lundi 26 mars 2012

Dieu sauve la reine (Les adieux à la reine)


-          En 2006 sortait « Marie-Antoinette » de Sofia Coppola, évoquant la vie de l’épouse de Louis XVI. Marie-Antoinette est de retour au cinéma cette semaine avec « Les adieux à la reine » de Benoit Jacquot, qui a fait l’ouverture de la compétition au festival de Berlin cette année.
-       Même si tu cites en introduction le film de Coppola, cette œuvre-ci n’a pas grand-chose à voir avec… On se réjouira quand même d’entendre enfin au cinéma la reine de France et sa suite s’exprimer en français ! Contrairement à « Marie-Antoinette », le personnage principal n’est pas la plus célèbre des reines de France, mais sa lectrice Sidonie Laborde, et l’intrigue se déroule sur trois jours.
-          Trois journées seulement, mais pas les plus anodines : il s’agit bien évidemment du  14, 15 et 16 juillet 1789. Le film s’ouvre au matin du 14 juillet et alors que l’Histoire est en marche à Paris, la vie au palais de Versailles suit son cours…
-          Justement : parmi les éléments les plus impressionnants dépeints par le film se trouve l’absence totale de réaction des nobles habitants Versailles durant cette journée qui a changé la France. Le film ne cesse de briser les attentes du spectateur. Les nouvelles prenant du temps à arriver, dans ce microcosme complètement renfermé sur soi et dans lequel plonge le spectateur, que la panique n’envahira le film que plus tard.
-          C’est que pendant ces trois jours le film suit obstinément la lectrice de la reine, interprétée par Léa Seydoux, la jeune et omniprésente actrice française. Ainsi, malgré qu’il ait réussi à décrocher l’autorisation de tourner dans l’enceinte-même du palais de Versailles, Benoit Jacquot traite ce décor si particulier d’une manière tout à fait commune, celui-ci étant le cadre de vie ordinaire de Sidonie Laborde. Donc pas de plans aériens spectaculaires exaltant la beauté du palais, Benoit Jacquot reste concentré sur l’avancée de son film et ne fait pas l’erreur d’adopter un autre point de vue que celui du personnage de Léa Seydoux. De même, la photographie du film peut au départ décontenancer, car tout a été manifestement tourné au maximum en lumière naturelle, ce qui ôte le côté pictural de l’image très habituel dans les films en costumes. Le spectateur ne verra pas plus d’événements que ceux vécus par la lectrice, et le film évacue ainsi toute représentation du peuple en colère menant la Révolution.
-          Je sais que tu éviter de raconter l’histoire du film aux lecteurs, mais il est peut-être temps d’arrêter de parler de ce que le film ne montre pas, sinon on n’aura jamais terminé ! Vous l’avez compris, « Les adieux à la reine » n’est pas un film sur la Révolution française, ni sur la reine Marie-Antoinette. C’est d’abord la chronique du naufrage d’un pouvoir, tout autant que l’exposé d’une fascination entre deux personnes de classe sociale différente.
-          C’est ce qui fait toute la richesse de ce film : la multiplicité de ses interprétations. Cette fin d’un régime fait immédiatement penser à la fin des dictatures lors du Printemps arabe, ce qui fait résonner le film avec l’actualité. La relation entre la reine et sa lectrice peut aussi être interprétée comme celle entre une star et son adulatrice. Certains y ont même vu des allusions à Carla Bruni Sarkozy…
-          Est-ce n’importe quoi ? La seule manière de le savoir et de juger par soi-même !

On retiendra…
La mise en scène, le casting impressionnant, le décor du palais de Versailles.

