samedi 9 mars 2013

Rigueur (Le ruban blanc)


          Dans un village allemand imaginaire à la veille de la Première Guerre Mondiale, d’étranges accidents à caractère punitif se produisent. A chaque fois, les enfants du village se retrouvent à proximité du lieu de l’accident.

L'art de la suggestion
           A l’image du somptueux noir et blanc de sa photographie, « Le ruban blanc » regorge de contraste. A de rares exceptions, tous les rapports présentés dans le film sont des rapports d’humiliation ou de domination, que ce soit d’un père envers ses enfants, d’un baron envers ses paysans ou d’un pasteur envers ses fidèles. L’éducation rigoriste et le puritanisme protestant pèse dans tous les rapports humains, au point que le régisseur du village se retrouve incapable de montrer la moindre marque d’amour, la moindre marque d’humanité autre qu’un « Merci » lorsque son fils lui offre un canari. Partout règne la violence, mais une violence cachée, suggérée, que le film révèle petit à petit au spectateur, et qui rend hypocrite la droiture affichée par les personnages. La violence est aussi bien physique que sociale ou mentale.
          Toute la réussite de la mise en scène de Haneke est de seulement suggérer cette violence, de la cacher au spectateur de la même manière que les personnages du film la dissimule au reste du village. Tout se passe derrière des portes fermées, la caméra arpentant les intérieurs plongés dans la pénombre en restant dans les couloirs des habitations. La fixité des plans fait écho à la rigueur imposée, mais la violence filtre par le son. La séquence la plus violente est ainsi cette conversation qui vire soudainement à l’humiliation entre la sage-femme et le médecin. Leur visage reste impassible, et pourtant les paroles qu’ils prononcent choquent par leur virulence.
Cette suggestion est une réussite car en ne levant jamais le doute sur les événements décrits par le film, en n’apportant aucune réponse claire et définitive aux questions que se posent le spectateur, Haneke fait courir un terrible suspense tout au long de son film, et lui confère ainsi une extraordinaire intensité.
  
Manipulation sous haute tension        
           Pourtant, même si la mise en scène entretient le doute, Haneke veut bien nous faire comprendre que les auteurs de ces crimes sont les enfants du village. A travers « Le ruban blanc », le but de Haneke est en effet d’évoquer la naissance du nazisme, et plus largement, dénoncer tout intégrisme religieux. Par ce « faux » doute, la mise en scène du grand moralisateur qu’est Haneke pourrait apparaître comme une basse manipulation du spectateur, mais le procédé conquit par le suspense qu’il engendre. Il est donc dommage que l’on ne retrouve pas un tel brio dans la manipulation du spectateur dans son autre Palme d’or gagnée trois ans après, « Amour » (2012).
           Deux séquences m’avaient particulièrement marquées la première fois que je l’avais vu :  la discussion bouleversante de l’enfant du régisseur avec la fille de la sage-femme sur la mort, et les trois dézooms sur l’église du village représentant les rumeurs qui enflent et enflent dans tout le village.

On retiendra...
Mise en scène magistrale, photographie magnifique, sujet très fort : Haneke à son meilleur.

On oubliera...
Néant.

« Le ruban blanc » de Michael Haneke, avec Christian Friedel, Ernst Jacobi, Leonie Benesch,...

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