Il me semble que « A.I. Intelligence artificielle » a un peu été oublié, peut-être à cause des critiques très partagées qui l’ont accueilli à sa sortie il y a dix ans de ça en été 2001, et de l’ombre que lui firent peu après « Minority report » (2002) et « La guerre des mondes » (2005), plus réussis (en particulier pour ce dernier, peut-être le meilleur film du réalisateur). En tout cas il n’est pas reconnu comme l’un des films phares de Spielberg. Pourtant, ce film est remarquable voire même génial, et constitue assurément une singularité dans la filmographie de Spielberg ; et ce pour une seule raison : « A.I. Intelligence artificielle » (« A.I. » sur les affiches) est un pastiche du cinéma de Kubrick.
« A.I. » est d’abord un projet de film développé par Stanley Kubrick au début des années 1990. Il travaillait sur le scénario depuis la lecture de la courte nouvelles à l’origine du film, « Des jouets pour l’été » (Brian Aldiss, 1969, disponible sur cette page), en 1970, mais n’en fut satisfait qu’en 1990. Après la sortie de « Jurassic Park » en 1993 il associa au projet Steven Spielberg pour sa maîtrise des effets spéciaux. Mais Kubrick ne put jamais lancer la production du film puisqu’il préféra attendre que la technologie numérique ait atteint un niveau satisfaisant et mourut en 1999. Le projet lui survécut et Spielberg réalisa « A.I. » en hommage au réalisateur.
Un extraordinaire hommage à la mise en scène de Kubrick...
Un extraordinaire hommage à la mise en scène de Kubrick...
Tout l’intérêt d’« A.I. Intelligence artificielle » vient de cet hommage rendu à Kubrick par Spielberg. Le film ne ressemble absolument pas au niveau de la mise en scène à un film de Spielberg. Le réalisateur s’est appliqué à restituer la manière de tourner de Kubrick, en utilisant les mêmes cadrages, la même photographie, le même montage. Le résultat est très réussi, on reconnaît très bien l’univers du réalisateur d’ « Orange mécanique ». Le rythme kubrickien du montage autorise ainsi une réflexion constante chez le spectateur sur ce qu’il voit, alors que d’habitude chez Spielberg tout va beaucoup plus vite. La direction artistique est très proche des ameublements futuristes vus dans « 2001, l’odyssée de l’espace » et « Orange mécanique ». Le film comporte plusieurs parties, à l’identique de la plupart des films de Kubrick.
L’histoire développée par le film est captivante. Le film livre une réflexion sur le rapport à nos créations technologiques sans aucun équivalent ailleurs depuis sa sortie. De plus, les acteurs sont vraiment excellents, Haley Joel Osment (l’acteur principal de « Sixième sens » de Night Shyamalan) et Jude Law en tête. Ces deux-là ont une gestuelle mécanique très convaincante, qui montre qu’il n’était absolument pas nécessaire de faire jouer ces personnages par des vrais robots ou des personnages de synthèse, comme voulait le faire Kubrick. En outre, les effets spéciaux sont incroyables et n’ont absolument pas vieilli, dix ans plus tard. L’irrésistible ours en peluche mécanique Teddy est une merveille.
...qui n'est pas sans pièges
...qui n'est pas sans pièges
Mais le passionnant pari de mise en scène du film qui le rend unique est aussi un piège cruel pour Spielberg. En s’efforçant au maximum de substituer sa mise en scène par celle supérieure de Kubrick sans pouvoir y parvenir totalement (c’est tout bonnement impossible), Spielberg s’attire au moindre défaut le reproche de faire moins bien que le réalisateur qu’il essaye de mimer. Ainsi, lorsque le film se perd dans sa dernière partie, on ne peut que s’insurger contre le réalisateur de cette baisse de niveau finale en se disant que, forcément, Stanley Kubrick n’aurait pas eu cette faiblesse. Sauf qu’on ne le saura jamais. Tous les défauts de « A.I. » comptent donc doubles pour cette raison, pour ce parti de mise en scène dont il est impossible de faire abstraction. On voit bien que Spielberg a rendu le film plus enfantin que le projet initial de Kubrick, qui était beaucoup plus dur. Par exemple, lorsque Spielberg filme le personnage joué par Jude Law, « Gigolo Joe », et la ville de Rouge City, on sent qu’il n’est pas à l’aise dans cette facette de l'univers de Kubrick et que cette partie de l’histoire a dû être bien édulcorée. Spielberg a préféré développé le côté « Pinocchio » de l’histoire, qui est hélas le côté le moins intéressant.
Une fin hésitante
Une fin hésitante
Mais cela ne devient problématique que dans la partie finale, étonnante mais trop longue, où Spielberg semble ne plus savoir quoi faire pour finir son film. Là encore, on se dit que Kubrick aurait évité cet écueil, et qu’au pire il aurait rendu la fin beaucoup plus mystérieuse que ne le fit Spielberg, peut-être à la « 2001 », pour que le film reste impressionnant jusqu’à sa conclusion. Je ne pense pas qu’il aurait exposé d’une façon aussi explicite et peu inspirée cette explication de « mémoire conservée dans le tissu de l’espace-temps » qui rend une scène légèrement ridicule. Ce genre d’explication n’est pas possible au cinéma, et ne peut être convenablement amenée que dans un roman de science-fiction ! Dommage, alors. « A.I » est donc victime d’une baisse de régime regrettable dans sa fin qui l’empêche d’accéder au titre de chef-d’œuvre, alors qu’il en était vraiment très proche.
On retiendra…
Un défi de mise en scène incroyable : faire revivre le cinéma de Kubrick. Des effets spéciaux et des acteurs formidables.
On oubliera…
La fin du film, trop longue et surtout ans idée.
A noter :
Les Tours Jumelles sont presque écroulées dans le New-York futuriste de « A.I. », mais bel et bien là. Le film est sorti deux mois avant le 11 septembre…
« A.I. Intelligence artificielle » (2001) de Steven Spielberg, avec Haley Joel Osment, Jude Law,…
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