vendredi 17 mai 2019

Mirage hollywoodien (Ma vie avec John F. Donovan)

Pourquoi être allé le voir ?
Depuis 2009 et la sortie de « J’ai tué ma mère », nous sommes habitués à voir chaque année ou presque un nouveau film de Xavier Dolan. Et qu’à chaque fois ce film soit meilleur que le précédent ! Suite logique à son ascension irrésistible, après l’immense réussite de « Juste la fin du monde », Xavier Dolan a réalisé son premier film américain en langue anglaise. Et s’est aussi pour la première fois pris les pieds dans le tapis ! Le film nous arrive enfin en France après trois années d’attente, et une gestation houleuse (dont le signe le plus frappant et retentissant a été l’annonce il y a un an de la suppression au montage de Jessica Chastain).


Pourquoi aller le voir ?
Même en anglais, Xavier Dolan reste fidèle à lui-même. Il réussit à tirer une grande intensité de ses comédiens. « Ma vie avec John F. Donovan » comporte plusieurs scènes qui, par leur côté hystérique ou mélodramatique, provoquent une émotion intense : ainsi en est-il de la scène de la découverte par le héros enfant du film de la nouvelle saison de sa série télévisée préférée, génialement drôle, ou des retrouvailles en plein Londres de ce même personnage avec sa mère, si émouvantes.

Pourquoi ne pas aller le voir ?
Pour la première fois, Dolan ne s’est pas surpassé par rapport à son précédent film. « Ma vie avec John F. Donovan » reprend bien entendu des thèmes déjà traités dans ses précédentes œuvres, mais Dolan semble avoir été paralysé par l’ambition hollywoodienne de son film, et a reconduit presque à l’identique certaines de ses plus emblématiques réussites… Faisant de son film une sorte d’auto-remake ! Impossible de ne pas citer la scène du chant dans la douche, décalque de celle si émouvante de la danse sur Céline Dion de « Mommy ». Ou même la manière dont Dolan conclut au montage son film : on croirait qu’il a déjà utilisé cette même chanson pour clore l’un de ses précédents films, tant le procédé était attendu de sa part.
« Ma vie avec John F. Donovan » est un grand film malade, mais un grand film raté… Une version longue - si elle est disponible un jour - permettra peut-être de mieux comprendre ce qu’avait imaginé le réalisateur avant de buter contre le système hollywoodien.

« Ma vie avec John F. Donovan » de Xavier Dolan, avec Kit Harington, Jacob Tremblay,...

Bataille navale (« Kursk » et « Le chant du loup »)

      Le « film de sous-marin » est un genre cinématographique en soi qui a déjà donné de belles sueurs froides – la claustrophobie est cinégénique. Mais sur le terrain particulier de ce genre, on n’attendait rien du cinéma français. Pourtant, à quelques mois d’intervalle, deux films français « de sous-marins » sont sortis sur nos écrans.

Le classique « Kursk »
      On passera rapidement sur le premier, « Kursk », réalisé par le danois Thomas Vinterberg. L’ambition commerciale internationale du projet (porté par Europacorp) l’a vidé de tout effet de signature, jusqu’à l’absurde. Le film est donc très classique, lisse, sans surprise formelle mais a une certaine efficacité. Au final, ce qu’il laisse en mémoire est la bizarrerie d’avoir vu des acteurs francophones interpréter leur rôle en anglais avec un accent russe…


Le novateur « Chant du loup »
      Mais « Kursk » aura eu le mérite de rendre encore plus stupéfiante la surprise que constitue « Le chant du loup ». Ce premier film du scénariste de « Quai d’Orsay », produit par Pathé et réunissant un casting si prestigieux de grands noms du cinéma français (dont Omar Sy !) qu’il en devient improbable, est contre toute attente un coup de maître. La réussite d’Antonin Baudry est telle qu’il se pourrait bien que « Le chant du loup » soit le meilleur film de sous-marin jamais produit.

 

      Cette réussite repose d’abord sur un scénario à la mécanique magistrale, qui exploite comme personne n’avait encore eu l’idée de le faire les aspects les plus singuliers de la marine, et en particulier de la dissuasion nucléaire. L’autre coup de génie d’Antonin Baudry est d’avoir mis au centre de son histoire une « oreille d’or », métier méconnu et pourtant immensément fascinant – interprété par un François Civil qu’on n’avait jamais vu aussi convaincant. En accord avec ce personnage dont le métier consiste à écouter, le son a une importance capitale dans « Le chant du loup », tant dans la construction de son intrigue que dans sa mise en scène. Celle-ci exploite le pouvoir de suggestion du hors-champ, voire le pouvoir d’abstraction et de poésie du son pur, et réalise ainsi une intelligente économie d’effets – pour parvenir à créer une tension dingue, qui culmine dans un final spectaculaire - jusqu’à l’extinction du son.
      Seul défaut du film : il est hautement improbable qu’une oreille d’or ne sache pas ce qu’est une transformée de Fourier (!), et encore plus qu’on ne trouve pas en stock de livre consacré au sujet dans la plus grande librairie de Brest (!!). Autre point qui désarçonne : le traitement de l’histoire d’amour parait très superficiel (tout va si vite)… jusqu’à ce que l’on comprenne que ce n’est qu’une manipulation du scénario…
      « Le chant du loup » est donc une immense surprise, un film qui marquera l’histoire du genre et une réussite à tout point de vue.

On retiendra…
Une extraordinaire tension en huis-clos, entièrement basée sur le son… Les coups de génie du scénario et de la mise en scène, d’une formidable intelligence.

On oubliera…

Quelques incohérences et facilités de scénario (qu’on pardonne pour le rythme du film).

« Le chant du loup » d’Antonin Baudry, avec François Civil, Réda Kateb, Omar Sy,…