mercredi 30 mai 2012

Presqu'une préquelle (Prometheus)




-          Tu n’aurais pas du Smecta ? J’ai un mal de ventre terrible depuis ce matin…
-          Je vais t’en donner un, car j’ai vraiment besoin de ton aide pour le dernier article avant les vacances d’été… Mais je vais supprimer le nom du médicament de la critique, sinon on va croire que nous nous mettons au placement de produit.
-          Ah ! Ça va un peu mieux…
-          C’est l’attente qui t’a rendu malade ?
-          Ne m’en parle pas. Après Cannes, voilà l’ultime récompense de cette fin d’année : le « retour à la science-fiction » de Ridley Scott, trente ans après « Blade runner » et « Alien, le huitième passager ». Ces deux films avaient révolutionné le cinéma de science-fiction et donné à Ridley Scott un statut de démiurge hollywoodien qu’il a lentement perdu par la suite, si l’on excepte « Gladiator » en 2000. Mais peu après le triomphe d’ « Avatar » de son grand rival James Cameron, Ridley Scott avait déclaré son ambition de faire encore mieux avec « Prometheus ». Un film annoncé - avant que le réalisateur ne le démente - comme une préquelle à la saga « Alien ». Dernièrement, la bande annonce spectaculaire faisait craindre que le film ne soit qu’un remake du premier opus de la saga… Une confusion qui ne faisait que renforcer l’attente.
-          Maintenant que nous avons vu le film, un constat s’impose : « Prometheus » n’est pas du tout le film que nous attendions.
-          Ce qui est mille fois préférable ! Ridley Scott va en décontenancer plus d’un, en signant ce film très dérangeant. Un adjectif que l’on ne peut appliquer que trop rarement à un blockbuster, et qui fait donc tout le prix de cette œuvre.
-          L’énigmatique prologue du film m’a beaucoup rassuré : « Prometheus » n’est pas un remake. Mais oui, c’est bien une préquelle.
-          Un immense antépisode. Il ne fait aucun doute que « Prometheus » est le film le plus spectaculaire sorti au cinéma depuis « Inception » en 2010. Ce qui frappe d’emblée est la splendeur visuelle, qui se déploie naturellement en 3D. La photographie est incroyable. H.R. Giger a de nouveau été appelé à la direction artistique, lui qui avait dessiné les décors et la créature d’ « Alien ». Les créations biomécaniques de l’artiste avaient fini par disparaître dans les suites, mais « Prometheus » les ressuscite pour notre plus grand malaise… Peut-être prendrez-vous conscience des allusions qui rendent si particulier l’univers d’« Alien ».
-          Il n’y a pas que la direction artistique qui rappelle « Alien ». Le scénario aussi…
-          Faux ! Ridley Scott fait heureusement preuve d’intelligence ! Dès que le spectateur croit reconnaître l’intrigue d’ « Alien », le réalisateur brise aussitôt cette impression en faisant bifurquer le film dans une direction inattendue. Ce jeu entre le surgissement d’échos à l’œuvre originelle et leur rupture immédiate ne peut évidemment s’apprécier que si l’on connait le premier opus de la saga, dont le visionnage, même s’il n’est pas obligatoire, est fortement conseillé.
-          Mais « Prometheus » a aussi d’autres références ! Celles-ci s’étalent des mythes grecs à « 2001 : l’odyssée de l’espace » (le personnage joué par Guy Pearce) et jusqu’à… « Lawrence d’Arabie ».
-          Revenons à ce qui fait de « Prometheus » un blockbuster dérangeant. Ridley Scott a fait des véritables choix de mise en scène qui ne plairont peut-être pas à tout le monde. S’il est bien moins effrayant qu’ « Alien », il se distingue par sa terrible froideur. Même s’il reprend comme personnage principal une femme, la mise en scène est ici très distanciée. Le spectateur n’est plus invité à plonger dans le tourbillon des émotions qui assaille le personnage principal. Ce qui perturbe, trouble, déstabilise, c’est l’impassibilité de la mise en scène, présente du début à la fin, et jusque dans les moments les plus spectaculaires…
-          Le film n’a pas fini de vous surprendre. Notamment par sa fin…
-          Il est temps de s’arrêter. Aïe ! Je n’en peux plus de ces maux de ventre…
-          Mais… Regarde ton ventre ! Tu es enceinte ou quoi ?