On oubliera…
Malgré tout, la reconstitution semble moins impressionnante que dans d’autres films sur la même période, « Marie-Antoinette » de Coppola en tête…

« Les adieux à la reine » de Benoit Jacquot, avec Léa Seydoux, Diane Kruger, Virginie Ledoyen,…

lundi 19 mars 2012

Mégalopolis (Metropolis)


-          Un budget colossal, un an de tournage, six-cent vingt kilomètres de pellicule, d’immenses décors futuristes, des effets spéciaux incroyables, plus de trente-cinq mille figurants,…
-          Oh là ! De quel film parles-tu pour t’enivrer ainsi de ces chiffres ? Ne me dis pas qu’il s’agit encore d’ « Avatar » !
-          … et une restauration d’une telle difficulté qu’il a fallu attendre 83 ans pour être capable de remonter le film dans sa version originale : voilà tout ce qui contribue à faire de « Metropolis » l’un des films les plus connus de l’histoire du cinéma. Tu n’avais pas complètement tort : pour comprendre l’envergure de cette œuvre lors de sa sortie en 1927, on peut tenter cette comparaison : « Metropolis » est l’ « Avatar » du cinéma muet.
-          Sauf que « Metropolis » n’a pas du tout bénéficié lors de sa sortie du même engouement public que le film de James Cameron. Devant l’échec critique à sa première à Berlin, le distributeur s’empresse de charcuter une première fois le film, jugé trop long, pour le distribuer dans le monde entier. Mais un mois après sa sortie américaine en mars 1927, le film est de nouveau mutilé : toutes les scènes jugées à caractère communistes sont retirées. Déformé, l’histoire du film devient incompréhensible. Les coupes continueront jusqu’en 1936, où le film est redistribué sous une version de 1h31 – alors que sa version originale dure 2h33 ! Des restaurations se sont succédées à partir de 1984 jusqu’à la découverte en 2008 en Argentine d’une copie très abîmée de la version originale du film, qui a permis la ressortie en 2010 d’une version du film quasi complète.
-          Mais « Metropolis » n’est pas devenu légendaire qu’à cause de l’histoire de son exploitation. Si autant d’efforts ont été consacrés pour restaurer le film, c’est que celui est d’une formidable puissance visuelle. Le réalisateur Fritz Lang a su diriger des foules de figurants pour tourner des scènes parmi les plus impressionnantes du cinéma muet. La direction artistique rend le film inoubliable pour ses décors gigantesques inspirés par l’art déco qui n’ont fait que s’embellir avec le temps, ses costumes jugés futuristes pour l’époque et qui sont dotés maintenant d’un cachet très particulier et unique, sans oublier la figure de l’androïde Maria d’une stupéfiante beauté…
-     

On retiendra…
Une série de visions inoubliables, rendues encore plus impressionnantes par l’âge du film.

On oubliera…
Le scénario souffre d’une certaine naïveté, mais qui est complètement gommée par la puissance de ces images.

« Metropolis » de Fritz Lang, avec Brigitte Helm, Alfred Abel,…

lundi 12 mars 2012

L'an 0 après JC (John Carter)


-          Tu peux arrêter un instant de fixer les étoiles et m’écouter un peu ? D’ailleurs, qu’est-ce qui t’arrive ? Tu n’arrêtes pas de regarder le ciel depuis la projection de « John Carter ».
-          Excuse-moi. Il m’est difficile de me passionner pour ce film 3D aux enjeux financiers colossaux. Son budget en fait le « Avatar » du studio Disney*. Et pourtant, on ne constate aucun engouement public pour ce « planet opera » qui fait trembler Disney…
-          Que le public boude cette superproduction est parfaitement logique vu le niveau du film. « John Carter » n’est qu’un agréable divertissement qui s’effacera très vite des mémoires. Son défaut d’originalité en est sûrement la cause : tout semble avoir déjà été vu ailleurs dans ce film. Il évoque un mélange de « Star Wars », « Dune », « Avatar » et même de « Cowboys et envahisseurs », sans réussir à transcender ces références.
-          C’est là un des paradoxes du film : « John Carter » est l’adaptation du premier roman du « cycle de Mars » de Burroughs, publié en 1912, une œuvre fondatrice de la science-fiction qui a inspiré bien plus tard tout un pan de la SF. En un sens, on peut dire que les films que tu viens de citer n’auraient jamais existé sans la publication de ce roman. Sauf qu’au cinéma, la chronologie est inversée, et c’est « John Carter » qui semble s’inspirer de ces films !
-          Il a tout simplement un siècle de retard ! Mais le manque d’originalité de l’univers de « John Carter » n’aurait pas été rédhibitoire si le film était soutenu par un bon scénario et l’interprétation des acteurs. Or, ni l’un ni l’autre ne retiennent l’attention.
-          Surtout les acteurs ! Ils sont malheureusement pathétiques dans leurs efforts pour faire vivre cette épopée martienne. En conséquence, malgré le déchaînement d’effets spéciaux, l’histoire se suit sans aucune émotion. De plus, le film est visuellement aussi kitsch que le nom de l’acteur principal…
-          C’est trop facile ça, comme jeu de mots !
-          … quant à la musique, pourtant signée Giacchino, elle est si quelconque qu’elle se détache à peine des bruitages.
-          La mise en scène d’Andrew Stanton, réalisateur de films d’animation Pixar, est au niveau exigé par un tel blockbuster… mais ne suffira pas à sauver « John Carter » de l’oubli auquel il semble destiné. Quoi ? Encore ! Mais qu’y a-t-il donc dans le ciel, cette nuit ? Tu n’es tout de même pas en train de chercher Mars ?
-          Bien sûr que non. C’est Pandora que je guette… (Soupir)

