jeudi 1 janvier 2015

A la recherche du temps perdu (Boyhood)

« Boyhood », c’est d’abord ce tournage hors norme, car étalé sur douze ans. Nul spectateur n’ignore avant le début de la projection que Richard Linklater a filmé chaque année à la même période un épisode de l’enface fictive d’un enfant, joué par Ellar Coltrane de ses 6 ans jusqu’à ses 18 ans, pour capter le « vrai » passage du temps. Si la sœur du personnage principal, prénommé Mason, est jouée par la propre fille du cinéaste, Lorelei Linklater, les parents et les autres personnages sont joués par des acteurs professionnels.
L’idée de ce tournage est totalement inédite dans l’histoire du cinéma (ce qui s’en rapprochait le plus jusqu’alors était… l’octologie cinématographique « Harry Potter »). En voir le résultat est d’autant plus précieux qu’on n’est pas près de la voir reproduite de sitôt. La réalisation du film, étalée sur douze ans, a été récompensée à Berlin par un Ours d’argent… ce qui semble bien peu face à ce film « historique » pour le cinéma.


Le temps
Au montage, Richard Linklater a fait le bon choix de se faire enchainer les différents épisodes – ou années – de la vie de Mason sans transition nette (dans le pire des cas, on aurait pu imaginer un carton précisant l’âge ou la date avant chaque nouvelle année). Etalé sur 2h45, le passage du temps est donc suffisamment lent pour ne pas être immédiatement perceptible, au point qu’on ne sait rapidement plus quel âge exact a Mason. C’est là toute l’ambition du film : montrer l’écoulement du temps. Si « Boyhood » est si beau et si important, c’est parce qu’il prouve que seul le cinéma est capable de le faire aussi parfaitement. La précédente œuvre à avoir littéralement montré le passage du temps était l’incroyable « The clock » de Christian Marclay, montage long de 24 heures de centaines d’extraits de films donnant le temps en direct à ses spectateurs fascinés.
Ce travail sur la puissance du cinéma par rapport au temps est au cœur du travail de Linklater, dont « Boyhood » serait l’aboutissement. Dans la trilogie des « Before… », Linklater montrait les évolutions de la vie d’un couple en en racontant, tous les neuf ans, une journée (filmée presque en temps réel, en longs plan-séquences) : ce qui signifie que le tournage de chaque nouvel opus était séparé du précédent de neuf années. Le spectateur vieillissait en même temps que les acteurs entre chaque sortie d’un volet de la trilogie. Le passage du temps n’était perceptible que dans les ellipses de presque une décennie séparant les films. Dans « Boyhood », ce sont douze ans d’une enfance qui défilent devant nos yeux, mais aussi une époque (2002-2014) dans un territoire (les Etats-Unis), en un unique long-métrage, une seule projection. Le temps s’écoule, sous nos yeux, et se « sent », lors des ellipses du récit, que Linklater manie en maître. Le réalisateur n’a pas fait de son film un catalogue des passages obligés de l’enfance et de l’adolescence, ni de ses crises. Il relègue la plupart des bouleversements dans les ellipses. Il montre plutôt des instants qui peuvent paraître anodins, banals. Cet adoucissement volontaire du récit renforce l’impression de flux temporel, de défilement irrémédiable des années.

Le regret d’un conditionnel
Adoucir le récit, c’est à la fois la meilleure et la pire des idées de réalisation de Linklater. Montrer des moments plus critiques, ou plus de moments critiques, aurait pu amoindrir le réalisme, la force documentaire du film en mettant trop en avant sa narration, l’artificialité du récit. C’est, on l’imagine, le piège qu’a voulu éviter Linklater. Mais ce que « Boyhood » y gagne en réalisme et en cohérence avec son projet d’exposition du temps, il le perd en émotion, en force de récit. Richard Linklater n’est pas Abdellatif Kechiche, son film n’est pas une suite d’épiphanies, et en ce sens, il peut décevoir. L’œuvre est sûrement imparfaite. Elle aurait pu être encore plus puissante. « Boyhood » aurait même pu être le plus beau film au monde. Et c’est aussi à cause de ce conditionnel que l’on pleure devant le film.
Des regrets qui n’ôtent rien à ce jalon dans l’histoire du cinéma, à ce film qui ringardise instantanément tous les procédés de vieillissement artificiels utilisés dès ses débuts par les autres cinéastes pour figurer le passage des années (maquillage, postiches ou changement d’acteur pour un même personnage). Lorsqu’on voit un enfant grandir, comme il n’est pas possible de le voir autrement qu’au cinéma, comme il n’est pas possible aujourd’hui de le voir autrement que devant « Boyhood », on touche du doigt la beauté et la tragédie de l’écoulement du temps. En 2h45, les années passent, une vie défile, le présent devient passé : existe-t-il quelque chose de plus simple et de plus universel ?
Le film marque à jamais pour cette scène prodigieuse et bouleversante, mais pourtant extrêmement ordinaire : la mère de Mason, jouée par Patricia Arquette, s’effondre en larmes en constatant que le temps a passé, que son fils a grandi et qu’elle a vieilli. C’est une émotion d’une force indescriptible qui envahit alors le spectateur. Les larmes de la mère sont aussi celles du spectateur, car ces années envolées, il vient de les voir. Il les a même vécus. Au cinéma devant « Boyhood » et dans sa mémoire personnelle. Les deux se mêlent et ne font plus qu’un, le temps d’une projection.

On retiendra…
« Boyhood » est plus qu’un film, ou n’est plus un film : c’est une vie.

On oubliera…
Le film laisse volontairement dans l’ombre les moments de crise, ce qui appauvrit l’émotion due au seul récit (mais pour mieux renforcer celle due à l’écoulement du temps ?).


« Boyhood » de Richard Linklater, avec Ellar Coltrane, Lorelei Linklater, Ethan Hawke, Patricia Arquette,…

2 commentaires:

  1. Ici vous pouvez tout voir https://filmstreamingvf.bz/ Un bon site, avec un tas de films différents, donc je vous recommande de vous familiariser

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  2. Dans l’univers du cinéma, il existe différents types de films qui peuvent être plus ou moins appréciés par les cinéphiles. En effet, chaque personne est différente et les goûts en matière de cinéma ne sont pas toujours les mêmes. Mais certaines catégories de films peuvent susciter un grand intérêt auprès du plus grand nombre. Au nombre de ces catégories, on retrouve l’espionnage. Les films d’espionnages attirent de nombreuses personnes et cette catégorie regroupe un grand nombre de chefs-d’œuvre très connus du public.
    Site web: https://www.enstreaming.club

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