On retiendra…
La beauté sombre et inouïe des images. La froideur de la mise en scène. Le casting incroyable. La 3D.

On oubliera…
Pourquoi vouloir tout expliquer dans une histoire ? Si « Alien, le huitième passager » est aussi terrifiant, c’est en partie grâce au mystère qui entoure la planète et sa créature. Donner une explication à cette énigme n’est donc absolument pas pertinent, et c’est en ce sens qu’il vaut mieux ne pas considérer « Prometheus » comme une préquelle à « Alien, le huitième passager ».

A noter :
Depuis qu’il a découvert la 3D, Ridley Scott a déclaré qu’il ne réaliserait plus jamais de film sans elle.

« Prometheus » de Ridley Scott, avec Michael Fassbender, Noomi Rapace, Charlize Theron,…

En différé de Cannes, la suite (Sur la route et Cosmopolis)



-          J’enrage ! Les lecteurs de cette semaine le savent, mais nous non ! Aurons-nous pu le voir ? Aura-t-il été critiqué dans cet article ou celui de la semaine dernière ? Raah !
-          Du calme ! Tu n’as pas besoin de te mettre dans un état pareil… Au moins pour « Sur la route ». Ce serait une gigantesque surprise si ce film remportait la récompense suprême.
-          Ah ! Hélas… Le film était si attendu que la sélection officielle du festival de Cannes ne pouvait pas ne pas l’accueillir. Des films en compétition c’était donc aussi le plus redouté : s’y trouvait-il pour sa qualité… ou pour contenter une attente disproportionnée ? ça va être douloureux, mais il faut dire la vérité, qui est du côté de la deuxième option.
-          Tant d’attente pour ça ! L’adaptation du roman de Jack Kerouac au cinéma, on en entendait parler depuis des dizaines d’années. De nombreux projets se sont succédés au bureau de Francis Ford Coppola, qui, depuis qu’il avait acheté les droits du roman en 1978, cherchait à en faire un film. Le livre lui tenait tellement à cœur qu’il renonça à l’adapter lui-même, puis à l’adapter tout court jusqu’à ce qu’il découvre « Carnets de voyage » du brésilien Walter Salles, un road-movie racontant la jeunesse d’Ernesto « Che » Guevara. L’idée lui a paru bonne : confier au réalisateur qui s’est imposé comme un maître du genre l’adaptation du livre à l’origine de tous les road-movie…
-       Pauvre Coppola. Si le cinéma était mathématique, son équation aurait abouti à un résultat extraordinaire. Mais le cinéma est un art. Et le « Sur la route » de Walter Salles en une piètre œuvre.
-          Pauvres lecteurs de Kerouac, oui. On ne peut pas vraiment dire que « Sur la route » soit un mauvais film. Le scénario ne trahit absolument pas le roman, la reconstitution de l’Amérique de 1949 est très réussie, la musique excellente, la plupart des acteurs sont bons voire très bons et les nombreux second rôles savoureux. Alors peut-être que ceux qui n’ont jamais entendu parler de l’œuvre de Jack Kerouac apprécieront-ils le film...
-          Même pas ! Ils le trouvent interminable !
-          … mais pour les lecteurs et les spectateurs avertis, il y manque l’essentiel : le souffle, l’esprit, le mouvement du roman. « Sur la route » dans sa version originale est une ligne droite, une prose qui ne revient jamais à la ligne, sans un seul paragraphe. Un texte qui ne se lit pas mais se dévale, sans que l’on puisse s’arrêter, d’une formidable puissance, parcouru d’éclats magnifiques, de scènes inoubliables. Des phrases dont la beauté vous marque… Des phrases que Salles a littéralement et donc bêtement traduit en images. Sa mise en scène est trop simple.
-          Qui l’aurait cru ? Quand il s’agit de créer du mouvement, faire ressentir un déplacement, le cinéma se fait battre à plate couture par la littérature. Le livre est un voyage. Le film reste une séance de cinéma.
-          Tandis que le deuxième film de la semaine, « Cosmoplis », est bien plus qu’une séance de cinéma, une incroyable réflexion d’une profondeur inattendue et difficilement appréciable. Là aussi, on pourrait qualifier ce film de road-movie.
-          Mais dans les bouchons !...
-          En compétition lui aussi, et où l’on retrouve Robert Pattinson, qu’on avait quitté dans la saga Twilight. Alors, qui de Kristen Stewart ou de lui aura le mieux rebondi à Cannes ?
-          Sans aucun doute Robert, qui présente dans ce nouveau film de David Cronenberg, un riche trader du futur qui, hum… discute avec son entourage. Dans sa limousine. Bloqué dans un embouteillage monstre. Dans un futur proche.
-          Oui, ce film est un des ovnis de cette année ; il se rapproche beaucoup du théâtre, avec une succession de dialogues s’une incroyable complexité et profondeur, autour de notre société et du rapport à l’argent.
-          Enfin, c’est ce que tu crois avoir compris ! Car il faut être particulièrement attentif et concentré pour réussir à suivre les développements philosophiques que s’échangent les personnages. Autant dire que nous n’avons pas tout suivi, loin de là.
-          Mais l’originalité de la forme, la performance des acteurs, et surtout la magnifique photo, la mise en lumière, qui fait paraître l’image à un point de netteté et de réalisme qu’elle ne l’est plus du tout, font de ce film peu courant une des bonnes surprises de ce festival.
-          Pour spectateurs avertis ! Mais le voyage vaut plus que largement le détour…

