mercredi 29 juin 2011

La conquête (Pater)

        Présenté par Thierry Frémaux comme le film le plus bizarre de l’édition 2011 du festival de Cannes, « Pater » justifie amplement cette réputation d’ovni. La forme du film est d’autant plus surprenante pour qui n’a jamais vu de films d’Alain Cavalier (du moins ceux de sa deuxième période, puisque apparemment il a commencé par réaliser des films « classiques ») comme ce fut mon cas.


        Dans « Pater », Alain Cavalier et Vincent Lindon se filment tour à tour, parfois accompagnés d’autres personnages/acteurs, en train de jouer pour le film ou de commenter ce que le tournage leur apporte. Le premier décide au début du film qu’il incarnera un président de la République, et choisit le second comme premier ministre, en lui confiant l’écriture d’une loi fixant l’écart maximal entre les salaires des employés et du patron au sein d’une même entreprise.
        On est tout d’abord interloqué par cette idée toute bête « Et si tu me filmais pendant que je fais le président ? Tu pourrais faire le premier ministre !» censée faire film. Mais on est très vite emporté par le jeu qu’offre alors la mise en scène en apparence si simple qu'elle a une l'allure faussement "amateur" (Cavalier se filme chez lui ou chez Lindon, la caméra apparaît plusieurs fois dans le champ), mais qui se révèle être un piège pour le spectateur. En effet, il n’est plus possible dans ce cinéma-là de distinguer le jeu de la vérité, la réalité de la fiction, la mise en scène de l’improvisation.
        Par exemple, Vincent Lindon (au visage parcouru de tics, jamais vus chez lui précédemment, ce qui montre à quel point il est naturel dans le film) avoue à la caméra qu’il se sent capable d’assumer la charge de premier ministre à condition d’être entouré des bonnes personnes. Impossible par la suite lorsqu’il s’exprime de savoir si c’est son personnage de fiction qui parle ou si c’est réellement lui. Le film en dit énormément sur le métier d’acteur. De même, la relation liant Cavalier à Lindon est triple : lorsque le premier parle au second, ce peut être comme un réalisateur s’adressant à son acteur, un président à son premier ministre, et même un père à celui qu’il considère comme un fils (d’où le titre). Les trois sont inextricablement mêlés et donnés à voir en même temps. Tous ces questionnements quant à la sincérité de ce que l’on voit rendent « Pater » passionnant.
        Le film s’amuse à décrire le quotidien des politiques, en visant une certaine universalité. La scène où est montré à Lindon, alors candidat aux présidentielles, une photo compromettante de son adversaire a résonné étrangement lors de la projection du film au festival de Cannes, au lendemain de l’arrestation de DSK. Comme si le cinéma avait eu une longueur d’avance. Mais c’est une pure coïncidence, qui n’est pas sans saveur, due à cette suite de micro-péripéties attendues d'une vie politique que Cavalier et Lindon ont imaginé et filmé pour nourrir leurs rôles fictionnels.
        « Pater » est donc un film littéralement extra-ordinaire, drôle et passionnant, nouveau et inclassable.

On retiendra…
L’opposition entre la simplicité de la mise en scène et la multiplicité des niveaux de lecture.

« Pater » de Alain Cavalier, avec Alain Cavalier, Vincent Lindon,…


vendredi 24 juin 2011

L'été américain 1 (X-Men : le commencement)

Hollywood n’a vraiment plus aucune idée. Les studios américains s’acharnent à enchaîner des suites, préquelles, remakes, reboot et autres spin-off. Les super-héros dont les déclinaisons comics ont dû connaître elles-aussi de multiples suites et relances, sont un terreau inépuisable pour ces producteurs en panne totale d’inspiration et n’osant plus rien. Cet été, tous les grands blockbusters américains sont des suites ou des remakes. La saison des blockbusters a commencé avec le décevant « Pirates des caraïbes 4 » et continue maintenant avec « X-Men : le commencement », cinquième film tiré de l’univers des X-Men. De cette saga, je n’ai vu que le film original, qui m’avait déjà semblé médiocre. Cette préquelle se révèle elle-aussi être un mauvais blockbuster.


Après une introduction réussie qui donne espoir, l’illusion d’assister à un bon blockbuster se dissipe assez vite pendant que l’histoire se met en place et que l’on comprend que toutes les promesses apportées par la première scène ne seront pas du tout tenues. Le film commence en effet de manière très sombre, en reprenant les mêmes plans que l’introduction de « X-Men » de Bryan Singer. Mais si le film est sombre, ce n’est qu’à ce moment-là. Or, il semble bien que la noirceur soit essentielle à ce type d’histoire.


Le ridicule de super-héros
Pour ôter aux super-héros le ridicule qui leur est attaché (rien que leur nom : s’appeler Magnéto ou Tornade est un sacré handicap), il n’y a que deux solutions : ou le réalisateur donne un second degré à son film pour en faire quelque chose de drôle, ou au contraire il lui donne une gravité (à l’exemple des Batman de Burton et Nolan). Matthew Vaughn, le réalisateur, s’est lancé dans la première option, mais ne réussit pas à faire rire, sinon sourire. Du coup, le combat final est plutôt risible lorsque tous les mutants utilisent leurs superpouvoirs dans des combinaisons de plongée kitsch à souhait. La femme-libellule et le diable rouge sont particulièrement ratés.
« X-Men : le commencement » n’aurait de toute façon pas pu être bon puisque une grande partie de son histoire est basée sur la découverte et la difficulté pour des adolescents à assumer leurs superpouvoirs, et donc leurs différences. Assez ! Il y en a déjà eu assez de semblables histoires! Le film n’apporte absolument rien de nouveau ni d’intéressant sur cet axe de l’intrigue qui devient vite ennuyeux, alors qu’il est doté d’une second axe racontant la relation entre le « Professeur X » et « Magnéto » nettement plus réussi à défaut d’être original, et servi par de bons acteurs (Michael Fassbender et James McAvoy). L’introduction du film fait partie de cet axe. Sauf que là-aussi il y a un problème : la noirceur initiale s’estompe très vite. Le grand méchant du film, un officier nazi qui fait peur dans la scène d’introduction, se transforme dans la suite de l’histoire en un mutant riche portant lunettes de soleil, chemise ouverte et maillot de bain, à l'allure décontractée, accompagnée d’une femme se transformant en cristal plus ou moins dévêtue ; bref il ne fait plus du tout peur et perd toute crédibilité alors qu'il est un des moteurs essentiels de l'intrigue.

