jeudi 25 août 2011

Road-movie improbable mais paumé (This must be the place)

« This must be the place » est un road-movie dont les deux principales forces sont l’interprétation de Sean Penn et sa mise en scène. Dans le rôle d’un ancien rockeur plus ou moins dépressif, Sean Penn est étonnant. La qualité de son interprétation ne vient pas seulement de sa transformation physique, évoquant celle subie par Johnny Depp dans « Edward aux mains d’argent », il se révèle encore plus drôle par la manière dont il joue, assez inattendue : son personnage a une voix de fausset, une gestuelle très lente et une curieuse manière de rire. Etre aussi typé pourrait agacer à la longue, et il est certain que derrière une telle barrière de gestes artificiels et manières répétitives le comédien a du mal à exprimer autre chose que le sempiternel regard triste du rockeur, mais le pari est plutôt réussi car le spectateur s’attache immédiatement à cet étrange personnage.


La mise en scène est en phase avec son personnage principal, composée de longs et lents mouvements de caméra parfois virtuoses, et qui restitue très bien l’ennui profond auquel semble condamné Sean Penn au début. Le montage est accompagné par une très bonne bande-son.
« This must be the place » souffre quand même de plusieurs défauts. Le film est très hétérogène, passant trop souvent d’un sujet à l’autre sans crier gare et sans se retourner. Paolo Sorrentino semble s’être perdu dans le voyage de son road-movie, et en oublie de ramasser son film autour d’une cohérence. Il ne joue pas sur trop de tableaux à la fois car une fois quitté un sujet, le film n’y retournera pas ou presque, mais joue bien sur trop de tableaux à la suite. Le réalisateur a peut-être voulu trop en dire avec ce film, ses messages sont pourtant très simples (et parfois trop simples devant la sophistication de la mise en scène) mais ils ne sont pas convenablement amenés ou complètement incongrus. Ainsi, avait-il vraiment besoin de convoquer la Shoah dans ce film ? La gravité du sujet ne s’accorde pas vraiment avec l’humour absurde de l’ensemble du film, et détone avec les autres thèmes du film. Cette partie-là est légèrement dérangeante.
Bien qu’imparfaitement écrit et maîtrisé, et de ce fait le film le plus faible de la sélection officielle cannoise à être sorti au cinéma pour le moment (le film souffre inévitablement de cette comparaison), « This must be the place » procure néanmoins un immense plaisir tout au long de sa projection. Son humour sans cesse présent, l’interprétation très drôle de Sean Penn emporte l’adhésion du spectateur, et fait de « This must be the place » un spectacle déjà bien supérieur à la médiocrité des productions commerciales estivales.

On retiendra…
La métamorphose de Sean Penn, qu’on n’aurait jamais imaginé aussi drôle. L’humour du film, la mise en scène et la musique.

On oubliera…
Le scénario qui s’éparpille entre tant de thèmes parfois trop légèrement traités que le réalisateur en perd de vue son objectif.

« This must be the place » de Paolo Sorrentino, avec Sean Penn, Judd Hirsch,…

mercredi 24 août 2011

Melagkholia (Melancholia)

Deux films ont fait l’événement à Cannes cette année, deux films dits « cosmiques » qui sont « The tree of life » et « Melancholia ». Le premier, ultra attendu a reçu la Palme d’or mais beaucoup murmurèrent qu’elle aurait pu être décernée à « Melancholia », si son réalisateur Lars von Trier n’avait pas été déclaré « persona non grata » à Cannes. A la place, c’est par le prix d’interprétation féminine pour Kirsten Dunst qu’a été récompensé le film, deux ans après celui que Charlotte Gainsbourg  avait déjà gagné avec l’œuvre précédente du réalisateur, « Antichrist ». Ces deux films cosmiques ne pouvaient pas être plus opposés.


