dimanche 20 janvier 2013

L’imprévisible Dantec (Satellite sisters)



On ne peut pas parler d’un roman de Maurice G. Dantec sans évoquer l’auteur lui-même, capable du pire comme du meilleur. En 1993 sort « La sirène rouge », simple polar. Deux ans plus tard, Dantec signe « Les racines du mal », roman réunissant polar, science-fiction et schizophrénie dans un mélange inédit qui imposât son nom. Puis vient le succès de « Babylon babies » en 1999 (adapté de manière suicidaire par Kassovitz en 2008 sous le titre « Babylon A.D. »), sorte de suite de ses deux précédents romans. Comme ses ouvrages ne sont pas publiés comme de la science-fiction, Dantec devient connu.
A la mi-août est paru « Satellite sisters », la suite de « Babylon babies » qui s’achevait sur une fin très ouverte. Une suite aussi attendue que redoutée car, de 1999 à 2012, Maurice G. Dantec a fait n’importe quoi.  Il prend des positions radicales, flirtant avec l’extrême-droite, l’obligeant à changer deux fois d’éditeur. Ses romans s’allongent et deviennent incompréhensibles, gloubi goulba mystico-théologique toujours sur fond de SF et de polar. Une horreur. Ajoutez à cela de très graves opérations où il frôle la mort en 2011, puis une nouvelle affaire l’opposant à son éditeur actuel, RING, qui réclamerait un article entier, et vous comprendrez pourquoi « Satellite sisters » fait figure de chef-d’œuvre rescapé.
De roman en roman, Dantec s’est forgé un style, de plus en plus radical, jusqu’à devenir complètement opaque pour le lecteur. En revenant à ses premiers romans, Dantec revient aussi vers ses lecteurs, mais sans revenir à la normalité. Si « Satellite sisters » est bien la suite directe de « Babylon babies », le style a muté. Fini la psychologie, fini les dialogues, fini la narration et fini les règles de grammaire : bienvenue dans le futur. « Satellite sisters » est une fuite en avant, d’une île du Pacifique jusqu’aux étoiles, dans la Terre de 2030 contrôlée par « l’ONU 2.0 ». On y retrouve le mercenaire Toorop, les jumelles Zorn, aux côtés d’une double plante et d’une tri-machine schizomatricielle communiquant télépathiquement par bio-photons. Décrit ainsi, ça a l’air dingue et ça l’est bel et bien, mais tout ça est très sérieux. Avec une narration jamais vue ailleurs, parfois incompréhensible mais qui ressemble plus que jamais à de la poésie, Dantec donne réellement l’impression aux lecteurs de se retrouver face à un roman venu du futur. Ce que certains appelleront des élucubrations ne sont pas dénué de fondement (en ce qui concerne le Las Vegas orbital par exemple). Il faut cependant prendre un peu plus de recul avec les propos défendus par l’auteur, toujours prêt à provoquer (notamment vis-à-vis de l’ONU), mais qui auront le mérite de bousculer le lecteur.
Une certitude : avec « Satellite sisters », son meilleur roman, Dantec clôt et dynamite ses premières œuvres, signant l’un des plus grands romans de science-fiction française écrit ses dernières années.

« Satellite sisters » de Maurice G. Dantec, éditions RING.
Bien que le quatrième de couverture assure du contraire, « Satellite sisters » ne se lit pas indépendamment de « La sirène rouge », « Les racines du mal », « Babylon babies ». Il faut au moins avoir lu « Babylon babies » avant de s’attaquer à « Satellite sisters », et encore…

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