On retiendra…
Les performances des acteurs principaux et des seconds rôles, aussi réussis dans les deux films.

On oubliera…
Un manque cruel de souffle et de magie pour un road-movie et la complexité de Cosmoplis.

« Sur la route » de Walter Salles, avec Sam Riley, Garett Hedlund, Kristen Stewart,…
« Cosmopolis » de David Cronenberg, avec Robert Pattinson, Juliette Binoche, Sarah Gardon,…

lundi 21 mai 2012

En différé de Cannes (Moonrise kingdom et De rouille et d'os)



-          Enfin ! Depuis la sortie au cinéma en février du dernier film de la sélection officielle cannoise de 2011, l’extraordinaire « Hanezu » de Naomi Kawase, on s’ennuyait ferme dans ce premier semestre de l’année sans chefs-d’œuvre réellement mémorables… Heureusement, le festival de Cannes a commencé. Même si nous ne sommes pas en mesure d’assister aux projections là-bas…
-          Si seulement il existait un INSA à Cannes ! Pour que des rédacteurs de Contact y soient admis…
-          … les distributeurs ont été généreux cette année en sortant quatre films de la sélection officielle à une semaine d’intervalle. Place aux deux premiers : d’un côté le film d’ouverture, « Moonrise kingdom » de l’américain Wes Anderson, et de l’autre le nouveau film de Jacques Audiard, « De rouille et d’os », sorti le lendemain.
-          Dans « Moonrise Kingdom », Wes Anderson déploie son imaginaire sur une île américaine fictive dans les années 60. Deux enfants décident de fuguer ensemble, l’un d’un camp de scouts, l’autre d’une famille autoritaire. Ils sont poursuivis à travers l’île par des adultes se révélant pas plus matures qu’eux, ce qui conduit à nombre de situations hautes en couleur et particulièrement drôles. Wes Anderson est un réalisateur atypique à l’univers très particulier, poétique et fou, immédiatement identifiable. Plus présente que jamais et parfaitement maîtrisée, sa mise en scène géométrique (sa spécialité est le travelling latéral) obsédée par l’ordre, méticuleusement ordonnée… est pourtant extrêmement poétique ! C’est le paradoxe du travail de Wes Anderson, qui rend son œuvre si singulière. Les couleurs chamarrées, les plans inventifs et souvent cocasses, l’esthétique propre au réalisateur, font de ce film un nouveau chef-d’œuvre, drôle, nostalgique et ludique, dans la filmographie d’Anderson. Trois après le film d’animation « Fantastic Mr Fox », qui était lui aussi… fantastique.
-          A cette altitude, il est difficile de départager les deux films. Et pourtant, celui de Jacques Audiard m’a encore plus enthousiasmé. Considéré comme l’un des plus grands réalisateurs français contemporains, Audiard prouve une fois de plus qu’il n’a pas usurpé sa réputation avec « De rouille et d’os ». Le film est porté par un casting franco-belge impressionnant, où l’acteur Matthias Schoenaerts réussit à faire de l’ombre à Marion Cotillard. Révélé au début de l’année avec « Bullhead », sorte de « La Belle et la Bête » bouchère, Schoenaerts crève de nouveau l’écran en jouant un homme brutal, qui ne pense qu’à se dépenser et ne connait pas de sentiments… Ce personnage ne cesse de surprendre, son comportement étant si peu prévisible. Ses réactions sont ou choquantes ou comiques. Le film brasse une multitude de situations et de personnages secondaires, mais garde pour sujet central la relation se nouant entre Cotillard et Schoenaerts, émouvante, drôle et passionnante. Après avoir raté de peu la Palme d’or en 2009 avec « Un prophète », Audiard espère bien l’obtenir cette année. Rien n’est moins sûr cependant : on sent qu’Audiard peut encore faire mieux. De même pour Anderson, son film étant trop refermé sur lui-même et l’imaginaire de son réalisateur…