Le piège d'une préquelle
Il faut encore ajouter à cela le problème inhérent à toute préquelle, qui est qu’on sait à l’avance tout ce qui va se passer et comment cela va se terminer. Les scénaristes doivent expliquer tous les conflits, blessures et traumatismes des personnages présentés dans la trilogie X-Men en un seul film. On assiste alors à un enchaînement grotesque de péripéties expliquant pourquoi les mutants sont séparés en deux camps, pourquoi le Professeur X est infirme, d’où vient le casque de Magnéto, etc… Pourquoi tout doit-il survenir dans les quelques jours qui constituent le film ? Dix ans doivent séparer « X-Men : le commecement » de « X-Men », et pourtant les personnages qui quittent le premier sont identiques à ceux au début du second, comme si dans l’intervalle séparant les deux films ils n’avaient rien vécu et étaient restés figés. Cela nie aux personnages toute vraisemblance psychologique, et enlève tout crédibilité à leur passé : un résultat complètement opposé à l’objectif du film.

On retiendra…
La performance des acteurs, correcte et parfois plutôt bonne.

On oubliera…
Le film est trop lisse, pas assez adulte, en fait ridicule. Les effets spéciaux sont aussi très moyens.

« X-Men : le commencement » de Matthew Vaughn, avec James McAvoy, Michael Fassbender,…

Un Kubrick artificiel (A.I. Intelligence artificielle)

Il me semble que « A.I. Intelligence artificielle » a un peu été oublié, peut-être à cause des critiques très partagées qui l’ont accueilli à sa sortie il y a dix ans de ça en été 2001, et de l’ombre que lui firent peu après « Minority report » (2002) et « La guerre des mondes » (2005), plus réussis (en particulier pour ce dernier, peut-être le meilleur film du réalisateur). En tout cas il n’est pas reconnu comme l’un des films phares de Spielberg. Pourtant, ce film est remarquable voire même génial, et constitue assurément une singularité dans la filmographie de Spielberg ; et ce pour une seule raison : « A.I. Intelligence artificielle » (« A.I. » sur les affiches) est un pastiche du cinéma de Kubrick.


« A.I. » est d’abord un projet de film développé par Stanley Kubrick au début des années 1990. Il travaillait sur le scénario depuis la lecture de la courte nouvelles à l’origine du film, « Des jouets pour l’été » (Brian Aldiss, 1969, disponible sur cette page), en 1970, mais n’en fut satisfait qu’en 1990. Après la sortie de « Jurassic Park » en 1993 il associa au projet Steven Spielberg pour sa maîtrise des effets spéciaux. Mais Kubrick ne put jamais lancer la production du film puisqu’il préféra attendre que la technologie numérique ait atteint un niveau satisfaisant et mourut en 1999. Le projet lui survécut et Spielberg réalisa « A.I. » en hommage au réalisateur.


Un extraordinaire hommage à la mise en scène de Kubrick...
          Tout l’intérêt d’« A.I. Intelligence artificielle » vient de cet hommage rendu à Kubrick par Spielberg. Le film ne ressemble absolument pas au niveau de la mise en scène à un film de Spielberg. Le réalisateur s’est appliqué à restituer la manière de tourner de Kubrick, en utilisant les mêmes cadrages, la même photographie, le même montage. Le résultat est très réussi, on reconnaît très bien l’univers du réalisateur d’ « Orange mécanique ». Le rythme kubrickien du montage autorise ainsi une réflexion constante chez le spectateur sur ce qu’il voit, alors que d’habitude chez Spielberg tout va beaucoup plus vite. La direction artistique est très proche des ameublements futuristes vus dans « 2001, l’odyssée de l’espace » et « Orange mécanique ». Le film comporte plusieurs parties, à l’identique de la plupart des films de Kubrick.
          L’histoire développée par le film est captivante. Le film livre une réflexion sur le rapport à nos créations technologiques sans aucun équivalent ailleurs depuis sa sortie. De plus, les acteurs sont vraiment excellents, Haley Joel Osment (l’acteur principal de « Sixième sens » de Night Shyamalan) et Jude Law en tête. Ces deux-là ont une gestuelle mécanique très convaincante, qui montre qu’il n’était absolument pas nécessaire de faire jouer ces personnages par des vrais robots ou des personnages de synthèse, comme voulait le faire Kubrick. En outre, les effets spéciaux sont incroyables et n’ont absolument pas vieilli, dix ans plus tard. L’irrésistible ours en peluche mécanique Teddy est une merveille.

...qui n'est pas sans pièges
Mais le passionnant pari de mise en scène du film qui le rend unique est aussi un piège cruel pour Spielberg. En s’efforçant au maximum de substituer sa mise en scène par celle supérieure de Kubrick sans pouvoir y parvenir totalement (c’est tout bonnement impossible), Spielberg s’attire au moindre défaut le reproche de faire moins bien que le réalisateur qu’il essaye de mimer. Ainsi, lorsque le film se perd dans sa dernière partie, on ne peut que s’insurger contre le réalisateur de cette baisse de niveau finale en se disant que, forcément, Stanley Kubrick n’aurait pas eu cette faiblesse. Sauf qu’on ne le saura jamais. Tous les défauts de « A.I. » comptent donc doubles pour cette raison, pour ce parti de mise en scène dont il est impossible de faire abstraction. On voit bien que Spielberg a rendu le film plus enfantin que le projet initial de Kubrick, qui était beaucoup plus dur. Par exemple, lorsque Spielberg filme le personnage joué par Jude Law, « Gigolo Joe », et la ville de Rouge City, on sent qu’il n’est pas à l’aise dans cette facette de l'univers de Kubrick et que cette partie de l’histoire a dû être bien édulcorée. Spielberg a préféré développé le côté « Pinocchio » de l’histoire, qui est hélas le côté le moins intéressant.

Une fin hésitante
Mais cela ne devient problématique que dans la partie finale, étonnante mais trop longue, où Spielberg semble ne plus savoir quoi faire pour finir son film. Là encore, on se dit que Kubrick aurait évité cet écueil, et qu’au pire il aurait rendu la fin beaucoup plus mystérieuse que ne le fit Spielberg, peut-être à la « 2001 », pour que le film reste impressionnant jusqu’à sa conclusion. Je ne pense pas qu’il aurait exposé d’une façon aussi explicite et peu inspirée cette explication de « mémoire conservée dans le tissu de l’espace-temps » qui rend une scène légèrement ridicule. Ce genre d’explication n’est pas possible au cinéma, et ne peut être convenablement amenée que dans un roman de science-fiction ! Dommage, alors. « A.I » est donc victime d’une baisse de régime regrettable dans sa fin qui l’empêche d’accéder au titre de chef-d’œuvre, alors qu’il en était vraiment très proche.

On retiendra…
Un défi de mise en scène incroyable : faire revivre le cinéma de Kubrick. Des effets spéciaux et des acteurs formidables.

On oubliera…
La fin du film, trop longue et surtout ans idée.