En s’exprimant par euphémismes, on pourrait dire que « Melancholia » n’est pas un film joyeux. Le film raconte la fin du monde, la collision entre la Terre et la planète Melancholia, et il n’y a donc pas lieu de se réjouir dans cette apocalypse. Ce n’est pas Hollywood, Lars von Trier n’est pas Roland Emmerich, lui qui montrait la fin du monde dans « 2012 » comme un truc « trop fun »… La fin du monde est vue à travers le regard de deux sœurs, Justine la mélancolique (Kirsten Dunst) et Claire (Charlotte Gainsbourg) qui lui est si opposée qu’on a du mal à croire qu’elles soient vraiment sœurs, si ce n'est par l’affection qu’elles se portent. L’approche de la planète Melancholia semble répondre à un appel de Justine, et métaphorise ou plutôt « littéralise » son désir de destruction mélancolique.
Car il n’est question que de ça ici : la mélancolie (« melancholia » en latin). Si le film est si extraordinaire, c’est qu’il semble bien être la somme de tous les travaux artistiques réalisés sur ce sujet, l’œuvre mélancolique par excellence, qui contient toutes les références. Le mélancolique souffre d’un trop grand savoir qui lui fait dédaigner les futilités de ce monde, il est à la recherche d’une vérité absolue hélas invisible sur cette Terre illusoire. Le film débute par un prologue phénoménal, une succession de plans fixes hyper ralentis à l’allure de tableaux, magnifiques, qui évoquent certains points futurs du film et montrent la collision fatale de la Terre avec Melancholia. Le spectateur sait déjà qu’il n’y a plus d’espoir, sait déjà que tout est joué et que tout ce qu’il verra après le prologue sera vain : le voici donc déjà dans la position du mélancolique.
L’énumération de tout ce qui, dans « Melancholia », fait référence à la mélancolie pourrait encore continuer pendant des heures tant l’œuvre est aboutie. Rien n’est laissé au hasard, puisque tout est digression dans ce film : le spectateur sait déjà que tout est fini. Kirsten Dunst incarne avec perfection la mélancolique, avec son regard tourné vers un ailleurs inaccessible à sa sœur et au spectateur, complètement déconnectée de la réalité d’abord puis semblant y reprendre pied lorsque la planète s’approche. Charlotte Gainsbourg n’est pas moins talentueuse, son personnage est encore plus bouleversant : la sérénité de sa sœur face à la fin du monde lui est inaccessible, elle qui a un fils…
Lors de la dernière séquence, Lars von Trier touche au sublime, avec le final le plus émouvant vu au cinéma depuis bien longtemps. De quoi achever le spectateur devant tant de tristesse et d’émotion. Mais il a promis que son prochain film serait joyeux et même « rigolo » – ce qui serait une première pour la réalisateur.

On retiendra…
Impossible d’ignorer ce qu’est la mélancolie une fois le film vu. Voici donc l’œuvre ultime sur ce sujet, formidablement poignante et déchirante. Assurément un des plus grands films de l’année.

« Melancholia » de Lars von Trier, avec Kirsten Dunst, Charlotte Gainsbourg,…

mardi 23 août 2011

L'été américain 7 : Gare à votre QI ! (Conan)

En 1982 on découvrait Arnold Schwarzenegger dans « Conan le barbare » de John Milius, un des premiers films d’heroic fantasy, qui a très mal vieilli depuis. Le film se voulait le départ d’une franchise à la « James Bond » (on voyait grand à l’époque) mais ne sera suivi que d’une suite, « Conan le destructeur ».
En 2011 on découvre Jason Momoa dans « Conan » de Marcus Nispel, un film qui vieillira très mal car il est déjà moche, qui se veut la relance d’une franchise mais qui ne sera suivi d’aucune suite vu ses résultats catastrophiques au box-office. Et c’est logique : « Conan » est un nanar, en 3D qui plus est, et sans conteste le film le plus stupide de l’été.


Des combats...
« Conan » n’est pas un remake de « Conan le barbare », mais une soi-disant « réadaptation » des écrits de Robert E. Howard. En réalité, le film est un gigantesque match de catch. Pas besoin de se réclamer d’une œuvre littéraire pour raconter les bastonnades d’un culturiste si ce n’est pour avoir le droit de l’appeler Conan.  Car le film ne propose que ça : des combats et des combats. Certains plutôt impressionnant. Mais c'est une telle avalanche de scènes d’action que le QI du spectateur diminue de moitié à l’issue de la projection.
On aura rarement vu au cinéma un type se faire autant taper dessus que Jason Momoa dans « Conan ». A peine a-t-il le temps d’aligner trois répliques que patatrac ! le voici transporté dans un autre lieu d’Hyboria et que des méchants lui tombent dessus à bras raccourcis. Ce n’est donc pas étonnant si Jason Momoa est pitoyable et si ses collègues le sont autant que lui. Mais cela n’est rien face à la prestation de Ron Perlman, qui fait hurler de rire dès son apparition à la première minute du film devant tant de ridicule. Mais que pouvait-il bien faire aussi, engoncé dans un tel costume et devant débiter de telles âneries ?