-          Mais nous ne sommés pas jurés à Cannes… Ces deux œuvres font partie de celles  qu’il ne faut pas seulement recommander mais commander d’aller voir ! Et avant la fin du Festival de Cannes si possible, pour paraître plus « in »… C’est toujours intéressant de pouvoir parler des films en sélection officielle lors des dîners mondains.

On retiendra…
Les mises en scène éblouissantes d’Audiard et Anderson, l’interprétation de Matthias Schoenaerts et la musique d’Alexandre Desplat.

On oubliera…
Heu… Alors voyons… Il pleuvait pour aller au cinéma ? Ah non, même pas…

« Moonrise kingdom » de Wes Anderson, avec Bruce Willis, Edward Norton, Bill Murray,…
« De rouille et d’os » de Jacques Audiard, avec Matthias Schoenaerts, Marion Cotillard,…

lundi 14 mai 2012

La petite maison au fond de la prairie (La cabane dans les bois)



-          Non ! Pense aux chefs-d’œuvre qu’il a réalisés auparavant ! N’oublie pas « Edward aux mains d’argent », « Sleepy hollow », « Mars attacks ! » !
-          D’accord, d’accord, par respect pour Tim Burton, consacrons cet article à un autre film que son dernier long-métrage, « Dark shadows », encore une fois tout pourri. Au prochain faux pas, par contre, on ne le ratera pas… Rien n’est plus décevant que de voir un grand réalisateur se fourvoyer dans un mauvais film.
-          Mais rien n’est plus réjouissant que d’être surpris de bout en bout par un film réalisé par un inconnu, qu’on n’avait au départ même pas envie de voir ! C’est une véritable pépite qui est sortie au cinéma la semaine dernière : « La cabane dans les bois ».
-          Le titre en lui-même est déjà une excellente idée ! Ce film est une formidable surprise. La nouveauté est devenue rare au cinéma, surtout dans les films horrifiques, qui tiennent rarement leurs promesses. Or « La cabane dans les bois » est encore un film d’horreur qui à priori ne tient pas ses promesses… sauf que ça n’a en fait aucune importance face à ce que cache le scénario.
-          La rédaction de cette critique va être un exercice difficile : le scénario comporte une idée géniale… qui ne pourra vous surprendre que si on vous la tait. On se limitera à dire que Lovecraft est une des sources d’inspiration des scénaristes…
-          « La cabane dans les bois » est un film qui s’améliore de minute en minute. Si on excepte l’introduction, la première partie du film est très mauvaise.
-          Mais c’est un piège ! Et vous ne serez jamais au bout de vos surprises. Le scénario, très habilement écrit, en réservera jusqu’à la fin, et d’importance croissante. Et dire que ce film a été co-écrit par Joss Whedon, l’auteur de « Avengers », sur le dos duquel on cassait des briques la semaine dernière ! Ce film excuse tout, et rapproche même Whedon de J. J. Abrams pour leur capacité à recycler les influences.
-          Comme quoi, rien n’est définitif.
-          Tu penses encore à Tim Burton !
-          Tu as raison, passons à autre chose. Si vous ne croyez pas en les films d’horreur, ayez confiance, celui-ci vous réconciliera à coup sûr avec ce genre.