A noter :
Les Tours Jumelles sont presque écroulées dans le New-York futuriste de « A.I. », mais bel et bien là. Le film est sorti deux mois avant le 11 septembre…

« A.I. Intelligence artificielle » (2001) de Steven Spielberg, avec Haley Joel Osment, Jude Law,…

lundi 20 juin 2011

Le référentiel (2001, l'odyssée de l'espace)


-          Stanley Kubrick était le meilleur réalisateur au monde, le cinéaste parfait, qui n’a signé que des chefs-d’œuvre. Il s’est attaqué en treize films à tous les genres, pour en signer à chaque fois l’œuvre référence : « Shining » pour le film d’horreur, « Full Metal Jacket » pour le film de guerre, « Barry Lyndon » pour le film en costumes… Lorsqu’il s’associe à l’auteur Arthur C. Clarke pour faire « le film légendaire de science-fiction », il réalise « 2001 : l’odyssée de l’espace » qui est, plus que le meilleur film de SF, tout simplement le meilleur film jamais réalisé.
-          Vous l’aurez compris : dans cette critique rien ne sera reproché à « 2001 : l’odyssée de l’espace » ! D’où la note « infinie » accordée au film : la théorie défendue dans cet article est qu’il est impossible de faire mieux.
-          Enfin, c’est ce qu’on affirme, mais en rêvant tout de même qu’un jour cette théorie se révèle fausse ! Pour le moment, aucun film ne l’a inquiétée depuis le 27 septembre 1968, date de la sortie en France de « 2001 ».
-          L’année de sortie est importante : ce qui est incroyable avec « 2001 » est qu’il ait été réalisé avant que Neil Armstrong ne fasse ses premiers pas sur la Lune (en 1969). Pourtant, tout ce qui est présenté dans le film l’est fait d’une manière très réaliste, presque documentaire parfois. Le plus remarquable étant le traitement de l’apesanteur et de l’absence de son dans le vide spatial, deux contraintes parmi d’autres pour raconter des voyages dans l’espace que les films de science-fiction réalisés par la suite se sont empressés d’oublier…
-          Ne va pas induire le lecteur en erreur : l’apesanteur fut pour Kubrick tout sauf une contrainte, mais au contraire ce qui lui a permis de réaliser les plus belles scènes de l’histoire du cinéma : les mouvements des vaisseaux et des corps semblent obéir à la chorégraphie d’un ballet, l’organisation de l’espace dans les vaisseaux est prétexte à d’extraordinaires jeux de perspective…
-          En réalité chaque scène de « 2001 » est « culte » : marquante, inoubliable, et donc maintes fois recopiée, parodiée où que ce soit. Par exemple c’est dans « 2001 » que l’on trouve la transition la plus célèbre de toute l’histoire du cinéma, la meilleure utilisation par le cinéma des musiques classiques : « Le beau Danube bleu » de Johann Strauss, « Ainsi parlait Zarathoustra » de Richard Strauss,… Chaque aspect du film est fascinant, jusqu’à la fin énigmatique qui détient le record du plus grand nombre d’explications différentes proposées.
-          Le film a eu un tel impact à sa sortie au cinéma comme dans la culture en général qu’il est indispensable de le voir – que vous l’appréciiez ou non ! - pour comprendre les très nombreuses références qui lui ont été faites par la suite et qu’on retrouve un peu partout, de « Charlie et la chocolaterie » de Tim Burton à la publicité pour les appareils électroménagers Bosch.
On retiendra…
L’apesanteur, l’histoire, la musique, la fin, HAL 9000, le monolithe, les décors,…

A noter :
Hollywood a été assez fou pour produire une suite à « 2001 », qui est sortie en 1984 : « 2010 : l’année du premier contact », complètement dispensable.
Le roman écrit par Clarke en parallèle, et ses nombreuses suites, le sont encore plus.

« 2001 : l’odyssée de l’espace » de Stanley Kubrick, avec Keir Dullea, Gary Lockwood,…
Pendant l’été, sept films de Stanley Kubrick dont « 2001 : l’odyssée de l’espace » ressortent au cinéma dans 24 salles en France.

Par Imer et Mitliade

En différé de Cannes, la fin (Pirates des caraïbes 4 : la fontaine de jouvence)


-          Comme chaque année, un studio de Hollywood a le droit d’envoyer se faire huer un de ses blockbusters estivaux à Cannes, et en 2011 ce fut Disney avec le quatrième épisode de « Pirates des Caraïbes ».
-          Et c’est sans surprise que la déception est au rendez-vous, ce qui va bientôt devenir une habitude si Disney continue d’aligner les suites. Cette énième incursion dans l’univers de « Pirates des Caraïbes » a perdu toute saveur.
-          Pourtant, le changement d’équipe opéré aurait dû jouer dans l’autre sens… Sauf que non : l’opus quatre de la saga a tout du sabordage en règle des précédents épisodes. Gore Verbinski n’ayant pas eu la décence de couler avec son navire, c’est Rob Marshall qui le remplace à la réalisation. Il démontre qu’il sait très bien obéir aux studios, mais n’a par ailleurs aucun talent. La non-utilisation de la 3D en est l’exemple le plus frappant : pour compenser financièrement la baisse de fréquentation attendue pour ce quatrième épisode, Disney a logiquement imposé au réalisateur qu’il tourne le film en 3D. Lequel a acquiescé mais ne s’est absolument pas préoccupé de modifier en conséquence la construction des plans. A croire qu’il l’a oubliée ! Du coup, celle-ci ne sert à rien - voire nuit à la lisibilité des pâles scènes d’action – et, pour une fois, on s’en plaindra !
-          Avec un réalisateur aux commandes qui fait de la figuration, on ne s’étonnera donc pas que les aventures de Jack Sparrow  deviennent mornes et presque ennuyeuses, sans esprit, et même plus très drôles. Tout est y terni pour qui a vu les films précédents, malgré un scénario qui recèle encore de bonnes idées…  Alors qu’auparavant on pouvait encore ressentir de la peur à bord du Black Pearl dans le film original, être ému par la malédiction frappant le capitaine-poulpe Davy Jones dans l’épisode 2, ou impressionné par l’onirisme surréaliste du bout du monde dans le 3, il n’y a ici plus aucun souffle. Qu’on ne recherchera pas non plus dans la musique : même les superbes thèmes de Hans Zimmer auxquels doit beaucoup la saga se retrouvent ici remixés et massacrés par Zimmer lui-même dans une composition sans idée…
-          Voyons, ne décourage pas tous les spectateurs potentiels : le film connaît quelques moments de bravoure. Dans les scènes où interviennent les personnages destinés à remplacer Orlando Bloom (on ne le regrettera pas) et Keira Knightley (c’est plus problématique), à savoir un missionnaire convaincu et une sirène jouée par la fille du puisatier d’Auteuil, les dialogues sont si ridicules et les acteurs tellement mauvais que, enfin !, on se met à rigoler.

