jeudi 12 janvier 2017

Complexe d’infériorité (Assassin’s creed)

Jamais une adaptation de jeu vidéo, genre cinématographique maudit (ce genre n’a toujours pas connu de chef-d’œuvre en trente ans d’existence), n’avait été réalisée avec des moyens aussi prestigieux. Tous les grands noms attachés au projet sont issus du cinéma d’auteur : le trio Michael Fassbender, Marion Cotillard et Justin Kurzel (réalisateur), déjà à l’œuvre sur « Macbeth » en 2015, mais aussi Ariane Labed, Charlotte Rampling, Jeremy Irons, Denis Ménochet… C’est aussi la première fois qu’un éditeur de jeux vidéo, ici le français Ubisoft, produit directement l’adaptation d’une de ses œuvres. Les attentes étaient donc grandes autour de ce film capable de marquer l’histoire du rapprochement jeu vidéo et cinéma.


Action et réflexion
                Autour du personnage joué par un Michael Fassbender très investi (tout autant qu’il l’était pour jouer Macbeth), « Assassin’s creed » court sur deux lignes temporelles : un futur quasi totalitaire et l’année 1492 en Espagne, à Séville. Pour lier ces deux époques, une histoire complexe de recherche d’un artefact par deux entités concurrentes, les Assassins et les Templiers. L’artefact en question, une pomme, permettrait de prendre le contrôle du libre arbitre de l’humanité (rien que ça).
Le fil narratif situé lors de l’Inquisition espagnole est la partie « action » du film. C’est elle qui vaut le détour : une course-poursuite trépidante qui en met plein la vue, filmée avec un mélange d’accélérations et de ralentis qui évoquerait un mélange inédit de « Jason Bourne » et « Matrix » en plein Moyen-Age. C’est impressionnant et spectaculaire, et suffisamment novateur dans sa manière de représenter l’action pour retenir l’attention.

Excès d’ambition
Malheureusement, les auteurs du film n’ont pas su se contenter de ce pur film d’action. L’autre fil narratif, celui situé dans le futur, est une sorte de thriller ésotérique qui veut proposer une réflexion sur le contrôle et la liberté. Le sujet n’est pas idiot, cependant il est brouillé par la surcharge d’effets de mise en scène qui avaient leur sens dans la partie « action » mais créent ici une sophistication inutile, au point de transformer son sujet en objet de ridicule. (Il est d’ailleurs drôle de constater que la même question avait déjà été abordée dans « Star Trek sans limites » cette année, mais avec une conclusion opposée.) Le problème est aussi que cette partie, nettement moins convaincante, se révèle être la plus importante en terme de narration : il n’est donc pas possible de la négliger.
C’est comme si le film voulait absolument être intelligent. Le complexe d’infériorité du jeu vidéo aurait-il encore frappé ? Les auteurs du long-métrage ont semble-t-il eu peur que le film, parce qu’il est une adaptation d’un jeu vidéo, soit considérée comme abrutissante. L’ambition philosophique d’ « Assassin’s creed » a tout d’une réponse disproportionnée aux préjugés qui courent encore aujourd’hui sur la bêtise des jeux vidéo.
« Assassin’s creed » est donc cet objet étrange, inabouti malgré ses efforts déployés tant à la mise en scène qu’à l’interprétation et à la direction artistique. Un formidable film d’action hélas boursouflé de réflexions mal présentées et articulées. L’adaptation vidéoludique au cinéma attend encore son chef-d’œuvre.

On retiendra…
Des scènes d’action d’une rare intensité. Michael Fassbender, toujours héroïque dans ses interprétations.

On oubliera…
Les ambitions philosophiques ridiculisent ce film d’action qui s’est rêvé plus grand qu’il ne l’était.


« Assassin’s creed » de Justin Kurzel, avec Michael Fassbender, Marion Cotillard, Ariane Labed,…

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