On retiendra…
Le scénario qui contient une idée géniale, qui n’arrêtera pas de vous étonner.

On oubliera…
Les retournements de situations se font au prix de quelques incohérences et ne justifient pas entièrement la faiblesse de la première partie du film…

A noter :
Tourné début 2009, « La cabane dans les bois » ne sort que cette année car entre temps la MGM productrice du film a fait faillite, bloquant sa sortie. Il a même été question un temps d’une conversion 3D !

« La cabane dans les bois » de Drew Goddard, avec Kristen Connolly, Chris Hemsworth,…

lundi 7 mai 2012

Chapeau melon et bottes de cuir (Avengers)



-          La saison des blockbusters est lancée au cinéma. Jusqu’à la fin de l’été, les hyperproductions américaines vont se succéder, avec succès ou non. On espère en tout cas voir des films plus originaux que les habituelles suites qui inondent les salles de cinéma.
-          Ce qu’on espère, c’est surtout voir autre chose que des super-héros ! La sortie de « Avengers » au cinéma nous amène à pousser un coup de gueule contre ces œuvres qui ne sont plus des films mais des franchises. La popularité des films estampillés « Marvel » comme un gage de qualité me désespère.
-          Et pourtant, on ne lui a pas mis une si mauvaise note au film.
-          C’est que « Avengers » est quand même un grand spectacle… qui flashe vos rétines et se volatilise dans votre mémoire. Le programme est simple : des gentils contre des méchants, de la baston entrecoupée d’humour. Même si c’est bien fait, c’est si peu original que ça en devient lassant.
-          Le problème des super-héros, c’est qu’ils sont ridicules. Alors quand on les réunit tous dans un seul film… Qu’eux-mêmes s’en moquent à plusieurs reprises n’excuse rien : ils le sont quand même. La palme revient à Thor, version comic (et comique) du dieu nordique, au kitsch insurpassable. Les armures en plastique lui vont divinement bien.
-          Et encore, dans cette réunion des super-héros Marvel, il en manque un : Spider-man. Etant la propriété de Sony-Columbia, il n’a pas eu le droit de rejoindre ses collègues dans ce film produit par Disney. De toute façon, il n’y a pas que les super-héros qui sont ridicules. Pour les rassembler, les scénaristes d’« Avengers » ont dû procéder à un difficile croisement des franchises. Pour pouvoir lier les films précédents entre eux, il semble que les producteurs n’aient pas eu d’autres choix que de sacrifier le scénario. La trame est simple : des envahisseurs aliens veulent prendre le contrôle du monde, donc de New-York. Un mélange aussi réussi que l’invasion extra-terrestre du dernier album d’Astérix, « Le ciel lui tombe sur la tête ».
-          L’autre problème des super-héros, c’est qu’ils sont invincibles. Un défaut de conception qui tue tout suspense, toute émotion, et ôte toute crédibilité au film quand celui-ci s’échine à en créer…
-          Enfin, mets-toi à la place du producteur ! Te risquerais-tu à tuer une icône qui te rapporte chaque année des centaines de millions de dollars ?
-          … ce qui m’amène au dernier problème : les adversaires des super-héros sont aussi immortels qu’eux. Ainsi, « Avengers » n’a pas de fin. L’arrêt de ces chamailleries au cinéma n’a toujours pas d’horizon.
-          Pourtant, ces problèmes ne sont pas indépassables. Tim Burton et Christopher Nolan avec leurs « Batman », Zack Snyder avec « Watchmen » l’ont prouvé.

