samedi 13 mai 2017

Le premier passager (Alien : Covenant)

On n’arrêta pas Ridley Scott. Le cinéaste anglais qui s’apprête à fêter ses 80 ans a retrouvé une seconde jeunesse depuis qu’il est revenu à ses premières amours au cinéma, la science-fiction. Près de quarante ans après leur sortie, il réactive cette année ses deux films mythiques que sont « Alien, le huitième passager » (1979) et « Blade runner » (1982) – qui sont, encore aujourd’hui, ses deux meilleurs films…
« Alien : Covenant » est la suite directe de « Prometheus » (2012). C’est donc comme ce dernier une préquelle à la saga « Alien ». Le réalisateur s’inscrit dans l’exacte continuité de son travail sur « Prometheus ». On retrouve dans « Covenant » les mêmes points forts : la photographie magnifique, clinique et froide, de Dariusz Wolski, le jeu sur les attentes et les réminiscences du premier « Alien » de Ridley Scott, la superbe direction artistique qui ressuscite H. R. Giger… et Michael Fassbender, ici dédoublé, qui se révèle être l’épine dorsale de cet arc narratif en préquelle.


Faux remake, vraie surprise
Le film commence au départ plutôt mollement, semblant suivre sans grande imagination les rails déjà bien usés du scénario d’un film « Alien » : un équipage est dérouté vers une planète inconnue… Comme dans « Prometheus », Ridley Scott brouille en fait les pistes puisque cette impression trompeuse de remake inavoué d’ « Alien, le huitième passager » (renforcée qui plus est par la reprise à la musique du thème composé par Jerry Goldsmith) sera rapidement démentie une fois que l’équipage aura posé pied sur la planète… et que son massacre va commencer.
Ridley Scott ne fait pas dans la demi-mesure : les fameuses éventrations sont vraiment dégoûtantes et ce basculement soudain dans l’horreur et dans l’inconnu (à l’image comme au scénario, qui cesse de reproduire l’intrigue d’ « Alien, le huitième passager »), installe un malaise et une tension d’une efficacité folle. La mise en scène joue avec les nerfs des personnages comme avec ceux des spectateurs, cachant la créature dans l’obscurité ou les recoins des décors… La créature va si vite et provoque des explosions de violence si soudaines que l’on reste en permanence sur le qui-vive tout au long du film. Le travail sur le son est à ce titre vraiment extraordinaire, puisque la créature semble se déplacer à travers la salle de cinéma. Le danger peut venir de partout, et l’on ne peut se fier à personne, et notamment du deuxième androïde joué par Michael Fassbender. Sans trop en révéler, ce dédoublement des rôles de l’acteur est l’une des plus belles idées de scénario de ce nouvel opus, exploité de manière très ludique par la mise en scène, l’interprétation et le scénario.
(C’est assez drôle d’ailleurs qu’à la prise de pouvoir du personnage joué par Fassbender sur l’intrigue de cette préquelle répond celle de l’acteur sur la direction artistique du film : l’acteur-producteur d’« Assassin’s creed » ne semble pas vouloir quitter sa capuche d’assassin, et a ramené avec lui le compositeur de la musique du film de Justin Kurzel…)
« Alien : Covenant » surprend encore par l’intensité et la folie de sa grande scène d’action : vers la fin du film, Ridley Scott orchestre un duel entre l’alien et Daniels (l’héroïne du long-métrage) sur une plateforme volante, dans une surenchère étonnante qui rend encore plus extraordinaire encore le (faux) retour au calme qui la suivra.

La frustration des réponses
Jusque dans ses lâchers-prises, le film est donc très maitrisé, et se révèle très malin pour expliquer les origines de la créature, le fameux « xénomorphe » combattu par Ellen Ripley tout au long de la saga « Alien ». L’explication est une belle astuce scénaristique qui ne manque pas d’intelligence. Ce qui désarçonne cependant c’est qu’« Alien : Covenant » lève une à une toutes les interrogations ouvertes par « Prometheus »… On est à la fois ravi d’avoir la réponse à nos questions, inquiet du contenu des suites éventuelles (puisque suite il y aura) – que reste-t-il à raconter ? , et déçu de ne plus avoir de mystère sur lequel réfléchir en vain. Car un mystère, c’est quand même ce qu’il y a de plus vertigineux et effrayant… Lorsque le film s’achève sur une fin ouverte qui annonce une suite, on est donc bizarrement frustré : par cette absence de réelle conclusion… mais aussi d’avoir eu le fin mot de l’histoire à des interrogations vieilles de près de quarante ans.

On retiendra…
La terreur est de retour dans l’espace : le film est parcouru jusqu’à sa fin par une formidable tension. Scénario intelligent plein de bonnes idées, images sublimes (photographie et direction artistique), scènes d’horreur crues.

On oubliera…
Une petite faiblesse du scénario au début du film (les raisons du détournement du vaisseau sont peu convaincantes) et surtout la frustration d’avoir la réponse à de vieilles questions… et de subir pourtant une fin de film très ouverte.


« Alien : Covenant » de Ridley Scott, avec Katherine Waterston, Michael Fassbender, Billy Crudup,…

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire