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Il y a trois ans, Kathryn Bigelow triomphait aux
Oscars avec « Démineurs », face à James Cameron et son « Avatar »…
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C’est à partir de ce moment-là que j’ai perdu
tout intérêt pour la cérémonie des Oscars…
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Il est vrai que le palmarès des Oscars n’est que
rarement pertinent, mais il a une telle importance aux Etats-Unis que des films
y sortent spécialement dans les semaines précédant le vote des nominations.
- Inimaginable du point de vue français, puisque
aucune production nationale ne s’est jamais positionnée pour les Césars !
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Ces films sont censés représentés le meilleur du
cinéma américain. Dans la réalité, c’est beaucoup plus compliqué. Mais avec le
retour (au cinéma comme dans la course aux Oscars) de Kathryn Bigelow avec
« Zero dark thirty », on est franchement du côté du meilleur.
- Un titre beaucoup moins explicite que celui de
départ. Quelques mois après son triomphe aux Oscars, en 2010, Bigelow annonce
que son prochain film traiterait de la traque de Ben Laden. Son titre :
« Kill Ben Laden ». Mais un an plus tard, Ben Laden meurt lors de
l’opération « Neptune spear » ! Bigelow repousse alors le
tournage et le scénariste Mark Boal réécrit entièrement le scénario, doté
désormais d’un nouveau titre et d’une fin… définitive.
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Ce n’est pas nous qui vous avons révélé la fin
du film... « Zero dark thirty » a une ambition de vérité qui le
rapproche d’un documentaire sur la traque de Ben Laden. Or, comme dans
« Démineurs », Kathryn Bigelow veut nous faire partager le quotidien
et les émotions d’un personnage - ici une agente de la CIA à l’origine du
succès de la traque appelée Maya - mais en gardant l’objectivité et la
neutralité d’un documentaire. Deux objectifs antagonistes qui tour à tour
fragilisent le film (anesthésie émotionnelle de la première partie, psychologie
pas très fine de Maya – on ne sait rien d’elle) ou le renforcent (la formidable
dernière partie), et le rendent finalement encore plus passionnant.
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La neutralité surprend énormément dans les
scènes de torture de la première partie, où rien n’est caché – ni non plus
défendu ou justifié, comme le laissait entendre la polémique qui secoue la
sortie du film…
- « Zero dark thirty » se transforme en
chef-d’œuvre au moment de sa dernière partie. Lorsque l’opération « 0 dark
30 » est lancée, le film est saisissant de tension. Filmé de nuit avec une
superbe photographie, accompagné d’une musique inquiétante d’Alexandre Desplat,
cette dernière partie a des allures de film de science-fiction. Pour
cause : l’impressionnante technologie dont dispose les marines de
l’opération (tenues, hélicoptères). Et bien que l’on connaisse la fin, que la
faillite de l’opération apparaisse comme impensable par la démesure des moyens
déployés par l’armée, un terrible suspense parcourt cette séquence !
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C’est aussi là que la mise en scène de Bigelow
porte le plus à la réflexion... Les terroristes, vus sous la vision nocturne des
soldats, se cachent dans les couloirs de leur maison comme des spectres, et
l’équipement des soldats américains fait penser à des extra-terrestres
s’emparant d’une planète étrangère.
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On est donc bien loin du cinéma patriotique de Michael
Bay : cette traque n’a rien de glorieux ! Aucun drapeau américain ne
flottera. A la place, un magnifique plan final qui émeut par sa sobriété et le
vide émotionnel qu’il suggère.
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J’aimerais conclure sur la superbe BO du
prolifique Alexandre Desplat. Ses partitions sont presque tous les ans nommées
aux Oscars… sans qu’il ne gagne jamais. Et cette année, alors qu’il avait
produit, en plus de celle de « Zero dark thirty », la magnifique
bande son de « Moonrise kingdom », c’est la moins bonne que l’académie
des Oscars a nommée (celle d’ « Argo ») !
On retiendra…
La dernière partie. Et une
vision frontale des moyens employés par l’armée américaine pour obtenir des
renseignements, l’interprétation de Jessica Chastain.
On oubliera…
Une opposition entre l’identification
au personnage de Maya et la neutralité que réclame la visée documentaire, qui rend moins
passionnante la première partie que la seconde.
« Zero dark thirty » de Kathryn
Bigelow, avec Jessica Chastain, Jason Clarke,...
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