On retiendra…
Les décors et les costumes qui ne prennent pas encore l’eau même si une impression de déjà-vu se fait sentir. Johnny Depp et Geoffrey Rush, qui peuvent encore être drôles. Le scénario.

On oubliera…
La 3D, la réalisation, la musique et surtout le couple du missionnaire et de la sirène.

A noter :
Peut-être comme pour nous l’heure de détruire un mythe ? Jack Sparrow se traduit « Jacques Moineau ». Sinon : le scénario du cinquième épisode est déjà en cours d’écriture…

« Pirates des Caraïbes : la Fontaine de Jouvence » de Rob Marshall, avec Johnny Depp, Penélope Cruz,…

Par Imer et Miltiade

En différé de Cannes, la suite (The tree of life)


-          Terrence Malick est  le réalisateur le plus mystérieux au monde puisqu’il refuse toute exposition médiatique (il interdit qu’on le prenne en photo) et ne donne aucune explication quant à ses films. C’est aussi un réalisateur très lent car perfectionniste à l’extrême : « The Tree of Life » est son cinquième film en 38 ans de carrière. Attendu depuis des années, annoncé l’an dernier en compétition à Cannes, mais finalement présenté cette année à cause d’un très long montage, le film était l’événement de ce festival.
-          Et a été finalement autant hué qu’applaudi.
-          Malick n’a fait que cinq films, mais son style s’est bien radicalisé avec le temps. Ses longs-métrages, d’une densité et d’une complexité extrêmes, sont devenus de plus en plus ambitieux et exigeants. Avec « The Tree of Life », Malick rehausse encore la barre, et nous livre un film démesuré et majestueux. On peut déjà être certain qu’on ne verra rien de plus beau cette année au cinéma…
-          C’est vrai que le film est impressionnant visuellement, mais c’est bien tout : entre les citations de la Bible énoncées toutes les trois minutes, les questionnements métaphysiques d’une profondeur affligeante, ou encore l’interminable séquence numérique racontant la création du cosmos qui n’apporte absolument rien au film, ce dernier réalise l’exploit de s’enliser profondément dans un récit pourtant simpliste ! Et donne au spectateur l’envie de fuir au plus vite - ce dont certains ne se sont d’ailleurs pas privés pendant notre séance, partant avant même la fin de la première heure…
-          Mais qui d’autre que Malick aurait eu l’audace - ou la folie - de faire appel à la naissance de l’univers pour raconter une histoire qui serait en grande partie autobiographique ? Le voyage proposé par le réalisateur est d’une telle ampleur, ses images si somptueuses, sa méthode de montage si brillante que cet aspect mystico-religieux certes omniprésent ne devient qu’un détail complètement écrasé par le gigantisme du film. Malick compose ses films d’une manière unique demandant un très long travail. Sa caméra est toujours en mouvement, mais sans faire trembler l’image, tournant autour des personnages et captant une multitude de détails, invisibles dans les autres films, au point qu’on se demande quelle est la part d’improvisation à l’œuvre dans chaque plan. Malick s’offre en outre pour ses œuvres la meilleure musique qui soit, celle du répertoire classique, comme le faisait auparavant Stanley Kubrick.
-          La musique ? Des chants liturgiques ininterrompus, excepté parfois par quelques thèmes classiques d’une folle originalité… Non, mieux vaut l’oublier, comme le reste. Seule la photographie est remarquable, mais cela est loin d’être suffisant pour en faire un bon film ; en l’état, « The Tree of Life » n’est qu’une œuvre d’une prétention démesurée, et pourtant d’une naïveté confondante.
-          Cela l’empêchera-t-il d’être récompensé à Cannes ? La réponse a été donnée hier soir, pour vous qui lisez l’article aujourd’hui !

On retiendra…

Un style unique, une ambition folle, des images et un montage à la beauté ahurissante.

On oubliera…

La platitude des réflexions « métaphysiques », l’omniprésence de références bibliques, la naïveté de la trame principale du film, et en particulier de la scène finale.

A noter :
Pour une raison inconnue, le réalisateur s’est mis à accélérer son rythme de travail: son prochain film, « The Burial » a déjà été tourné.

« The Tree of Life » de Terrence Malik, avec Brad Pitt, Jessica Chastain, Sean Penn,…
Aux cinémas Utopia Toulouse, Gaumont Wilson, Gaumont Labège et UGC Toulouse.

Par Maroufle et Miltiade

En différé de Cannes (Minuit à Paris)

Un jeune couple d’américains dont le mariage est prévu à l’automne se rend pour quelques jours à Paris. La magie de la capitale ne tarde pas à opérer, tout particulièrement sur le jeune homme (Owen Wilson) amoureux de la Ville-lumière et 
qui aspire à une autre vie que la sienne.


-          Encore un film de Woody Allen ? Mais le dernier est sorti il y a sept mois ! Il va finir par nous lasser…
-          Et ce n’est pas tout : c’est aussi la cinquième fois que Woody Allen fait l’ouverture du festival de Cannes ! Mais celui-ci a quelque chose de neuf et donc de terriblement intéressant à proposer par rapport au reste de la très longue filmographie du réalisateur-scénariste new-yorkais : il se déroule entièrement à Paris. C’est par conséquent avec une attention particulière qu’on regarde donc « Minuit à Paris » : comment Woody Allen a-t-il choisi de restituer Paris à l’écran ?
-          La première constatation est que « Minuit à Paris » n’est pas si français que ça, puisque la majorité des personnages du film sont des étrangers en voyage à Paris ou habitant la capitale... Pas de miracle : un film de Woody Allen à Paris ressemble toujours à un film de Woody Allen. Il ne fallait certainement pas s’attendre à une approche réaliste de Paris de la part de Allen. On y retrouve donc toujours les mêmes personnages confrontés aux mêmes situations…
-          … sauf qu’une fois minuit sonné, le film change complètement ! On ne peut pas vous dévoiler ce qu’il s’y passe sans diminuer le plaisir de la projection, mais « Minuit à Paris » se révèle alors très drôle, grâce aux multiples rencontres que va alors faire le personnage très bien interprété par Owen Wilson. L’occasion chaque fois renouvelée d’un numéro d’acteur, toujours surprenant et amusant, surtout lorsque c’est un comédien français qui a été choisi par le réalisateur.
-          Au plaisir de la comédie s’ajoute donc celui de retrouver à l’écran tout un tas d’acteurs français, dans un film de Woody Allen… Ces apparitions perdront sûrement de leur valeur dans quelques années, mais on est rapidement conquis par ce jeu offert par le film.
-          On pourra bien reprocher à cette idée scénaristique d’être un peu répétitive et de permettre à Woody Allen de ne montrer qu’un Paris de musée, au message du film d’être lourdement explicité – on a connu le réalisateur bien plus subtil ! -, mais enfin Woody Allen est en France et on ne va pas bouder ce plaisir.
On retiendra…
Paris. Le casting incroyable du film. Ce qui se passe à minuit. La très belle photographie de Darius Khondji.