...et encore des combats
Les décors moches fleurent bon le carton-pâte, les costumes sont loufoques et ridicules à souhait, le sang gicle de manière aberrante, les acteurs font les cabotins : on est bien dans un nanar d’heroic fantasy. Face à la faiblesse de son travail, le scénariste a cru avoir la bonne idée d’ajouter sans modération des bagarres à son script, qui deviennent rapidement lassantes. Leur inutilité-même les rend ennuyeuses et ralentissent un film sans rythme et sans souffle. A moins que ce chahut incessant n’ait été exigé par le réalisateur pour masquer la faiblesse de ses acteurs lors des dialogues (« Un homme qui frappe est un acteur qui joue » semble être la devise de l’interprète de Conan). Le mystère reste entier. Tant de bêtises, tant de mépris chez les producteurs pour leurs spectateurs impressionne : « Conan » est un danger pour le septième art ! Heureusement, l’échec du film au box-office rassure, une justice existe et « Conan » n’aura pas la peau du cinéma.

On retiendra…
Un véritable, authentique nanar : l'espèce n'a pas encore disparu des salles de cinéma, Hollywood en produit encore !

On oubliera…
Un véritable, authentique nanar c'est quand même un navet.

« Conan » de Marcus Nispel, avec Jason Momoa, Rachel Nicols,…

L'été américain 6 : L'évolution numérique des singes (La planète des singes : les origines)

L’annonce de la sortie d’une préquelle à « La planète des singes », après un catastrophique remake de Tim Burton en 2001, n’augurait rien de bon, d’autant plus que c’est à un réalisateur inconnu, Rupert Wyatt qu’a échu la réalisation de ce film (il s'agit ici de son deuxième film). La surprise est donc encore plus grande en découvrant cet excellent blockbuster, passionnant de bout en bout et aux effets spéciaux bluffants.


Crédibilité numérique
         Un scénario captivant doublé d’une réalisation soignée et triplé par des effets spéciaux réussis, tels sont les points forts de ces origines à « La planète des singes », roman français de Pierre Boulle multiplement adapté au cinéma. En jouant en permanence sur deux fils narratifs, le film reste prenant et ne connaît aucune baisse de régime. Le scénario se révèle très surprenant puisque le héros du film est un singe auquel le spectateur s’identifiera très vite grâce à la magie des effets spéciaux de Weta Digital. Les studios néo-zélandais reprennent ici la technique qu’ils ont mise au point pour « Avatar » et qui devrait leur permettre une fois de plus de remporter l’Oscar des meilleurs effets spéciaux cette année. Les singes n’ont jamais été convaincants au cinéma lorsqu’ils étaient joués par des acteurs maquillés et costumés. Ces singes numériques sont enfin crédibles, et même émouvants.

Réalisation impeccable mais facile
        Avec ce tour de force de réussir l’identification du spectateur avec le singe César qui combat l’humanité, le film se révèle troublant. James Franco (bien meilleur ici que dans « 127 heures ») et Freida Pinto sont éclipsés par Andy Serkis (qui anime César) ! « La planète des singes, les origines » surprend encore avec une histoire non-violente, relativement pauvre en scènes d’action… une exception pour un blockbuster estival. Le film joue avec brio la carte de l’intelligence, même si à ce niveau-là un réalisateur moins novice aurait peut-être pu donner à sa mise en scène une profondeur absente ici. Rupert Wyatt se contente de raconter – très bien ! – son histoire de révolte. Lorsque l’intelligence naît chez les singes, l’effet se révèle à chaque fois sidérant pour le spectateur et rajoute toujours à son trouble, grâce à une mise en scène qui sait préparer de telles surprises. Mais cela reste encore trop simple (il suffit d’inhaler un gaz pour voir son QI grimper en flèche) et il y avait sûrement d’autres moyens, moins rapides, plus complexes, de montrer la naissance de l’intelligence. On a parfois l’impression que le singe ne fait qu’imiter le comportement humain, comme si l’acquisition de l’intelligence suivait une ligne droite où la nôtre serait une étape obligée. De même, la musique de Patrick Doyle accompagne très bien le film mais ne comporte pas de thèmes marquants.
        La surprise est donc grande de constater que ce film constitue avec « Super 8 » les deux seules réussites de cet été américain.

On retiendra…
Un scénario fascinant, des effets spéciaux extraordinaires, un très bon montage. James Franco est convaincant.

On oubliera…
Le film est parfois trop simple ! Le scénario cède par moments à la facilité pour décrire les mécanismes très complexes de l’intelligence. Freida Pinto fait de la figuration.

