Si un film
de Kubrick devait faire l’objet d’un documentaire sur ses interprétations, on
aurait d’abord pensé à son chef-d’œuvre « 2001 : l’odyssée de l’espace »
(1968). Et pourtant, c’est à « Shining » (1980) que Rodney Ascher
consacre un étonnant documentaire, « Room 237 », sélectionné à la
Quinzaine des réalisateurs l’an dernier à Cannes – même s’il sera question, au
début du film, de la révolution cinématographique que provoque, pour un spectateur, la première
projection de « 2001 : l’odyssée de l’espace ».
Projection, fascination, obsession
« Room
237 » est un montage vidéo réalisé à partir d’extraits de films
majoritairement issus de la filmographie de Kubrick, et surtout de « Shining ». Ce montage met en lumière les explications
fournies en voix-off par cinq « experts » de « Shining ».
Jamais le film ne présentera explicitement le visage de l’un de ces experts : le sujet
du documentaire étant l’obsession suscitée par le visionnage de « Shining »
(et, plus généralement, celle suscitée par le cinéma), le film ne se séparera
jamais de son sujet. Rodney Aschder s’est même amusé à insérer des images de « Shining »
dans le cadre-même des extraits qu’il réutilise – on voit ainsi, au début du
film, Tom Cruise dans « Eyes wide shut » regarder des photos du film
d’horreur de Kubrick.
La
description de ce procédé ne rend que faiblement compte du pouvoir exercé par « Shining »
sur les cinq experts. Chez eux, la fascination dégagée par le mystère de « Shining »
s’est muée en obsession : que veut dire « Shining » ? Que
cache-t-il ? Ces cinq personnes présentent cinq théories, certaines
solides et plus ou moins connues, d’autres tellement inattendues que leurs présentations sont hilarantes. Mais ce qui provoque le rire n’est pas l’invraisemblance
des explications avancées : l’image est toujours là pour nous prouver que
les détails relevés par l’expert sont bel et bien là. Car toutes les théories s’appuient
sur des détails, parfois infimes, voire subliminaux – mais, encore une fois,
bel et bien présents.
« Room
237 » est donc hautement passionnant, non seulement pour la présentation
des différentes théories développées par ces « experts », mais aussi
pour les questions qu’il pose sur le cinéma et l’art en général. Quelle est la
part délibérée des détails relevés et analysés par les experts ? Ceux-ci
vont jusqu’au faux-raccords. Ces détails sont-ils volontaires de la part de
Kubrick ? Si des spectateurs ont pu les remarquer – parfois dès la
première projection – se peut-il qu’ils aient échappé au réalisateur ? Le
spectateur ne va-t-il pas injecter son propre sens dans une œuvre ?...
Des
questionnements vertigineux qui montrent à quel point la projection d'un film appartient à ses
spectateurs, qui sont capables, à leur tour, d’y projeter tout… et son contraire. « Room
237 » s’avère donc être un documentaire capital sur le cinéma, plus que sur
le seul film « Shining ».
On retiendra…
Des interprétations
incroyables qui dévoilent toute la fascination que peut exercer un film et une œuvre
d’art sur ses spectateurs. Des interprétations qui, farfelues ou non, ne font
que grandir le génie de Stanley Kubrick.
On oubliera…
Rien.
« Room 237 »
de Rodney Ascher, avec Bill Blakemore, Geoffrey Cocks, Juli Kearns, John Fell
Ryan et Jay Weidner,…
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire