Après la
fin extrêmement abrupte de « La désolation de Smaug », l’ouverture in media res de ce dernier volet rappelle
cruellement au spectateur que « Le Hobbit » n’était pas l’adaptation d’une
trilogie littéraire, mais celle d’un unique (et peu volumineux) roman, étalée artificiellement
sur trois films. Maintenant que les trois volets ont été vus, leur découpage apparait
de ce fait comme totalement arbitraire. On a le sentiment que le combat final
(très impressionnant) avec le dragon Smaug a été déplacé en séquence d’introduction
de « La bataille des cinq armées » pour équilibrer sa durée par
rapport aux deux films précédents – et même ainsi, il s’agit du plus court des
trois. Il est donc inutile de juger ce qui est présenté comme « l’ultime
voyage en Terre du Milieu » indépendamment des autres. Tout ce qui a été
dit à propos des deux volets précédents s’applique bien évidemment à « Le
Hobbit : la bataille des cinq armées » : on se référera donc au
besoin à la critique d’ « Un voyage inattendu » et à celle de « La désolation de Smaug ».
Place au spectacle de la guerre
La bataille du titre constitue l’essentiel de l’action
de ce dernier chapitre cinématographique. En tant que conclusion, voire « climax »
de la trilogie, les différents fils de l’intrigue sont rassemblés pour être
achevés. S’ensuit une unité de lieu, de temps et d’action, qui introduit une
petite rupture avec les long-métrages précédents. En restant dans des lieux pour
la plupart déjà connus, le film perd sa part de charme qui tenait au voyage. Sans
agrandissement du cadre de l’intrigue, le vertige de l’infini fictionnel représenté
par l’exploration de la Terre du Milieu – dans lequel aimait à se perdre les
scénarios peu pressés des volets précédents – n’a plus cours ici. Le voyage est
vraiment terminé… pour être remplacé par la guerre.
Forcément, c’est spectaculaire. Les batailles rangées
sont pleines de souffle et réservent de grands moments épiques. Les duels finaux
dans le décor glacé d’une forteresse abandonnée sont trépidants et pleins d’idées.
A l’image des acrobaties de l’elfe Legolas, ébouriffantes. Le spectacle est
magnifié par la 3D HFR, qui apporte un confort de projection et une lisibilité
sans pareils. On suit donc avec un réel plaisir ces scènes d’action et ces scènes
de bravoure, d’autant plus que ce final guerrier était attendu puisque annoncé
dès le premier volet, il y a deux ans. Jackson est indéniablement doué pour
porter à l’écran ces immenses scènes de combat. Il réussit à faire tenir cette
grande bataille sur une heure de film !
Le film
séduit aussi pour ces scènes de pure comédie, presque toutes dues au très drôle
personnage d’Alfrid (Ryan Gage) : en le chargeant de la majeure partie du
comique de ce dernier volet, la balance entre épique et comédie atteint enfin
un bon équilibre (ce qui n’était pas toujours le cas précédemment).
Efficace… mais comme d’habitude
Si le
réalisateur du « Seigneur des anneaux » est toujours aussi fort dans ce
registre épique, il est à regretter que sa mise en scène n’ait pas évolué entre
les deux trilogies adaptées de Tolkien. « Savoir-faire » est
peut-être le mot qui décrit le mieux la réalisation de Peter Jackson sur cette
trilogie du « Hobbit ». Celle-ci est en effet presque identique,
jusque dans ses effets, à celle du « Seigneur des anneaux », mis à
part une exception de taille : la 3D HFR, dont on se demande pourquoi, en
trois ans, aucun autre réalisateur ne l’a adopté tant son intérêt saute littéralement
aux yeux. Si on constate l’efficacité des procédés, si on comprend qu’ils sont repris
tels quels dans les deux trilogies pour renforcer les liens entre celles-ci, on
peut être déçu de les connaitre déjà. Comme si le réalisateur avait déjà
développé tous ses effets de mise en scène dans « Le seigneur des anneaux »,
et se limitait à les réutiliser pour « Le Hobbit ». Etonnant de voir ainsi
Jackson traiter la folie cupide de Thorin comme celle de Gollum… ce qui fait
penser à un épuisement d’inspiration pour représenter l’avarice au cinéma !
Autre faiblesse :
le temps d’une scène, le piège du raccord à tout prix entre « Le Hobbit »
et « Le seigneur des anneaux » fait même basculer le film dans la
série Z, au moment de la libération de Gandalf des griffes de Sauron. Cette
scène sert à faire le lien entre « Le Seigneur des anneaux » et la
présente trilogie du « Hobbit ». Mais Peter Jackson s’y montre extrêmement
lourd : à l’accumulation gratuite de caméos qui rend déjà la scène
complètement artificielle, s’ajoute une surcharge d’effets visuels faisant basculer
ces quelques minutes en une sorte de parodie de la mise en scène du
réalisateur.
Un comique involontaire
Impossible
de ne pas évoquer un échec de la trilogie « Le Hobbit » : l’introduction
dans l’intrigue par les scénaristes des films d’un personnage féminin (l’elfe
Tauriel), absent du roman. Féminiser l’histoire du « Hobbit » n’était
peut-être pas une mauvaise idée – la trilogie aurait sûrement été attaquée si
elle n’avait pas développé en 8 heures de film un personnage féminin. Mais cela
n’excuse en rien le ridicule de l’histoire d’amour dont les péripéties s’étalent
sur les deux derniers volets. Ridicule dont Peter Jackson semble être
conscient, puisqu’il la traitait à certains moments sous l’angle de la comédie
dans « La désolation de Smaug », instillant un doute dans l’esprit du
spectateur… qui sera levé à la toute fin de « La bataille des cinq armées »
par une réplique du roi des elfes Thranduil. A ce moment, comme pour « La désolation de Smaug », on ne peut que constater l’immense abîme qui sépare
James Cameron de Peter Jackson…
Faire vivre le souvenir
Au final, force
est de constater que la trilogie du « Hobbit » n’a pas du tout la
même force que celle du « Seigneur des anneaux », même en prenant en compte
la teneur plus comique de l’histoire du « Hobbit ». Mais le souvenir du « Seigneur
des anneaux » est si fort, l’attachement à la Terre du Milieu si grand, que
pour le simple plaisir de revenir dans cet univers au cinéma on pardonne très
vite à Peter Jackson d’avoir moins bien réussi cette trilogie du « Hobbit »...
qui se conclut par un (énorme) pincement au cœur à la pensée qu’il n’y aura
peut-être plus d’autres films pour réactiver ce souvenir et le faire perdurer.
On retiendra…
Pour ses longues batailles et
ses combats épiques, ce dernier volet est le plus spectaculaire de la trilogie « Le
Hobbit »…
On oubliera…
… qui restera en-dessous du « Seigneur
des anneaux », à cause d’un recyclage trop évident de la mise en scène développée
pour la première trilogie adaptée de Tolkien.
« Le Hobbit : la
bataille des cinq armées » de Peter Jackson, avec Martin Freeman, Richard
Armitage, Luke Evans,…
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