« La planète des singes, les origines » de Rupert Wyatt, avec Andy Serkis, James Franco, Freida Pinto,…

vendredi 19 août 2011

Almodóvar fait peau neuve (La piel que habito)

Dix-huitème film de Pedro Almodóvar, et quatrième en sélection officielle à Cannes, « La piel que habito » est malheureusement encore revenu bredouille du festival, faisant de l’espagnol le réalisateur maudit de Cannes. Mais pourtant, quel film ! Le chef-d’œuvre d’Almodóvar, sa plus grande œuvre à ce jour, une réussite extraordinaire.


On pensait pourtant Pedro Almodóvar perdu dans ses obsessions, répétant de film en film toujours les mêmes histoires d’amour tordues. « Les étreintes brisées », son film précédent, s’était révélé décevant, n’apportant rien de neuf à une filmographie déjà conséquente, si ce n’est un énième ressassement des thèmes fétiches et emblématiques du réalisateur espagnol le plus connu au monde, et ce alors même qu’Almodóvar avait promis du nouveau (avec une Pénélope Cruz « comme on ne l’avait encore jamais vu » – en fait, elle était juste blonde…). Qu’Almodóvar se répète est normal, il explore de film en film toujours plus profondément les thèmes qui lui sont chers et définissent maintenant toute son œuvre à un point tel qu’on reconnait instantanément un film du réalisateur. Mais il ne semblait plus avancer. Ce qui lui manquait, c’était du sang neuf, qu’il a trouvé dans le roman « Mygale » du français Thierry Jonquet. Et d’un coup, c’est un bond en avant, le film le plus magistral d’Almodovar.
Tous les thèmes d’Almodóvar se retrouvent donc une fois de plus dans « La piel que habito », mais sous une forme inédite, une histoire vicieuse de chirurgie science-fictionnelle qui traite principalement de l’identité. Tout est surprenant dans ce film, d’une originalité incroyable, audacieuse et complètement inattendue, ce qui est de plus en plus rare au cinéma et en particulier dans celui d’Almodóvar. Même si le réalisateur a déjà fait le tour de toutes les histoires d’amour extravagantes et d’inceste, celle-ci est racontée sous une forme neuve et qui s’intègre si parfaitement à l’univers coloré du réalisateur qu’il peut y déployer en profondeur tout son art.
Les couleurs sont toujours aussi vives, mais cette fois-ci une noirceur sourd de la magnifique photographie, instillant le malaise chez le spectateur. A l’image du visage d’Antonio Banderas, qui dès son apparition est déjà terriblement inquiétant. L’histoire est extraordinaire, impitoyable et met férocement mal à l’aise. On est manipulé avec bonheur et horreur, et on ressort de la projection avec le souvenir du film gravé à vif dans la mémoire. Le genre de film qui ne s’oublie pas et ne s’oubliera pas.

On retiendra…
Almodovar transcende ses thèmes grâce à une histoire ahurissante, surprenante, embarassante et plus que déconcertante.

« La piel que habito » de Pedro Almodóvar, avec Antonio Banderas, Elena Anaya, Marisa Paredes,…

L'été américain 5 : Le pire vient de la France (Colombiana)

Suite aux très mauvais résultats de sa société EuropaCorp pour son dixième anniversaire, Luc Besson avait assuré avoir réagi et réformé en profondeur son entreprise. A part sur un volet : « la créativité » qui est selon lui le point fort d’EuropaCorp. « Colombiana », nouvelle production internationale du studio souffre pourtant cruellement d’un manque total d’idées, et force à s’interroger sur la prétendue « créativité » d’EuropaCorp. Il n’y en a aucune dans « Colombiana », un film si standardisé, mécaniquement écrit et réalisé, qu’il provoque dès les premières minutes un ennui abyssal et une exaspération sans bornes devant tant de bêtise.