On retiendra…
Des scènes d’action servies par le gigantisme des effets spéciaux, encore plus impressionnantes en 3D.

On oubliera…
Les acteurs, la musique, la direction artistique parfois douteuse, l’humour trop peu présent, et l’absence de souffle…

*A noter :
« Faire son Avatar » va bientôt devenir une expression au cinéma. Suite au succès du film de James Cameron, beaucoup de réalisateurs ont déclaré leur intention de réaliser une superproduction 3D de science-fiction. Après « John Carter », c’est Ridley Scott qui essaiera de dépasser James Cameron avec « Prometheus » fin mai. Roland Emmerich devrait adapter « Fondation » au cinéma, et Luc Besson prépare un « Cinquième élément puissance 10 ». En attendant la sortie des suites d’ « Avatar »…

« John Carter » d’Andrew Stanton, avec Taylor Kitsch, Lynn Collins,…

lundi 5 mars 2012

L’effet Oscar ? (Les infidèles)


-          Idéalement placé le mercredi suivant la remise de l’Oscar du meilleur acteur à Jean Dujardin, « Les infidèles » entend bien multiplier ses entrées au box-office grâce à ce sacre attendu et espéré de l’un des acteurs les plus populaires du cinéma français.
-          Multiplier ses entrées ? Hélas, oui. Mais si le film bénéficiera de l’effet Oscar, ce sera par le biais d’une grosse arnaque réalisée sur le dos des spectateurs mal informés : « Les infidèles » est une mauvaise comédie, mais qui pourtant devrait réaliser plus d’entrées que « The artist » (ce dernier étant muet). Or, Jean Dujardin comme Gilles Lellouche, qu’ils soient acteurs ou réalisateurs, ne sont presque jamais drôles dans cette comédie qui se veut osée et a pour ambition de bousculer les comédies franco-françaises qui triomphent chaque année au cinéma ici.
-          Au niveau du ton, le duo a effectivement réalisé un film bien plus licencieux que d’habitude. Mais ils ont oublié qu’une comédie devait faire rire ! Leur désir de remuer les comédies françaises semble donc bien ridicule.
-          Un des problèmes de « Les infidèles » est que c’est un film à sketches. L’idée semble au départ intéressante : à la fin de chaque segment, on peut essayer de deviner qui des sept réalisateurs en est l’auteur. Sauf que tous ces segments ont bien évidemment le même sujet, l’infidélité, et l’on s’aperçoit bien vite que d’une histoire à l’autre, tout se répète. Les réalisateurs n’ont malheureusement pas signé les scénarios de leurs segments, et au final ils ont tous réalisé le même film, interprétés qui plus est avec les mêmes acteurs.
-          Aucun de ces courts-métrages n’étant drôle, la structure du film  devient très vite lassante et c’est avec un ennui poli que l’on attend la fin du film. Même si le niveau général est faible, les segments sont en plus très inégaux. On remarquera quand même que le meilleur sketch est celui signé par Michel Hazanavicius, car c’est dans celui-ci que Dujardin est le plus drôle. Comme quoi, dans une interprétation, la direction d’acteur a un rôle prépondérant. Pour le moins réussi, il s’agit sûrement du « prologue » de Fred Cavayé : déjà piètre réalisateur de film d’action, il devient franchement mauvais lorsqu’il s’essaye à la comédie.
-          J’opterais plutôt pour le segment d’Emmanuelle Bercot, cousu de fil blanc et qui apparemment ne visait même pas à faire rire ; mais en réfléchissant bien, il en va de même avec le « Lolita » d’Eric Lartigau… « Les infidèles » ressemble donc plus à une accumulation de déceptions qu’à une suite de courts-métrages.