On oubliera…
Une certaine répétitivité et une sorte de morale trop explicite.

 « Minuit à Paris » de Woody Allen, avec Owen Wilson, Rachel McAdams,…

Par Miltiade

Film porté disparu des mémoires (Immortel (ad vitam))


-          Enki Bilal est reconnu comme l’un des meilleurs auteurs de bandes-dessinées européenne, grâce à la trilogie Nikopol et la tétralogie du Monstre, mais sa carrière cinématographique est complètement méconnue. Il a réalisé trois long-métrages et serait en train d’en préparer un quatrième, l’adaptation de « Animal’z ». Le dernier est sorti au cinéma en 2004 et a sombré dans l’oubli depuis : « Immortel (ad vitam) ».
-          Ce qui est quand même dommage, mais très compréhensible aussi : « Immortel » est un film étrange, comme on n’en a jamais vu, qui ne ressemble à rien de connu. Ce n’est pas vraiment un film expérimental puisqu’il avait de grandes ambitions commerciales – qui ont été frustrées, vu la bizarrerie du résultat. Ce n’est donc pas vraiment un bon film, mais une réelle curiosité cinématographique.
-          Au cinéma, « français » et « science-fiction » sont deux mots qui ne se sont jamais entendus, si l’on excepte « Le Cinquième Elément » (mais quelle exception !). Le film de cette semaine n’a pas démenti cette assertion, mais est néanmoins remarquable par sa forme, qui restera peut-être à jamais sans suite.
-          En effet, une des plus grandes particularités du film est qu’il mélange film d’animation 3D avec des acteurs réels. Si le film devait sortir aujourd’hui, il serait soit entièrement tourné en motion capture à la manière d’ « Avatar », soit un film d’animation. Pour restituer à l’écran l’univers incroyable imaginé par l’auteur dans « La Foire aux Immortels » et ses suites, et sans la puissance numérique visuelle développée depuis, Bilal fit le choix de n’utiliser presque que des décors virtuels et de mêler acteurs réels avec personnages animés, ce qui est assez déroutant maintenant.
-          Même si esthétiquement le film est très beau, on est quand même loin des planches de Bilal. Il me semble que la manière de dessiner de l’auteur est trop particulière pour pouvoir être retranscrite de façon lisible dans un film qui ne soit pas un dessin animé… Le New York futuriste de « Immortel » est donc beaucoup plus lisse que celui de la BD, et a finalement plus à voir avec les cités vertigineuses du « Cinquième Elément ».
-          Et Enki Bilal n’est pas aussi efficace à la réalisation que Luc Besson, surtout lors des scènes d’action. C’est l’autre élément perturbant de ce film bizarre : le cadrage et le rythme sont anormaux, maladroits, comme si Bilal avait oublié qu’il n’était pas en train de faire une bande dessinée mais un film.
-          Il est quand même dommage qu’aucun réalisateur français n’ait osé prendre la relève. On espère qu’un jour ce coup d’essai sera transformé.
On retiendra…
Des images très belles dans un mélange d’une facture désormais unique de prises de vue réelles et d’animation. Le film possède une étrangeté qui n’est pas sans charme.

On oubliera…
Le rythme du film et la maladresse des scènes d’action.

« Immortel (ad vitam) » de Enki Bilal, avec Linda Hardy, Thomas Kretschmann,…

Par Miltiade

Dans l’enfer du cinéma expérimental (Dharma guns)


-          Une des sept copies d’un film français dit « de science-fiction », en noir et blanc, qui était en compétition à Venise et fut accueilli bien par la critique, arrive enfin à Toulouse un mois et demi après sa sortie : « Dharma guns (la succession Starkhov) ». Malheureusement, le film est catastrophiquement nul. Et même présenté par le réalisateur F.J. Ossang en personne, il n’y a absolument rien à sauver d’une telle déroute.
-          C’est l’occasion d’apprécier ce qui se fait de pire dans le cinéma d’auteur ! « Dharma guns » est peut-être le film le plus exigeant que nous ayons vu : la faute à son scénario extrêmement compliqué. Et c’est un euphémisme.
-          Ne mentons pas aux lecteurs ! Qualifier le scénario de « compliqué » est une supposition aveugle : la forme du film est si étrangère à ce qui se fait communément au cinéma qu’elle empêche au spectateur de comprendre l’histoire du film – ou plutôt, de savoir si le film a bien une histoire. C’est là toute l’énigme de « Dharma guns » : ce qui nous est montré a-t-il un sens ?
-          La question se pose dès les premières minutes du film, lorsqu’on se rend compte qu’on n’y comprend rien. Les scènes se succèdent, de moins en moins cohérentes, mais l’espoir d’une résolution narrative persiste… et meurt à un moment de la projection, à partir duquel on s’ennuie, résigné. Ce moment est d’ailleurs très intéressant car il dépend sûrement de l’endurance de chacun au désordre et au chaos. Ce film permet donc de l’évaluer !
-          Tu as raison, essayons de trouver des points positifs au film !
-          On comprendra plus tard que « Dharma guns » n’est pas un film, mais tient plutôt du « poème audiovisuel », renouant avec les racines-mêmes du cinéma : « une succession d’images et de sons », comme nous l’expliquèrent le réalisateur et son présentateur à l’issue de la projection.
-          Tout s’explique : il n’y a rien à comprendre ! Le film n’invite pas à la découverte d’une histoire : évidemment, puisqu’il préfère plutôt travailler dans le domaine des sensations ! Débarrassé de la logique d’une intrigue, « Dharma guns » a le champ libre pour subjuguer le spectateur par un spectacle visuel et sonore époustouflant…
-          Ça peut être bon de rêver parfois. Voilà donc ce qui aurait pu – à la limite – sauver le film. Mais « Dharma guns » n’a rien de tout ça, mis à part une remarquable photographie « à l’ancienne ». On est plutôt dans le domaine du bricolage. Tourner un film de science-fiction sans en avoir les moyens donne toujours des résultats épouvantables : filmer un hangar de stockage sur un port et nous faire croire que c’est un hypermarché du futur relève du gentil cinéma amateur. Donner le rôle principal à un chanteur anglophone ne connaissant aucun mot de français, et qui se voit donc obligé de réciter son texte phonétiquement tout au long du film relève du suicide artistique…
-          Et ce n’est encore qu’un aperçu des surprises qui attendent le spectateur du film !
On retiendra…
Une expérience cinématographique a des milliards d’années lumière de tout ce que vous aurez pu voir avant...