Une réalisation à la bassesse de son scénario
Luc Besson n’a donc plus d’idées. Co-auteur du scénario, il livre ici un mélange entre « Nikita » et « Léon » dont la seule variation tient à la nationalité (colombienne, bien sûr) de son héroïne. Un tel recyclage est bien agaçant, et on comprend de suite qu’il n’y a absolument rien à attendre du scénario, cousu de fil blanc. Ce qui est déjà éminemment problématique.
Mais il y a pire encore : la réalisation d’Olivier Mégaton, un des réalisateurs interchangeables de l’écurie EuropaCorp (où seul Luc Besson a une réelle identité). Sa spécialité, c’est le film d’action et c’est tout ce qui l’intéresse. Il se retrouve tout pataud face aux scènes qu’il est obligé de filmer entre deux fusillades.
On est d’abord pris de nausée les cinq premières minutes à cause d’un montage rapide qui met à la suite les uns des autres des plans en mouvement d’une durée inférieure à une seconde… alors que c’est une scène de dialogue ! Paul Greengrass, lui se calme lorsque ses personnages parlent, et maîtrise parfaitement le rythme de ses films, ce que ses copieurs tel Mégaton ici ne savent pas faire. La réalisation acquiert certes plus de cohérence lors des scènes d’action où le montage est en adéquation avec ce qui est montré, notamment lors du combat final très efficace et plutôt impressionnant.

Mécanique accablante
Mais le reste n’est qu’une énorme mécanique, aussi bien sur la forme avec un montage qui enchaîne les plans sans imagination et les scènes répétitives et sans originalité, que sur le fond avec une histoire racontant les agissements d’une tueuse qui a tout prévu à l’avance, et qui exécute tout machinalement. La plus grosse erreur du scénario est que son héroïne en sait toujours plus que le spectateur. Pendant tout le film, on la voit appliquer ses plans apparemment mûrement réfléchis pour s’infiltrer dans une prison ou une demeure. Tout ayant été préparé, elle a toujours un coup d’avance sur ses ennemis, et jamais elle ne se fait surprendre. Comme elle a tout prévu, tout est prévisible. Et la voir suivre son plan automatiquement et même somnambuliquement, devient très frustrant et aussi passionnant que regarder les aiguilles de sa montre tourner pendant les 125 minutes du film.
Et même si ces aiguilles ont la plastique de Zoe Saldana et tirent des coups de feu, cela ne suffit pas à sauver l’un des pires films de cet été. En outre, et pour terminer de nous achever, Luc Besson se refuse désormais de tuer ses personnages, incapable qu’il est de se fermer à la possibilité d’une suite, laissant la fin ouverte et prête au lancement d’une nouvelle franchise. On lui souhaite bonne chance : « Colombiana » en aura bien besoin au box-office.

On retiendra…
Le combat final, seule scène d’action véritablement impressionnante.

On oubliera…
Le manque hadal d’originalité. L’enchaînement mécanique du film.

« Colombiana » de Olivier Mégaton, avec Zoe Saldana, Amandla Stenberg,…

mercredi 3 août 2011

L'été américain 4 : Super film (Super 8)

Seul blockbuster américain complètement original sortant cet été (mais premier film de ce genre pour son réalisateur, auteur précédemment au cinéma de commandes de studios, certes excellentes, mais des commandes quand même), « Super 8 » constituait donc déjà un événement avant même sa sortie. D’autant plus qu’avec les techniques sophistiquées de marketing mises en place autour du film comme pour chaque projet de J.J Abrams, tout avait été fait pour susciter de l’attente : par exemple, la bande-annonce diffusée plus d’un an auparavant, alors même que le film n’avait pas été tourné…


« Super 8 » se révèle être un excellent blockbuster, ce qui n’était pas arrivé cette année depuis « The green hornet » de Michel Gondry. L’histoire autour de laquelle planait tant de mystère n’est au fond pas si inédit qu’espéré, mais son traitement l’est beaucoup plus, puisqu’on y suit le tournage amateur d’un film de zombies en super 8 par un groupe de jeunes adolescents, en 1979.

Hommage argentique et numérique à Spielberg
Abrams livre ici un film hommage à Spielberg, également producteur. Une certaine nostalgie irrigue le film, venant autant de l’environnement technologique de l’époque recréé en décor (premiers baladeurs, caméras super 8 avec pellicules à développer) que de la forme-même du film, tout en référence au cinéma de Spielberg. « Super 8 » ressemble à une sorte de « E.T. » tourné sans super 8 mais bien avec les effets spéciaux numériques d’aujourd’hui. Abrams n’a pas poussé l’hommage jusque là, on ne dira pas que c’est dommage vu que ces derniers sont très impressionnants. Le film exploite à fond l’IMAX, et lors de la scène du déraillement du train c’est dans la salle de cinéma que les wagons s’écrasent. Faire ce film « à l’ancienne » eut peut-être rajouté de la cohérence à cette tentative d’Abrams de résurrection du cinéma « enfantin » de Spielberg (période optimiste « E.T. », avant « La Guerre des Mondes »), mais ôté aussi de l’actualité au film. « Super 8 » tente donc d’allier plaisir nostalgique avec plaisir numérique, et y réussit très bien.

