Les titres
français des films anglophones laissent souvent perplexes. Est-ce la
popularisation du verbe « follow » par Twitter qui a encouragé le
distributeur d’ « It follows » à garder ce titre sonnant plutôt
mal ? Ou par manque d’imagination ? Il était difficile en effet de
trouver un autre titre que cette simple formule, qu’on pourrait traduire par « ça
me suit » : le film est l’histoire d’une adolescente américaine et de
ses amis poursuivi par une « chose ». Un être aux physiques multiples :
la chose se cache derrière l’allure de parfaits inconnus, mais aime aussi prendre
l’apparence de proches disparus de sa proie. Lente et rectiligne, on reconnait
la chose à sa démarche, car ce monstre est d’autant plus effrayant qu’il poursuit
sa victime, où qu’elle se trouve, en marchant, et en prenant son temps.
Jeu de piste
Cette idée de départ, née d’un cauchemar d’enfance du
réalisateur, a donné naissance à un film qui – c’est rare – n’usurpe pas son
qualificatif « d’horreur ». L’idée très visuelle de cette malédiction
incarnée, impossible à refouler, permet à David Robert Mitchell de déployer une
mise en scène très efficace, esthétique et intelligente. L’angoisse vécue par
les personnages, extrêmement forte à la découverte de la chose, puis sourde et lancinante
lorsqu’elle se transforme en torpeur fataliste, est communiquée au spectateur par
le jeu de piste permanent auquel le soumet le réalisateur. La chose peut en
effet se cacher dans n’importe quel plan. Le spectateur, tout comme les
personnages, reste donc perpétuellement à l’affut d’un signe du monstre. On
croit parfois le deviner au loin, sans en être certain… Chercher la chose, et
en même temps redouter son irruption, rester en tout cas sur ses gardes, et ne
jamais relâcher son attention : procurer ces états à ses spectateurs c’est
faire montre d’une grande habileté. Retors, David Cameron Mitchell nous fait même
parfois reconnaitre la chose avant les adolescents – et l’angoisse se mue alors
en terreur…
La paranoïa
créée par la mise en scène est déjà instillée dans l’esprit des spectateurs par
la superbe photographie de Mike Gioulakis, très crépusculaire : la
lumière-même semble receler une menace. La composition des plans est elle-aussi
à saluer pour sa beauté, avec ces mouvements de caméra lents et géométriques - traduisant
la peur et la fatalité.
Propice aux interprétations
« It follows » peut prétendre au titre de
petit chef-d’œuvre d’horreur car son scénario l’amène plus loin qu’une très
belle réussite formelle. En choisissant pour héros des adolescents américains,
le cinéaste fait de son film une métaphore très noire de la découverte de la
sexualité et de l’entrée dans le monde adulte. Avec son histoire cachée de
deuil placée dans les creux de la fiction, « It follows » superpose
les niveaux de lecture, donnant encore plus de mystère à ce long-métrage très
envoûtant.
On retiendra…
Une mise en scène qui manipule
ses spectateurs avec brio et intelligence. Un jeu de piste qui se retrouve
jusque dans les niveaux de lecture du film.
On oubliera…
Quelques scènes un peu
grotesques, où le réalisateur abuse un peu de ses effets.
« It follows » de David Robert
Mitchell, avec Maika Monroe, Keir Gilchrist,…
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