Les
super-héros n’ont jamais été aussi populaires, plus particulièrement aux
Etats-Unis. Leur succès invraisemblable eu égard à la qualité cinématographique
de leurs aventures ne cesse de croitre. Au point que les trois grands studios
hollywoodiens détenteurs de licences de comics, à savoir WarnerBros (DC Comics),
Columbia Tristar (Spider-Man), 20th Century Fox (X-Men, les 4 fantastiques) et Disney (les
super-héros Marvel restants), multiplient les films qui leur sont consacrés,
sans aucune modération : lorsque le potentiel des suites est épuisé, les producteurs
n’attendent plus pour relancer les franchises. Columbia n’a ainsi patienté que
cinq ans après la sortie de « Spider-Man 3 » pour lancer un remake « amazing »
des aventures de Spider-Man sur grand écran (« The amazing Spider-Man »,
2012). « Hulk » d’Ang Lee n’a lui aussi tenu que cinq ans avant qu’un
remake « incroyable » ne voie le jour (« L’incroyable Hulk »,
2008). Cinq ans aussi pour passer de « X-Men, l’affrontement final »
à « X-men : le commencement » (2011) chez 20th Century Fox. Et
huit ans, enfin, pour que WarnerBros fasse un reboot des aventures cinématographiques
de Superman après l’échec – cuisant – du film de Bryan Singer (« Superman
returns », 2006).
Le studio a
décidé pour cette nouvelle tentative de lancement d’une franchise super-héroïque
au très fort potentiel lucratif d’appliquer la méthode gagnante de la trilogie « Batman »
de Christopher Nolan. L’équipe de Batman (scénario, production, musique) est
donc reconduite sur « Man of steel », à la différence notable que
Christopher Nolan, s’il signe l’histoire de « Man of steel », n’officie
ici qu’en tant que producteur. La réalisation a en effet été confiée au prodige
Zack Snyder – plus ou moins forcé d’accepter cette commande, après la déroute
au box-office de « Sucker punch » (2011).
On ne
change pas une équipe qui gagne est le proverbe qui semble avoir guidé
WarnerBros dans la production de « Man of steel ». C’est frappant d’emblée: « Man of steel » a bel et bien été calqué sur les dernières
aventures cinématographiques de Batman. De la photographie sombre, qui rappelle
beaucoup celle développée par Wally Pfister pour la trilogie de Nolan, au
scénario, qui entend retracer et réinterpréter les origines du super-héros à la
manière de « Batman begins », en passant par la musique de Hans Zimmer,
fortement similaire à celle développée pour le chevalier noir, tout concourt à
faire subir à Superman les mêmes évolutions que celles connues par l’homme
chauve-souris. Le film doit donc décrire, sur un mode résolument réaliste et sombre, un super-héros plus humain que jamais, en proie au doute, tourmenté
par son passé, afin d’atteindre à une émotion opératique. Avec un tel cahier des
charges, on a du mal à reconnaitre la mise en scène de Zack Snyder, qui a dû
mettre de côté ses excentricités graphiques, son usage des ralentis et son
montage sous forme de clip (Hans Zimmer ayant de toute manière remplacé Tyler Bates
à la composition). Contrairement aux « Batman » réalisés et écrits
par Nolan, « Man of steel » est donc un pur film de commande.
L’erreur de
WarnerBros est d’avoir cru que le proverbe « On ne change pas une équipe
qui gagne » s’appliquait aussi à l’art, et donc au cinéma. Mais il n’en
est rien, comme le prouve « Man of steel ». Malgré tous leurs
efforts, le scénario, la photographie et la direction artistique (le costume de
Superman a été intégralement relooké) ne peuvent faire de Superman cette figure
réaliste, sombre et tourmentée. Tout ce dispositif entre en
contradiction avec les superpouvoirs du héros, capables de voler tout autour du
globe, dans l’espace, et d’envoyer des rayons laser avec ses yeux. Le matériau
de départ du comic était peut-être trop ridicule pour être adapté de cette manière…
Et l’humour, s’il n’est pas totalement absent, et désespérément manquant.
Le problème de la cape
Toute la
partie de l’histoire relevant de la science-fiction et du space opera, traitée
sur le mode réaliste, semble du coup très lourdement mise en scène et fait
plutôt sourire que pleurer. Citons en particulier la révélation à la Terre de l’existence
d’une espèce extra-terrestre : l’écriture comme la mise en scène sont
alors aussi maladroits que ce sujet était risqué. De même pour ces histoires d’atmosphère
terrestre et kryptonienne, qui affaiblissent ou renforcent les héros :
elles ne ressemblent qu’à des grosses ficelles scénaristiques.
Et c’est
plutôt dommage étant donné les moyens mis en œuvre pour cette partie
extra-terrestre de l’histoire. Les costumes comme les décors et les vaisseaux
sont impressionnants, même si le kitsch n’est parfois jamais loin. Mais il est
impossible de croire encore à cet univers lorsqu’on voit y débouler un homme en
combinaison bleue portant une cape rouge.
L’émotion
que le film veut donc dégager est donc sérieusement mise à mal par l’irréductible
invraisemblance de Superman.
Action et contradiction
Le film
gagne quand même son titre d’honnête divertissement pour ses scènes d’action
ultra spectaculaires, où la frustration latente du réalisateur peut enfin se
libérer : on reconnait alors, enfin, la patte du réalisateur. Zack Snyder
signe ici une suite de scènes d’action parmi les plus impressionnantes qu’ait produites
Hollywood ces dernières années. Les superpouvoirs de permettent à Snyder de s’en
donner à cœur joie : il filme ainsi un duel se déroulant sur la Terre
comme dans l’espace, où les camions, gratte-ciels et satellites sont autant d’armes
balistiques potentielles… La 3D ne rend que toutes ces folies visuelles encore
plus ahurissantes.
Des scènes
d’action très nombreuses qui font assurément de « Man of steel » un
des blockbusters les plus spectaculaires de l’année, mais dont l’extravagance
entre aussi en totale contradiction avec la veine réaliste du film. Après avoir fait
le tour de la Terre, Superman et ses ennemis finissent comme par hasard leur
combat là où il a commencé, soit devant les yeux des personnages secondaires…
dont la place est vraiment problématique dans ces scènes d’action à l’échelle
stratosphérique.
C’est donc
dans ces scènes d’action qu’est le plus visible la contradiction entre la
volonté de réalisme du film et l’invraisemblance de ce qu’il raconte
effectivement – une contradiction présente dès le départ, puisqu’on peut la
rapprocher de celle existant entre le matérialisme de Christopher Nolan et la
fantaisie de Zack Snyder.
On espère
que Zack Snyder se libérera bien vite de cette commande pour revenir à ces
expérimentations visuelles. Elles avaient fait merveille pour « Watchmen »,
le film de référence sur les super-héros.
On retiendra…
Des scènes d’action
ébouriffantes qui s’étendent aussi bien sur la Terre… que dans l’espace !
On oubliera…
L’imposition d’un traitement
réaliste à un personnage qui y résiste jusqu’à créer une contradiction entre la
mise en scène du film et son sujet.
« Man of steel » de Zack Snyder, avec
Henry Cavill, Michael Shannon, Amy Adams,…
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