On oubliera…
Tout. Ou plutôt rien, puisque c’est tellement affreux que cela restera à jamais gravé dans vos mémoires.

« Dharma guns » de F.J. Ossang, avec Guy McKnight, Elvire,…

Par Imer et Miltiade

Fuir ou danser au cinéma (Pina et Essential Killing)


-          Cette semaine, deux films exceptionnels : le premier film d’auteur réalisé en 3D, « Pina », et une chasse à l’homme comme on n’en a jamais vue racontée dans « Essential Killing ».
-          « Pina » de Wim Wenders propose de la danse et rien que de la danse. C’est sa principale qualité…
-          … mais aussi son principal défaut ! On aurait aimé que le film, présenté comme un documentaire, en soit vraiment un. Or, on y découvre qu’une alternance de scènes de danse, extraits de quatre œuvres de Pina Bausch. C’est évidemment très beau mais ça manque de sens pour le spectateur novice en danse contemporaine.
-          Ce qui est notre cas. Dans le film, rien ne vient nous expliquer l’importance du travail de la chorégraphe pour la danse contemporaine. On est juste convié à plonger au cœur de son œuvre à travers de scènes de danse spectaculaires, captées avec une 3D impressionnante, pour la première fois bien utilisée au cinéma depuis… la sortie d’ « Avatar » fin 2009.
-          Il en aura fallu du temps pour voir un film pensé pour la 3D utiliser convenablement ce procédé !
-          Le défaut de « Pina » est qu’il montre sans expliquer. En guise de rares commentaires, des danseurs prononcent tour à tour quelques phrases sur le regard que portait la chorégraphe sur leur travail. Mais ces propos sont si laudateurs qu’ils en deviennent répétitifs et lassants, et surtout ne nous permettent absolument pas de comprendre qui était vraiment Pina Bausch.
-          Si on ne s’en tient qu’au film, ce serait une déité, un ange, une grâce…
-          … mais certainement pas une mortelle. Ce dont on doute moins à propos de Mohammed, l’homme pourchassé dans « Essential Killing », prix d’interprétation masculine à Venise pour Vincent Gallo. « Essential Killing » est un film-concept : il raconte la fuite d’un homme, sûrement un terroriste, pourchassé par l’armée américaine, à travers la nature gelée d’un pays d’Europe du Nord, et ne s’en tient qu’à la narration de cette fuite.
-          Le film est très épuré : l’intrigue est réduite au strict minimum, très peu d’informations sont offertes au spectateur, et les dialogues inexistants. Seule compte l’urgence de la fuite. C’est donc forcément un peu exigeant pour le spectateur, mais le résultat est magnifique. Les péripéties s’enchaînent, imprévisibles et toujours résolues de façon surprenantes, entrecoupées de rêveries du personnage perdu dans une nature qui lui est aussi hostile que les hommes qui le poursuivent.
-          Un vrai voyage, beaucoup mieux filmé et prenant que les pérégrinations sans âme des « Chemins de la liberté » sorti au début de l’année.
On retiendra…
L’intrigue minimale de « Essential Killing » et l’alliance de la danse et de la 3D dans « Pina ».

On oubliera…
L’absence d’informations sur ce qui nous est montré dans le film de Wenders.

« Pina » de Wim Wenders et « Essential Killing » de Jerzy Skolimowski.

Par Miltiade

Lobotomie (Sucker punch)


-          Il aura fallu cinq longs-métrages à Zack Snyder pour réaliser enfin un film original – c’est-à-dire qui ne soit pas un remake, l’adaptation d’une BD ou d’un roman. « Sucker Punch » est donc le premier film réalisé par Snyder sur un scénario de Snyder.
-          Tu peux t’en étonner, mais on comprend assez rapidement pourquoi personne à Hollywood ne voulait lui financer son scénario : le réalisateur de blockbusters le plus innovant visuellement depuis « Matrix » se révèle un piètre scénariste ! Avec « 300 », Snyder avait développé un style très particulier fondé sur une utilisation quasi-exclusive des fonds verts plutôt que des décors naturels, des ralentis qui ne se limitent pas qu’aux scènes d’action donnant l’allure à ses plans de tableaux ou cases de BD, et d’une bande-son toujours excellente adaptée, de chansons déjà existantes.
-          Il ne suffit alors que de quelques minutes au spectateur pour identifier si un film est ou non l’œuvre de Snyder, chose peu répandue chez les blockbusters. Pour « Sucker Punch », les trente premières secondes suffisent : la séquence introductive, sûrement la meilleure du film, est quasiment un film muet. La puissance des images suffit à raconter l’histoire.
-          Mais malheureusement, le film ne restera pas muet longtemps. Et la médiocrité et le ridicule des dialogues viennent dangereusement handicaper les formidables images développées par le réalisateur. En conséquence, les personnages apparaissent comme inconsistants, ce qui n’est pas pour aider les acteurs déjà pas très bons. Ils échouent cruellement à nous faire susciter la plus petite once d’empathie.
-          Vous l’avez peut-être compris, le scénario de « Sucker Punch » est plutôt mauvais et n’est pas vraiment à la hauteur de son esthétique. De plus, le film sort au mauvais moment : Snyder s’attaque une fois de plus sur la limite entre rêve et réalité, sujet déjà exploité dans « Avatar » et « Inception »… Il semblerait que le scénario soit sujet à plusieurs interprétations comme « Inception », mais cette fois-ci le spectateur n’est pas du tout intéressé par ce qui pourrait se cacher derrière le premier niveau de lecture puisque celui-ci n’est déjà pas captivant… La faute aux dialogues donc, et à d’honteuses coupes demandées par la Warner pour que le film ne soit pas déconseillé aux moins de 17 ans, mais aux moins de 13 ans aux Etats-Unis.
-          Du coup, avec un scénario pareil, le style visuel du film devient outrancier et pompeux, puisqu’il ne repose finalement que sur du vide ou presque ! Et toute l’entreprise du film se transforme en échec.
-          Non ! Ce serait le cas si le réalisateur-scénariste n’avait pas annoncé le programme au début de son film : les cinq filles doivent retrouver quatre objets pour réussir à s’évader, et la quête de chaque objet réalisée dans le monde des rêves est prétexte à d’immenses scènes d’action, bastons, fusillades avec explosions et monstres à gogo… comme dans un jeu-vidéo. En posant tout son film comme purement artificiel, la sophistication visuelle de Snyder est entièrement justifiée : ce n’est véritablement du spectacle que pour le spectacle, de l’art pour de l’art. Libéré de toute justification scénaristique, Snyder s’autorise tout : ses effets spéciaux lui permettent d’imaginer des univers dingues, absurdes, qui mélangent dans tout les sens tous les genres cinématographiques et visuels. Et ça, seul Snyder ose le faire dans un blockbuster. Le film ne peut donc pas laisser indifférent.
On retiendra…
Des scènes d’action impressionnantes et délirantes. La scène d’introduction.