Prisonnier de ses références
On trouve quand même ça et là la marque d’Abrams dans ce film, au-delà des innombrables références qu’il dissémine partout, comme cette photographie qui transforme la lumière en halos, traversant de façon récurrente l’image. De plus, Abrams s’est inspiré de sa propre vie pour écrire cette histoire, puisqu’il a été contacté par Spielberg suite à sa participation à un concours de film tourné en Super 8. Mais pour ce qui est son film le plus personnel, le plus geek des cinéastes ne va pas plus loin qu’un hommage réussi à Spielberg. Le final est très émouvant, mais a déjà été vu chez ce dernier. On attend encore que le cinéaste s’affranchisse de ses références pour livrer un film véritablement original.

On retiendra…
Le pastiche du cinéma de Spielberg, qui joue sur la nostalgie mais avec les effets spéciaux d’aujourd’hui.

On oubliera…
Le pastiche du cinéma de Spielberg : quand Abrams s’affranchira-t-il de ses modèles ?

« Super 8 » de J. J. Abrams, avec Kyle Chandler, Elle Fanning, Joel Courtney,…

mardi 2 août 2011

Ombres chinoises (Les contes de la nuit)

Michel Ocelot s’est imposé depuis « Kirikou et la Sorcière » en 1998 comme un des piliers de l’animation française. Il possède un univers graphique très particulier, immédiatement reconnaissable, et qu'il a le mérite de perpétuer film après film, sans jamais céder aux tentations d’un cinéma commercial, maintenant intact sa poésie et qui restera à coup sûr dans les mémoires.


« Les contes de la nuit » est son cinquième long-métrage. Il était en compétition à Berlin cette année et faisait partie de la fameuse « journée 3D » organisée par le festival. En fait de long-métrage, c’est plutôt six contes qui nous sont proposés en autant de courts-métrages. Ils sont tous d’aussi bonne qualité, mais se détache quand même « Le garçon qui ne mentait jamais », le plus émouvant des six. C’est aussi le seul à être un peu moins optimiste et empreint de la naïveté des contes, que l’on reproche parfois à Michel Ocelot. Une naïveté assumée et absolument pas problématique. Les personnages intervenant entre chaque histoire (en fait acteur des ces contes) expriment même la pensée de leur créateur : un conte sans morale n’a aucun intérêt. Pourquoi irait-on reprocher aux « Contes de la nuit » d’avoir les défauts inhérents aux contes ? Leur absence semble difficilement concevable ! Ocelot convie juste le spectateur au plaisir simple de la fiction.
Les personnages sont des silhouettes noires évoluant sur un arrière-plan aux couleurs éclatantes à la manière des ombres chinoises. Le noir laisse place à l’imagination et justifie ainsi pleinement l'appellation de « contes » pour ces histoires, puisque tout n’est pas dessiné, imposé : Ocelot invite le spectateur à bâtir avec lui ses histoires. Autant dire qu’on se laisse immédiatement emporter.
La beauté de l’animation est encore rehaussée par la 3D, très simple mais d’autant plus belle, et qui trouve ici une place tout à fait naturelle et même essentielle dans ce théâtre d’ombres chinoises pour séparer les différents plans. Les cinq premiers contes ont déjà été diffusés à la télé en octobre 2010 dans la série « Dragons et Princesses », le dernier est inédit et c’est celui qui joue le plus sur la 3D en se permettant même quelques effets de jaillissement. Une preuve de plus que la 3D est un nouvel outil extraordinaire pour les cinéastes, qui ne se réduit pas comme on voudrait le faire croire à un surcoût tarifaire pour blockbusters américains (dont très peu ont pour le moment su l'utiliser correctement depuis "Avatar"...).

On retiendra…
L’animation merveilleuse d’Ocelot ennoblie par la 3D. Chacune des plongées dans son univers est un régal.

On oubliera…
Aucune histoire concrète ne relie entre eux les contes, ce qui à la fin du film donne une fin un peu abrupte et ne justifie pas entièrement l’appellation de long-métrage.

« Les contes de la nuit » de Michel Ocelot.

Difficile d'y succomber (Le moine)

Ce nouveau film de Dominik Moll était attendu comme ses deux derniers (« Harry, un ami qui vous veut du bien » en 2000 et « Lemming » en 2005) en sélection officielle à Cannes. Son absence au festival n’augurait rien de bon. Et en effet, « Le Moine » est une petite déception.


