Si l’on considérait
l’adaptation de pièces de théâtre au cinéma comme un genre en soi, celle de
pièces de Shakespeare en serait un sous-genre, et celle de sa pièce
« Macbeth », datant de 1606, une
branche de ce sous-genre… puisqu’elle a été portée à l’écran plus d’une dizaine
de fois. L’idée de proposer, comme un metteur en scène de théâtre, une nouvelle
adaptation de la pièce en 2015, et sans aucun parti pris de modernisation, doit
s’expliquer par une obsession personnelle du réalisateur Justin Kurzel pour
cette histoire de fatalité et de fascination pour le Mal. Avoir convaincu
Michael Fassbender et Marion Cotillard d’incarner Macbeth et Lady Macbeth lui
ont vraisemblablement ouvert les portes de la sélection officielle du 68ème
festival de Cannes. A vrai dire, on ne voit pas d’autres explications que ce
casting à la sélection de ce film… ni d’autre intérêt à le regarder.
Grandiloquence
Le film de
Justin Kurzel s’effondre, dès les premières minutes, sous le poids de la
référence trop évidente qui semble avoir guidé tout le travail artistique du
long-métrage. Le film ne parvient jamais à se défaire de ce passé
cinématographique duquel il pille la majorité de son inspiration. Il échoue
ainsi à exister par lui-même et à imposer sa nécessité. Et, surprise, ce lourd
passé n’est pas constitué par les précédentes versions cinématographiques de
« Macbeth » (signées notamment Welles et Polanski), mais par le
formidable film de Nicolas Winding Refn, « Le guerrier silencieux,
Valhalla rising », sorti en 2010. Kurzel filme avec la même photographie
sombre et riche de monochromies une Ecosse boueuse, désertique et désolée. La
même violence latente sourd des images, celle de la dureté des éléments qui
battent les paysages et s’abattent sur les hommes, ou celle des rapports
humains qui ne sont que meurtres et menaces. Le Moyen-Âge de Kurzel ressemble
trait pour trait au temps des Vikings de NWR : la vie y est d’abord
affaire de survie.
Justin
Kurzel a voulu reproduire à son compte la puissance des images de Nicolas
Winding Refn et la mêler à celle de la pièce de Shakespeare pour livrer une
œuvre épique et lyrique touchant à l’opéra. Mais il sabote cette intention avec
des effets de mise en scène d’une stylisation outrancière. Kurzel mixe certaines
de ses scènes avec des ralentis si ralentis qu’ils relèvent du figé ou du
tableau vivant. Ce montage a peut-être été pensé dans une volonté de modernité,
mais il donne en fait une allure de clip musical à ces séquences. L’effet, trop
voyant, en devient ridicule.
Sur le
modèle de la mise en scène de « Le guerrier silencieux », le
réalisateur de « Macbeth » multiplie les signes d’un mystère et
cherche à dérouter le spectateur, mais cette opacité est ici aisée à percer et
ne parvient donc pas à lester les images du poids du mythe.
Justin
Kurzel a donc beau alourdir sa mise en scène d’emprunts à NWR, son film sombre
irrémédiablement dans la grandiloquence. Cette folie pompière résonne peut-être avec celle qui s’empare de Macbeth dans la pièce, elle n’en reste pas moins
pénible pour le spectateur, et frappe du sceau du ridicule chaque séquence du
long-métrage. En conséquence, la plongée de Macbeth dans la folie laisse de marbre
– un comble pour cette tragédie de Shakespeare ! La seule émotion
éprouvée, outre l’ennui, est de la gêne pour Fassbender et Cotillard, qui se
donnent corps et âme dans leur rôle, mais en vain au milieu d’une débâcle qui
serait, sans eux, totale.
On retiendra…
Les efforts de Michael
Fassbender et Marion Cotillard pour incarner le couple Macbeth.
On oubliera…
La mise en scène de Justin
Kurzel, ultra pompeuse et même pas originale, puisque tout semble copié sur «
Le guerrier silencieux » de Nicolas Winding Refn.
« Macbeth » de
Justin Kurzel, avec Michael Fassbender, Marion Cotillard,…
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