mercredi 24 décembre 2014

Héroïque fantasy (Le Hobbit, la bataille des cinq armées)

Après la fin extrêmement abrupte de « La désolation de Smaug », l’ouverture in media res de ce dernier volet rappelle cruellement au spectateur que « Le Hobbit » n’était pas l’adaptation d’une trilogie littéraire, mais celle d’un unique (et peu volumineux) roman, étalée artificiellement sur trois films. Maintenant que les trois volets ont été vus, leur découpage apparait de ce fait comme totalement arbitraire. On a le sentiment que le combat final (très impressionnant) avec le dragon Smaug a été déplacé en séquence d’introduction de « La bataille des cinq armées » pour équilibrer sa durée par rapport aux deux films précédents – et même ainsi, il s’agit du plus court des trois. Il est donc inutile de juger ce qui est présenté comme « l’ultime voyage en Terre du Milieu » indépendamment des autres. Tout ce qui a été dit à propos des deux volets précédents s’applique bien évidemment à « Le Hobbit : la bataille des cinq armées » : on se référera donc au besoin à la critique d’ « Un voyage inattendu » et à celle de « La désolation de Smaug ».


Place au spectacle de la guerre
     La bataille du titre constitue l’essentiel de l’action de ce dernier chapitre cinématographique. En tant que conclusion, voire « climax » de la trilogie, les différents fils de l’intrigue sont rassemblés pour être achevés. S’ensuit une unité de lieu, de temps et d’action, qui introduit une petite rupture avec les long-métrages précédents. En restant dans des lieux pour la plupart déjà connus, le film perd sa part de charme qui tenait au voyage. Sans agrandissement du cadre de l’intrigue, le vertige de l’infini fictionnel représenté par l’exploration de la Terre du Milieu – dans lequel aimait à se perdre les scénarios peu pressés des volets précédents – n’a plus cours ici. Le voyage est vraiment terminé… pour être remplacé par la guerre.
          Forcément, c’est spectaculaire. Les batailles rangées sont pleines de souffle et réservent de grands moments épiques. Les duels finaux dans le décor glacé d’une forteresse abandonnée sont trépidants et pleins d’idées. A l’image des acrobaties de l’elfe Legolas, ébouriffantes. Le spectacle est magnifié par la 3D HFR, qui apporte un confort de projection et une lisibilité sans pareils. On suit donc avec un réel plaisir ces scènes d’action et ces scènes de bravoure, d’autant plus que ce final guerrier était attendu puisque annoncé dès le premier volet, il y a deux ans. Jackson est indéniablement doué pour porter à l’écran ces immenses scènes de combat. Il réussit à faire tenir cette grande bataille sur une heure de film !
Le film séduit aussi pour ces scènes de pure comédie, presque toutes dues au très drôle personnage d’Alfrid (Ryan Gage) : en le chargeant de la majeure partie du comique de ce dernier volet, la balance entre épique et comédie atteint enfin un bon équilibre (ce qui n’était pas toujours le cas précédemment).

Efficace… mais comme d’habitude
Si le réalisateur du « Seigneur des anneaux » est toujours aussi fort dans ce registre épique, il est à regretter que sa mise en scène n’ait pas évolué entre les deux trilogies adaptées de Tolkien. « Savoir-faire » est peut-être le mot qui décrit le mieux la réalisation de Peter Jackson sur cette trilogie du « Hobbit ». Celle-ci est en effet presque identique, jusque dans ses effets, à celle du « Seigneur des anneaux », mis à part une exception de taille : la 3D HFR, dont on se demande pourquoi, en trois ans, aucun autre réalisateur ne l’a adopté tant son intérêt saute littéralement aux yeux. Si on constate l’efficacité des procédés, si on comprend qu’ils sont repris tels quels dans les deux trilogies pour renforcer les liens entre celles-ci, on peut être déçu de les connaitre déjà. Comme si le réalisateur avait déjà développé tous ses effets de mise en scène dans « Le seigneur des anneaux », et se limitait à les réutiliser pour « Le Hobbit ». Etonnant de voir ainsi Jackson traiter la folie cupide de Thorin comme celle de Gollum… ce qui fait penser à un épuisement d’inspiration pour représenter l’avarice au cinéma !
Autre faiblesse : le temps d’une scène, le piège du raccord à tout prix entre « Le Hobbit » et « Le seigneur des anneaux » fait même basculer le film dans la série Z, au moment de la libération de Gandalf des griffes de Sauron. Cette scène sert à faire le lien entre « Le Seigneur des anneaux » et la présente trilogie du « Hobbit ». Mais Peter Jackson s’y montre extrêmement lourd : à l’accumulation gratuite de caméos qui rend déjà la scène complètement artificielle, s’ajoute une surcharge d’effets visuels faisant basculer ces quelques minutes en une sorte de parodie de la mise en scène du réalisateur.

Un comique involontaire
Impossible de ne pas évoquer un échec de la trilogie « Le Hobbit » : l’introduction dans l’intrigue par les scénaristes des films d’un personnage féminin (l’elfe Tauriel), absent du roman. Féminiser l’histoire du « Hobbit » n’était peut-être pas une mauvaise idée – la trilogie aurait sûrement été attaquée si elle n’avait pas développé en 8 heures de film un personnage féminin. Mais cela n’excuse en rien le ridicule de l’histoire d’amour dont les péripéties s’étalent sur les deux derniers volets. Ridicule dont Peter Jackson semble être conscient, puisqu’il la traitait à certains moments sous l’angle de la comédie dans « La désolation de Smaug », instillant un doute dans l’esprit du spectateur… qui sera levé à la toute fin de « La bataille des cinq armées » par une réplique du roi des elfes Thranduil. A ce moment, comme pour « La désolation de Smaug », on ne peut que constater l’immense abîme qui sépare James Cameron de Peter Jackson…

Faire vivre le souvenir
Au final, force est de constater que la trilogie du « Hobbit » n’a pas du tout la même force que celle du « Seigneur des anneaux », même en prenant en compte la teneur plus comique de l’histoire du « Hobbit ». Mais le souvenir du « Seigneur des anneaux » est si fort, l’attachement à la Terre du Milieu si grand, que pour le simple plaisir de revenir dans cet univers au cinéma on pardonne très vite à Peter Jackson d’avoir moins bien réussi cette trilogie du « Hobbit »... qui se conclut par un (énorme) pincement au cœur à la pensée qu’il n’y aura peut-être plus d’autres films pour réactiver ce souvenir et le faire perdurer.

On retiendra…
Pour ses longues batailles et ses combats épiques, ce dernier volet est le plus spectaculaire de la trilogie « Le Hobbit »…

On oubliera…
… qui restera en-dessous du « Seigneur des anneaux », à cause d’un recyclage trop évident de la mise en scène développée pour la première trilogie adaptée de Tolkien.


« Le Hobbit : la bataille des cinq armées » de Peter Jackson, avec Martin Freeman, Richard Armitage, Luke Evans,…

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