On oubliera…
La faiblesse des dialogues, du scénario en général et des acteurs.

« Sucker Punch » de Zack Snyder, avec Emily Browning,…

Par Imer et Miltiade

Lézarder au cinéma (Rango)


-          « Avec la voix de Johnny Depp »… Comment le marketing peut-il réussir à nous vendre « Rango », un film d’animation américain produit ni par Pixar ni par Dreamworks, avec cet argument-là ? Sachant que il n’y a sûrement que cinquante copies en version originale sur les plus de 700 distribuées en France, il aurait été plus juste d’écrire « Avec la voix du doubleur de Johnny Depp »…
-          Qu’est-ce qui te prend de commencer par un reproche ? Tu as une dent contre ce film ? « Rango » a heureusement bien d’autres qualités que les personnalités américaines qui ont acceptées de doubler les personnages dans la version originale. La première d’entre elles est son animation, d’une facture encore jamais vue dans ce type de films d’animation : les textures sont incroyables de réalisme, et non plus lissées comme ce que l’on a l’habitude de voir habituellement. Du coup, le film est très beau visuellement, tant au niveau des décors que des personnages.
-          Surtout les personnages ! « Rango » étant une parodie de western spaghetti, tous les animaux qui composent le bestiaire du film sont moches, sales et poussiéreux et dotés de véritables trognes qui permettent une fois encore au film de se distinguer.
-          L’imitation des westerns est donc ici très réussie, mais ce n’est hélas pas tout le temps le cas… Le film est perpétuellement en train de citer ou singer les classiques du western spaghetti, les films de Sergio Leone en tête bien évidemment, mais aussi d’autres films comme « Apocalypse Now »… Or, l’accumulation des clins d’œil qui semble être là pour plaire à tout prix au spectateur adulte et imposer un second degré au film finit par nuire au plaisir de la projection. Les parodies n’ont souvent rien d’original et peuvent même agacer lorsqu’on les a déjà vus et revus un million de fois ailleurs !
-          Sans parler de la musique de Hans Zimmer. Le compositeur,  au lieu d’assumer complètement ses inspirations – c’est-à-dire les thèmes d’Ennio Morricone – mixe tout ensemble et en inonde le film. A force de croire entendre le début de tel ou tel morceau pour finalement se rendre compte que c’est une musique « originale », on finit par regretter que Gore Verbinski, le réalisateur, n’ait pas préféré accompagner systématiquement le film des thèmes dont Zimmer s’inspire.
-          Heureusement, le film s’en sort très bien sur d’autres tableaux. On reconnaît la touche du réalisateur à travers plusieurs séquences oniriques très bien faites, et le film aborde de façon comique l’écologie – ce qui n’est pas souvent le cas ailleurs.
On retiendra…
Les très belles images de synthèse du film, qui n’ont jamais rendu aussi réaliste un film d’animation.

On oubliera…
La parodie est souvent trop lourde et trop présente.

« Rango » de Gore Verbinski.

Par Miltiade

« Y’a quelqu’un ? » (The silent house - la casa muda)


-          Que retiendras-tu de la projection de « La casa muda » ?
-          C’est bien dommage, mais c’est de la fin dont on se souviendra, plutôt que de sa mise en scène… Les deux sont pourtant remarquables, mais pour des raisons diamétralement opposées.
-          Hélas. Tout semblait bien parti au début : ce film d’horreur présenté l’an dernier à Cannes a l’apparence d’un unique plan-séquence tourné avec l’appareil photo numérique déjà utilisé dans « Rubber » et aux performances toujours aussi bluffantes. Le film se déroule donc en temps réel, dans une maison hantée, la caméra se contentant de suivre les personnages ou de les devancer, et adopte même quelquefois leur point de vue. Une mise en scène qui joue sur le réalisme et se révèle très efficace pour susciter la peur et le sursaut. Elle se montre même très déstabilisante puisque aucun dialogue n’est artificiellement dirigé au spectateur, réduit au pur rôle d’observateur : il ne connaît rien des personnages et de leurs intentions, et les dialogues qui pourraient l’en informer sont très rares…
-          Oui, et ça n’aurait jamais dû aller plus loin ! Car après une première partie vraiment effrayante, tout se gâte lorsque quelques informations sont lâchées au spectateur. Le scénario, se dévoilant alors peu à peu, se révèle être… terriblement catastrophique.
-          Ne ménage pas le lecteur : ceci est encore un euphémisme. La fin de « La casa muda » est la plus stupide qui n’a jamais été osée. Devant la bêtise d’une telle conclusion, on se tourne d’abord vers le scénariste du film en se disant qu’il a eu bien de la chance qu’un très bon réalisateur ait transcendé son scénario, avant de constater que c’est le même Gustavo Hernandez qui s’est occupé des deux postes.
-          Serait-il schizophrène ? Entre toutes les fins possibles à son film, Hernandez le scénariste a choisi celle qui discréditait toute l’originalité de la mise en scène déployée par Hernandez le réalisateur. « La cada muda » se révèle au spectateur ahuri comme un film contradictoire, qui s’effondre et se détruit lui-même dans sa deuxième partie.

On retiendra…
Le dispositif du film : suivre en temps réel les évènements est vraiment éprouvant pour le spectateur.

On oubliera…
La fin. Si c’était possible, il vaudrait mieux quitter la salle plutôt que de la voir. Et l’actrice principale n’est pas vraiment à la hauteur.

A noter :
Le titre original de ce film uruguayen est « La casa muda », mais il est distribué en France sous le titre français « The silent house ». Enfin, le film continue après le mauvais générique final à la « Very Bad Trip » (hélas). Ne quittez pas la salle trop tôt.