On retiendra…
De la baston et des blagues.

On oubliera…
Ridicule, superficiel, un film qu’on a déjà-vu et qu’il est sûr qu’on reverra encore. La 3D, qui pourrait être de meilleure qualité.

« Avengers » de Joss Whedon, avec Robert Downey Jr, Chris Evans, Scarlett Johansson,…

lundi 23 avril 2012

"Je suis le roi du monde" (Titanic)



-          C’était quoi, déjà, le nombre d’entrées du plus grand succès de tous les temps en France ?
-          20,7 millions de spectateurs pour « Titanic » en 1998. Mais en 2012, on est pour le moment à 21,5 millions en cumulant le score de la ressortie 3D. J’imagine que par cette question tout sauf innocente, tu voulais fustiger l’absence de scrupules de James Cameron, qui n’hésite pas à récupérer commercialement le centenaire du naufrage du Titanic pour récolter encore des millions de dollars sur le dos des spectateurs ?
-          J’aurais pu écrire ça dans l’article de Contact si « Titanic » en 3D avait le même rendu que le premier épisode de « Star wars ». Mais James Cameron n’est pas Georges Lucas, et ces deux ressorties 3D prouvent que si la conversion relief ne rend pas plus supportable un mauvais film,  elle ne peut au contraire que magnifier un chef-d’œuvre – lorsqu’il s’y prête.
-          Euh… Ce n’est pas un peu trop risqué ? Ne vaudrait-il pas mieux retourner à notre idée de départ, la critique de « Twixt » de Coppola ? Je ne sais pas trop pourquoi, mais dans certains milieux, la phrase ‘’ J’adore « Titanic » ’’ est capable de briser une réputation de cinéphile.
-          J’adore « Titanic ». Aucune expérience cinématographique n’est comparable à la projection de ce film, si ce n’est « Avatar »…
-          Il y en a encore qui vont ricaner.
-          … et ce ne sont pas des millions que James Cameron gagne, mais des milliards : il est le seul réalisateur (et de loin) à avoir franchi, par deux fois maintenant, la barre des deux milliards de dollars de recettes. Le seul à être en mesure, pour le moment, de livrer des films aussi intensément émouvants.
-          Bon… J’avoue que moi aussi j’adore « Titanic ». Comment résister ? Et de toute manière : pourquoi résister ? A ceux qui n’ont pas été convaincu, je ne pourrai que dire : dommage pour vous. Oui, le scénario use de clichés, peut sembler trop simple, surtout lorsqu’il oppose les passagers de classe différente. Mais James Cameron possède le talent qui fait qu’on a l’impression de voir ça pour la première fois au cinéma.
-          Il en a le talent, et les moyens : jusqu’à « Avatar », « Titanic » était le film le plus coûteux de l’histoire. Quinze ans après sa sortie au cinéma, on ne peut que constater qu’il représentera à jamais la démesure du blockbuster juste avant son basculement dans l’ère numérique. Aujourd’hui, les producteurs ne se risqueraient plus à mettre autant d’argent en jeu pour reconstruire une moitié de « Titanic ». Pas avec les effets spéciaux d’aujourd’hui.
-          Les plans larges numériques du paquebot sont d’ailleurs les seuls à avoir pris un petit coup de vieux. Mais ils se comptent sur les doigts d’une main. Ce qui surprend surtout, avec cette ressortie 3D, au-delà de la jeunesse de Kate Winslet et Leonardo DiCaprio, c’est justement la qualité de la conversion 3D.
-           Soyons objectifs : on n’avait pas vu une telle 3D au cinéma depuis « Avatar ».
-          Il faut le voir pour le croire : tout est tellement évident qu’on a l’impression qu’en tournant son film à la fin des années 90, James Cameron pensait déjà à une mise en scène en relief.

On retiendra…
L’émotion procurée par le film. Son gigantisme désormais légendaire. Ultime atout de la 3D : caché derrière vos lunettes, vous n’aurez plus besoin de vous retenir de pleurer.