 Un décor éblouissant…
« Le moine » est une adaptation d’un roman homonyme de 1796. La photographie, les décors, les costumes sont très beaux et aboutissent à une image extraordinaire. Les couloirs du couvent, son cloître et son église, la ville et les extérieurs sont magnifiques : on se croirait dans un tableau. L’image vaut à elle seule le visionnage du film et constitue assurément un spectacle en soi, mais qui s’avère hélas n’être que le seul intérêt du film.

...où se joue mal une histoire courue d’avance
On se lasse en effet bien vite de cette histoire très laborieusement racontée. Vincent Cassel fait plus que porter le film sur ses épaules : il le traîne derrière lui, étant presque le seul à être convaincant dans son rôle. Du coup, dans cette histoire de tentation, on ne comprend pas très bien pourquoi il succombe si vite et de si nombreuses fois au péché. A croire que le réalisateur s’est trop concentré sur la beauté picturale de ses décors, au point d’en oublier sa direction d’acteur.
Empêtré dans une mise en scène hiératique, le film reste désespérément froid et plat, alors que la tragédie qu’il raconte devrait être un formidable bouillon d’émotions, puisque ce sont elles qui sont à l’origine de tout dans cette histoire. En ne laissant aucun espace de liberté à son film, aussi solennel que le couvent où se déroule l’histoire, le réalisateur n’arrive jamais à rendre surprenante son histoire : le spectateur a déjà tout deviné. Le dénouement final, au lieu d’atteindre un sommet d’émotion, se révèle juste être passablement ennuyeux. Seule la toute dernière scène commence à redresser la pente, mais c’est déjà trop tard : le film est fini.

On retiendra…
La somptuosité des images : spectaculaire.

On oubliera…
L’absence totale d’émotion et de souffle, la médiocrité de la plupart des acteurs, le scénario qui se devine à l’avance.

« Le moine » de Dominik Moll, avec Vincent Cassel,…

lundi 1 août 2011

C'est l'été, partez en balade 2 (La balade sauvage)

Le premier film d’un réalisateur expérimenté et reconnu comme maître est toujours éminemment intéressant, mais parfois dangereux pour la réputation qu’on accordait au réalisateur : tout simplement, le premier film est souvent le moins bon. J’avais eu la mauvaise idée de regarder un des premiers films de Martin Scorsese, « Boxcar Bertha », que je déconseille fortement. Stanley Kubrick a renié son premier long-métrage « Fear and Desire » et brûlé toutes les copies existantes (sauf quelques unes puisqu’on en a miraculeusement retrouvé cette année…), un geste facile que je n’approuve pas non plus mais qui doit en dire long sur la qualité du film.
Mais aucune de ces craintes ne peut affecter le spectateur de « La balade sauvage », d’abord parce que le film n’est pas vieux, puis parce que le perfectionnisme de Terrence Malick, qui s’est imposé depuis comme une des figures les plus importantes du cinéma contemporain – la plus importante, sûrement – est présent dès son premier film, qui a laissé froid la critique à sa sortie en 1975 mais qui est reconnu aujourd’hui comme un véritable chef-d’œuvre (comme d’habitude avec Malick).


Un thème inédit chez Malick
Et en effet, le film est très bon. Pas aussi phénoménal que ce qu’il a réalisé depuis lors, mais déjà très beau et émouvant. Martin Sheen et Sissy Spacek jouent aussi bien que tous les acteurs avec lesquels Malick a travaillé, au point qu’on peut désormais se demander si c’est parce qu’un acteur est bon qu’il joue pour Malick ou si c’est parce qu’il joue pour Malick que l’acteur est bon… L’histoire typiquement malickienne comporte en plus un aspect psychologique (tournant autour de la folie) assez inattendu, une façon de voir le film et les personnages qui ne se retrouve plus dans ses films suivants : on se demande en effet pendant tout le film si Kit (Martin Sheen) est authentiquement fou ou si il le devient, à moins qu’il ne le soit pas du tout, et comment se fait-il que Holly (Sissy Spacek) soit aussi atone. C’est cet aspect-là qui a le plus dérangé la critique à la sortie du film, mais vu qu’il a été perdu, ou abandonné, par Malick, il est désormais devenu le plus intéressant de l’oeuvre.

