquences aériennes, la douceur de l’ensemble et la musique.

On oubliera…
L’engagement de Horikoshi (Miyazaki ?) est parfois si radical qu’il est difficile d’y adhérer.


« Le vent se lève » de Hayao Miyazaki, avec les voix de Hideaki Anno, Miori Takimoto,…

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