On oubliera…
Difficile de trouver des défauts devant un film auquel l’adjectif « efficace » ressemble à un euphémisme.

« Titanic » de James Cameron, avec Kate Winslet, Leonardo DiCaprio,…

samedi 7 avril 2012

N'en gardez que la moitié (Hunger games)

Avec 30 millions d’exemplaires vendus à travers le monde (mais seulement 300 000 en France), la trilogie « Hunger games » écrite par Suzanne Collins allait forcément débarquer au cinéma. Présenté comme le successeur des sagas « Harry Potter » et « Twilight », parce qu’adaptation de romans jeunesse à succès, « Hunger games » n’a en fait que peu de rapport avec ces films-ci. Réalisé par Gary Ross, dont le dernier film en tant que réalisateur, « Pur sang, la légende de Seabiscuit » remontait à 2003, « Hunger games » s’annonçait comme un banal blockbuster de plus, où la motivation artistique allait une fois de plus être écrasée par les énormes attentes commerciales à l’origine du projet. Un exercice d’équilibriste supplémentaire mené de manière à satisfaire les fans et intéresser le public néophyte, où la singularité artistique d’un réalisateur n’est pas la bienvenue. Suite à la projection, toutes ces craintes se sont confirmées, et le film a pulvérisé le box-office nord-américain à un niveau dépassant toutes prévisions (tout du moins d’un point de vue européen où le film rencontre un succès bien moindre). Cependant, « Hunger games » se distingue par quelques surprises qui le rendent bien plus intéressant qu’espéré.



Dualité
Le film est clairement divisé en deux parties, la première s’achevant au moment de l’entrée dans l’arène des vingt-quatre « tributs ». La continuité de l’histoire et du montage réfute une telle séparation du film en deux, mais – et c’est ce qui fait toute la singularité du long-métrage – la frontière est toutefois bien nette au niveau de la qualité. Au point que l’on pourrait presque dire qu’une moitié du film relève du nanar, jusqu’à ce que de façon totalement inattendue la plupart des défauts qui alourdissaient la mise en scène trouvent leur justification et autorisent, enfin, le spectateur à être emporté par l’histoire.

Où est passé le bon goût à Hollywood ?
          Le premier de ces défauts est une laideur visuelle. Le kitsch conquiert de plus en plus de blockbusters depuis l’avènement des films de super-héros. A ce niveau, « Thor » de Kenneth Branagh reste pour le moment la référence a priori indépassable, mais la direction artistique de « Hunger games » est parfois tout aussi mauvaise. Celle-ci visait indubitablement à se moquer de la préciosité des riches habitants du Capitole par rapport aux pauvres des districts. Mais verser à un tel point dans le ridicule, loin d’être audacieux, relève du suicide artistique. La scène la plus emblématique intervient lors du défilé des chars. Les deux héros, nous avait-on prévenus quelques minutes auparavant, n’allaient pas être costumés de manière aussi grotesque que leurs concurrents. Sauf que c’est exactement l’inverse qui se produit.
La description des districts ne s’avère pas vraiment plus réussie et reste très stéréotypée. De plus, elle n’est absolument pas crédible : les habitants sont censés y mourir de faim, mais aucun signe physique de privations ne se lit sur leurs visages. Trop dur pour le jeune public ? Aux Etats-Unis, le film devait à tout prix éviter une classification plus restrictive que PG-13.

Les deux faces d’une même pièce
L’autre défaut majeur de cette première partie est sa mise en scène. La caméra ne fait que de bouger, de manière complètement inutile, même lorsque une grande fixité aurait été de mise, comme au moment du tirage au sort. Ce montage rapide et ces remuements du champ agacent déjà, mais il faut aussi compter sur des effets de soulignements qui brisent complètement l’efficacité de certaines scènes. Par des mouvements insistants de la caméra vers une pomme au moment de l’évaluation de Katniss, le spectateur devine avec plusieurs minutes d’avance la conclusion de la scène.
          Heureusement, tout se renverse lors de l’entrée dans l’arène. C’est peut-être la meilleure scène du film : la compétition vient d’être lancée, les adolescents se ruent vers des sacs de provisions et s’entretuent. Le montage rapide et les mouvements dynamiques du champ prennent alors tout leur sens et se révèlent extraordinairement efficaces pour retranscrire la panique qui s’empare des concurrents – et éviter une représentation trop frontale de la violence. Le film est lancé. Le spectateur peut enfin se plonger dans l’histoire et arrêter de buter devant les images qui lui sont proposées. Même la musique, signée James Newton Howard, semble s’améliorer dans cette deuxième partie !

