Il avait
fallu vingt-trois films à la série pour aboutir à un chef-d’œuvre : « Skyfall »
en 2012 explosait tous les compteurs tant publics que critiques pour un épisode
de la saga de l’agent 007. La raison de ce succès tenait à la confiance enfin
accordée par les producteurs de la série à un réalisateur qui soit un véritable
auteur, et non pas à un réalisateur interchangeable de blockbuster comme ce fut
la marque pour tous les épisodes précédents de la franchise. En prenant les
rênes de la saga, Sam Mendes renouvelait James Bond en s’emparant comme
personne avant lui de la dimension mythique du personnage (le transformant en
héros shakespearien), dans un mélange de modernité et de classicisme proche de
la perfection.
Un passé trop encombrant
Il était
donc heureux que le nouvel épisode de James Bond soit de nouveau confié à Sam
Mendes – mais succéder à son propre succès soulève aussi des attentes immenses…
Et l’on sent bien, dès l’ouverture pourtant très impressionnante du film (grâce
à l’idée d’exécuter ces pirouettes aériennes ahurissantes au-dessus d’une
foule), que « 007 Spectre » ne sera pas aussi réussi que « Skyfall ».
Sam Mendes renoue avec sa réalisation classique, sa vision plus sombre, grave
et dépouillée de l’agent secret. Elle est toujours aussi belle, mais cette
fois-ci quelque chose coince. La forme, bien qu’identique à « Skyfall »,
paraît ici figée. La faute à un scénario qui échoue à rendre les passages
obligés de tout « James Bond » pour autre chose que des répétitions (comme
la présentation des gadgets de Q)… ou qui répète des situations déjà vues
plusieurs fois auparavant. James Bond se retrouve ainsi une énième fois opposé
à ses supérieurs, qui le mettent à pied : c’est un ressort scénaristique
efficace, mais déjà été utilisé dans les deux précédents films…
Les
entorses prises avec les canons de la saga ne parviennent pas non plus à
séduire totalement. « 007 Spectre » est une suite directe à « Skyfall »,
et va même jusqu'à connecter les autres épisodes où l’espion était joué par Daniel Craig (« Casino
Royale » et sa suite directe « Quantum of solace »), ce qui est
une première. On en apprend plus sur l’enfance de James Bond, qui était la
révolution de « Skyfall ». D’autres variations répondent directement à
ce précédent « Bond » : comme la longévité de la « James
Bond girl » ou le secours qu’elle lui apporte (Léa Seydoux, très bien, et
qui arrive à faire exister un personnage de française appelée avec beaucoup de
subtilité Madeleine Swann). Mais toutes ces variations semblent n’être, justement, que
des variations, et ne cessent de nous ramener aux précédents films de l’agent
secret. D’où l’impression que la franchise cahote, que cet épisode n’a été
écrit qu’en réaction aux précédents. La trop grande profusion de références
diminue l’immersion dans le film, son histoire, qui paraît bien faible malgré tous ces efforts. On cherche vainement la liberté
qui fera décoller le film du passé de la saga qui apparait ici non plus comme une richesse mais comme un obstacle encombrant la narration.
Réactualisation
Et ce,
jusqu’à ce que le véritable sujet de « 007 Spectre » soit dévoilé au
spectateur : les dangers de la société de surveillance. Le film s’y attaque avec
intelligence, et inscrit cet épisode au cœur de l’actualité. C’est vraiment
bien vu – et c’est la nouveauté qui manquait à « Spectre » pour lui
donner enfin, aux deux tiers du film, un souffle. Le final résolument
anti-spectaculaire achève de convaincre, sur le tard, de la qualité de ce
long-métrage. Ce n’est effectivement pas l’émotion de « Skyfall »,
mais c’est tout de même un excellent « James Bond ». Au point qu’après ce nouvel
épisode, il semble toujours impensable qu’un autre acteur que Daniel Craig
puisse incarner l'agent 007.
A noter, en
conclusion, la curieuse similitude entre « 007 Spectre » et « Mission
Impossible 5 : rogue nation ». Les deux films aux franchises concurrentes
racontent tous deux comment un agent secret va lutter contre une organisation
secrète mondiale (le Syndicat chez l’un, Spectre chez l’autre) en dissidence de
l’organisation étatique qui l’emploie (la Force Mission Impossible, la section
double zéro), menacée de disparition pour ses méthodes vieille école… Avec une
ouverture aérienne et un final londonien, et une excursion marocaine en commun, on se
retrouve face à deux blockbusters qui semblent se répondre l’un à l’autre… Espérons
que la concurrence entre ces deux franchises les tirent vers le
haut.
On retiendra…
La réalisation de Sam Mendes –
claire, grave et classique (dans le bon sens du terme), les acteurs – tous
excellents, et surtout le sujet de la surveillance numérique qui replace James
Bond au cœur de l’actualité et reconnecte la saga avec notre époque.
On oubliera…
Une certaine fatigue dans la
convocation des passages obligés tout comme dans la réaction aux précédents
épisodes de la saga « James Bond ».
« 007 Spectre » de
Sam Mendes, avec Daniel Craig, Léa Seydoux, Christoph Waltz,…
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