Mesurer le chemin parcouru
Voir « La balade sauvage » aujourd’hui, après l’expérience difficilement oubliable de « The tree of life » est captivant car on y reconnaît déjà tous les éléments du cinéma malickien (de la magnificence de la nature et des grands espaces à la réutilisation de musiques classiques), mais parfois à l’état de prototype, au vu de ce que le réalisateur a livré dernièrement. Par exemple, la voix-off est déjà là, mais comme dans son film suivant, « Les moissons du ciel », elle reste strictement attachée à ce qui est montré à l’écran. Une simple narration des faits, un commentaire par un des personnages de ses propres gestes. Ici c’est Sissy Spacek qui raconte l’histoire. On s’attend même pendant un certain temps à ce que le récit qu’elle nous livre pendant le film soit à la fin celui qu’elle fait à un policier - hypothèse qui se révélera fausse. Une telle voix-off est impensable aujourd’hui, depuis « La ligne rouge » celle-ci ne reflète plus que les pensées intérieures d’un ou de plusieurs personnages, en liaison plus ou moins floue avec l’image.
« La balade sauvage » contient à l’état 1.0 toutes les spécificités du cinéma de Terrence Malick, qu’il a en cinq films profondément fait évoluer dans son projet de réalisation d’une expérience cinématographique totale, détachée de l’influence du théâtre ; spécificités conférant à Malick toutes ces longueurs d’avance qu’il possède sur n’importe quel cinéaste actuel. Le chemin parcouru est énorme, et « La balade sauvage » permet d’en mesurer l’étendue, tout en confirmant une fois encore l'immense talent du cinéaste.

On retiendra…
La présence des thèmes propres au cinéma de Malick, plus un aspect schizophrénique inédit et singulier. Le couple formé par Martin Sheen et Sissy Spacek.

« La balade sauvage » de Terrence Malick, avec Martin Sheen, Sissy Spacek,…

C'est l'été, partez en balade 1 (Balada triste)


« Balada triste » (de trompeta en VO) est un film fou furieux qui va à 100 à l’heure. Des films de Alex de la Iglesia, je n’avais vu que « Le crime farpait » qui était remarquable dans sa première partie puis qui s’effondrait, à court de souffle. Ici, le réalisateur espagnol ne s’est pas relâché et nous propose un spectacle grotesque, triste, barbare, drôle et émouvant – oui, tout ça à la fois.


Le film démarre sur un rythme si effréné qu’on attend patiemment que l’introduction se termine et que le film se calme. Mais pas du tout : le réalisateur maintient le rythme de bout en bout ! C’était là le principal écueil attendant le cinéaste, qui avec sa réalisation à la stylisation si excessive provoquait l’écœurement et l’indigestion du spectateur avant la fin de son œuvre. Ecueil évité, donc : le scénario de « Balada triste » (écrit comme d’habitude par le réalisateur) est très fort, part dans tous les sens tout en étant d’une simplicité limpide.  Le réalisateur-scénariste donne suffisamment de matière à filmer à sa caméra pour qu’elle ne se fatigue pas, même si on ne pourra nier que certains effets sont à la limite d’épuisement à la fin du long-métrage. Les instants de calme sont en effet très rares et il y a en permanence des effets venant bouleverser le cadre. Une scène de dialogue dure juste le temps qu’il faut pour que le spectateur relâche sa vigilance avant que ne déboule une nouvelle péripétie tonitruante. Le style est outrancier, tout est caricatural, poussé à l’extrême, et c’est d’autant plus beau, et pas seulement visuellement. On reconnaît parfois des similitudes avec le cinéma de Jean-Pierre Jeunet. Le film poursuit son spectacle enragé jusqu’au final magnifique où il culmine littéralement.
Après une telle course, on pourra quand même regretter qu’une telle débauche ne serve qu’à illustrer une histoire simple, certes émouvante, mais qui aurait peut-être pu exprimer bien plus. A moins que le style du réalisateur ne trouve ici sa limite. Mais seul Alex de la Iglesia pourra répondre à cette question, dans ses réalisations suivantes.
« Balada triste » est donc assurément le chef-d’œuvre en suspens de Alex de la Iglesia ; en suspens car il est bien capable de frapper encore plus fort au prochain : on l’espère !

On retiendra…
Le style fou et frénétique du film, le rythme délirant, un univers propre au réalisateur toujours surprenant.

On oubliera…
Une telle frénésie empêche une profondeur suffisante à un véritable chef-d’œuvre.

« Balada triste » de Alex de la Iglesia, avec Carlos Areces, Antonio de la Torre, Carolina Bang,…