L’abyme pour éviter l’abîme
        Le film doit beaucoup à Jennifer Lawrence, la révélation de l’excellent « Winter’s bone ». Elle reprend d’ailleurs dans « Hunger games » le même rôle d’adolescente aux responsabilités d’adulte. Lawrence est une vraie actrice, et crève l’écran par rapport aux autres acteurs du film, trop lisses.
        L’histoire d’ « Hunger games » est un étrange assemblage dont les fondations sont à chercher du côté mythe du minotaure et de…  la télé-réalité. Le film aurait peut-être dû mieux exploiter l’aspect « spectacle télévisuel » de l’histoire dans sa deuxième partie. Les interventions dans le jeu du producteur de l’émission, qui manipule la réalité des tributs pour maximiser l’audience, auraient pu faire écho à l’artificialité des fictions audiovisuelles. Afin de contenter une partie de l’audience, en cours de partie les règles du jeu sont changées, autorisant désormais la victoire de deux tributs à condition qu’ils appartiennent au même district. Le film n’échappe alors pas à une histoire d’amour entre les deux héros du film, mais une histoire d’amour qui aurait pu être ambiguë, c’est-à-dire complètement artificielle : les deux héros savent très bien que leur survie dépend de leur popularité, donc de cette relation « commandée ». Une sorte de mise en abyme du film lui-même, car cette histoire d’amour est attendue par les spectateurs du film et doit être rendue crédible par les deux acteurs, Jennifer Lawrence et Josh Hutcherson. Certes, la fin du film laisse à penser que cette ambiguïté n’existait que dans l’esprit du spectateur attentif et pas dans celui des scénaristes, mais le sous-texte existe indéniablement. Qu’un blockbuster se prête à l’interprétation n’est pas courant, et cela confirme donc la relative singularité de « Hunger games ».
               

Réalisateur de seconde équipe
       Pour finir, le film a aussi comme particularité d’avoir comme réalisateur de seconde équipe une personnalité a priori bien plus expérimentée et talentueuse que le réalisateur du film : à savoir, l’hyperactif Steven Soderbergh. Une telle situation nous permet d’en savoir un peu plus sur le rôle de ce second réalisateur, censé tourner les scènes du script où n’interviennent pas les acteurs principaux. Comme ailleurs, il est impossible de savoir quelles scènes ont été dirigées par Gary Ross et quelles autres par Steven Soderbergh : « Hunger games » ne ressemble jamais à un film de Soderbergh (malgré l’éclectisme de ce dernier). Justement : de cette impossible distinction, on en déduit que le réalisateur de seconde équipe doit calquer sa mise en scène sur celle décidée par le réalisateur, calquer au point de se faire oublier. Pourtant, vu l’expérience de Soderbergh par rapport à Ross, le premier a forcément dû influer sur la réalisation du second. Lequel des deux a décidé de filmer en secouant tout le temps la caméra ? Que ce soit ou non justifié, dans l'entreprise collective qu'est la création d'un film, c'est toujours le réalisateur qui est désigné responsable...

On retiendra…
La deuxième partie, l’interprétation de Jennifer Lawrence, plusieurs scènes d’action spectaculaires, un mélange étonnant entre le mythe du minotaure et la télé-réalité.

On oubliera…
Une direction artistique désastreuse dans la première partie, des acteurs pas toujours bons, une caméra gigotante.

« Hunger games » de Gary Ross, avec Jennifer Lawrence, Josh Hutcherson,…