« La casa muda » de Gustavo Hernandez, avec Florence Colucci, Gustavo Alonso,…

Par Imer et Miltiade

Bredouilles des Oscars (True grit et 127 heures)


-          Aucun des deux films de la semaine n’a réussi à décrocher un Oscar lors de cette décevante 83ème cérémonie, malgré dix nominations pour « True Grit » et six pour « 127 heures ». Peut-être parce que les frères Coen avaient déjà été récompensés il y a trois ans pour « No country for old men », et Danny Boyle il y a deux ans pour « Slumdog Millionnaire »… ou peut-être que leurs films n’étaient pas à la hauteur.
-          Avec « True Grit », les frères Coen réalisent enfin un western, genre vers lequel beaucoup de leurs films lorgnaient. Ce rendez-vous attendu est une réussite, tant ce genre convient si bien au cinéma des deux frères : comme toujours, on oscille entre le sérieux et l’humour, sans qu’on ne sache vraiment vers lequel des deux penche le film. Les acteurs sont tellement typés, à la limite de la caricature, qu’ils nous amusent - mais sans perdre en crédibilité, bien au contraire. Hailee Steinfield, pour son premier rôle, se place à la même hauteur que les deux légendes du cinéma qui l’accompagnent : Jeff Bridges et Matt Damon, incroyables, et difficiles à reconnaître.
-          Surtout Jeff Bridges, rescapé de « Tron : l’héritage ». Mais tu as beau t’enthousiasmer sur la résurrection par les frères Coen de la conquête de l’Ouest, je trouve qu’ils n’apportent rien de nouveau. « True Grit » est donc un excellent film, un western génial, mais on aurait aimé qu’il aille un peu plus loin. Les frères Coen n’étaient pas loin du chef-d’œuvre, mais se contentent d’un très bon film.
-          « 127 heures », lui, est un film entre « Black Swan » pour l’auto-mutilation et « Buried » mais échoue plutôt lamentablement à faire aussi bien. Danny Boyle bute contre l’enfermement du héros : même en multipliant les plans, et les grains d’images, il échoue à rendre passionnantes 126 des 127 heures du calvaire d’Aaron Ralston.
-          Un calvaire qui ne semble pas si extrême, jusqu’à la dernière heure. Ce n’est pas en plaçant sa caméra n’importe où qu’il aurait pu nous le faire sentir : plutôt que de filmer de l’intérieur de la gourde vide de Ralston pour nous montrer qu’il a soif, on aurait préféré que la déchéance physique de James Franco soit plus marquée. Surtout si l’on compare avec ce qui se fait maintenant, on se demande pourquoi James Franco n’a pas plus forcé sur le maquillage et la perte de kilos, comme les acteurs du récent « Les Chemins de la liberté » l’ont fait, ou Emile Hirsch dans « Into the Wild ».
-          Comment peux-tu dire ça ? La déchéance physique n’est pas assez marquée ? C’est à croire que tu as détourné les yeux lors de la terrible scène où Ralston trouve enfin le moyen de s’échapper ! C’est la meilleure scène du film, parce que pour le coup, on y croit vraiment. L’épreuve est aussi très dure pour le spectateur, et grâce à elle la séquence finale est très émouvante.
On retiendra...
L’accent et la diction de vieux briscard de l’Ouest de Jeff Bridges pour « True Grit » : bien mieux que le TOIEC pour savoir si vous êtes bilingue ou non !

On oubliera...
Les scènes de flash-back et de délire de Aaron Ralston. Ça ne suffit pas pour exprimer la folie du personnage.

« True Grit », de Danny Boyle avec James Franco et « 127 heures », de Joel et Ethan Cohen, avec Hailee Steinfield, Jeff Bridges, Matt Damon...

Par Imer et Miltiade

L’Arnaque suprême (Revolver)


-          Pour la rentrée, voilà un article un peu différent puisqu’il ne concerne pas une sortie récente, mais un film exceptionnel sorti en 2005 au cinéma.
-          Enfin, quand tu dis exceptionnel… « Revolver » est Le pire film que nous ayons vu. Et mérite donc de fait d’être vu.
-          Pour les plus motivés seulement… On pourrait citer quantités de films en apparence moins bons que « Revolver » : il en passe tous les jours sur la TNT. Mais aucun n’a l’arrogance ni la prétention de celui-ci. Guy Ritchie, le réalisateur, pensait vraiment livrer un chef-d’œuvre. Et ça, c’est impardonnable.
-          Impossible de ne pas être outré par l’orgueil, l’infatuation et la fatuité du réalisateur qui transparaît clairement dans sa mise en scène, une prétention aussi visible et agaçante que celle que l’on devine derrière le niveau de vocabulaire employé dans cette réplique.
-          Fais attention. On va bientôt nous accuser de ce que l’on dénonce. « Revolver », c’est l’exemple-même du film à la réalisation « trop stylée », « trop novatrice », « trop cooool » qui ne fonctionne pas du tout. Quand Ritchie se prend pour Sergio Leone, il filme longuement en gros plans ses acteurs figés dans des regards supposés assassins, avec l’intention de faire monter la tension… Sauf que les pensées intérieures débiles du héros sont rajoutées en voix-off, faisant échouer irrémédiablement l’entreprise.
-          Autre exemple : lors d’une fusillade dans une maison, les personnages s’entretuent en tirant à travers les murs. Alors qu’il aurait pu en tirer quelque chose de vraiment angoissant, puisque les murs ne sont plus des protections et obligent à tirer à l’oreille, Ritchie balance une musique rythmée qui noie tous les sons et traverse les murs avec la caméra, annihilant tout suspense. Et il en est ainsi à chaque scène du film : le réalisateur se plante à chaque fois, jusqu’à transformer ses échecs en comique de répétition.
-          L’autre force du film est l’interprétation magistrale de Jason Statham, qui pense que pour jouer le dur il faut arborer la même tronche d’imbécile impassible pendant tout le film. Un coup de maître qui réussit à éclipser tous les autres acteurs, terriblement mauvais – mais qui bougent, eux !
-          Il est temps d’aborder l’argument majeur de « Revolver », celui qui permet à ses fans d’affirmer sans réfutation possible que le film est un « chef-d’œuvre incompris » : le scénario est éminemment complexe et fouillé. A tel point qu’on est petit à petit perdu au fur et à mesure que les rebondissements, flash-back et autres retournements de situations s’enchaînent. Le film bascule du polar au psychologique, puis à l’expérimental arrivé au point où on n’y comprend plus rien du tout. Et c’est à ce moment-là que « Revolver » s’apprécie pleinement et devient une expérience cinématographique unique et jamais égalée : lorsqu’on assiste, abasourdi, à l’accumulation incessante de péripéties grand-guignolesques, on en vient à penser que la fin du film est proche, alors qu’on en est qu’au milieu. Et quand celle-ci arrive enfin sans qu’on s’en aperçoive, on n’a toujours pas compris pourquoi le film s’arrête là et pas une heure auparavant.

On retiendra…/On oubliera… (à une telle profondeur on ne peut plus faire la différence) :
Un scénario si arrogant et incompréhensible qu’il catapulte le film du statut de nanar à celui d’épreuve cinématographique qu’il faut avoir vécu au moins une fois dans sa vie.

A noter :
Vous n’êtes pas sûrs d’apprécier votre prochaine sortie ciné ? Regardez « Revolver » avant, vous ne pourrez plus être déçu après.

« Revolver » de Guy Ritchie, avec Jason Statham, Ray Liotta,…

Par Imer et Miltiade