On retiendra…
Tout au long de la projection, on peut tuer le temps en essayant de deviner qui est l’auteur de chaque sketch…

On oubliera…
… car on ne rit que très peu souvent, et la répétition des situations lasse très vite.

« Les infidèles », film à sketchs de et avec Jean Dujardin, Gilles Lellouche,…

vendredi 24 février 2012

Chapeau bas, Chabat (Sur la piste du Marsupilami)


-          On critique assez souvent les blockbusters américains, mais jamais les grosses comédies françaises populaires ! Rectifions le tir avant que cela ne devienne une règle…
-          Pour celui-ci, ça ne me dérange aucunement ! Il y a dix ans déjà sortait « Astérix et Obélix : Mission Cléopâtre ». Dix ans plus tard, au cinéma, rien ne nous avait fait autant rire que cette deuxième adaptation des aventures d’Astérix. Après ce film, Chabat n’avait plus rien réalisé…
-          A « RRRrrrr !!! » près !
-         D’accord ! Il ne faut pas oublier ce film-farce sorti en 2004, bide public et critique qui semble n’avoir servi à Chabat qu’à relâcher la pression autour de ses réalisations après les 14,5 millions de spectateurs d’ « Astérix… ». Aujourd’hui, on aurait tort de s’attendre à une déception avec « Sur la piste du Marsupilami », car pour nous le miracle du deuxième épisode d’ « Astérix » s’est enfin reproduit !
-          L’attente fut grande, mais le résultat est à la hauteur : malgré un début hésitant, drôle mais dénué de la dinguerie espérée, le film prend son envol au bout de dix minutes pour ne plus atterrir : les gags se mettent à pleuvoir. Deux scènes sont particulièrement géniales (mais nous n’allons certainement pas les raconter, sinon ce serait moins drôle !). On notera juste la confiance suicidaire de Lambert Wilson en Alain Chabat dans une scène risquée dont on imagine que peu d’acteurs l’auraient accepté, mais qui se révèle être la plus drôle du film ! Une immense surprise, instantanément culte, absolument irrésistible.
-          En projet depuis 2005, l’adaptation au cinéma des bandes-dessinées Marsupilami de Franquin a les allures de l’ « Avatar » d’Alain Chabat. Le scénario est comme toujours complètement loufoque, et mélange tous les genres… allant même jusqu’à Samuel Beckett ! Comme toute grande comédie française, c’est l’occasion d’une réunion de beaucoup d’acteurs comiques français, même si à ce jeu-là on est loin des castings à stars de la franchise « Astérix ». Jamel Debbouze est toujours hilarant, tout comme Alain Chabat. Seul Fred Testot n’est pas aussi drôle qu’attendu, mais rien de grave non plus.
-          N’oublions pas de commenter les effets spéciaux : un des plus gros enjeux du film est quand même la transposition de la créature du Marsupilami  au cinéma ! Pour cela, Alain Chabat a choisi l’animation 3D, et le résultat est plutôt réussi, sans être renversant. Le Marsupilami a un côté peluche plutôt surprenant mais Chabat sait jouer des articulations improbables de sa queue.
-          Au final, « Sur la piste du Marsupilami » n’est bien évidemment pas le film de l’année, mais bien une des comédies les plus drôles que nous ayons vu depuis bien longtemps.

On retiendra…
Une avalanche de gags, une folie qu’aucun autre réalisateur n’a encore su reproduire.

On oubliera…
Fred Testot, pas vraiment drôle.

A noter :
« Sur la piste du Marsupilami » est le premier film européen à être exploité en IMAX. Espérons que d’autres productions françaises suivront ! Malheureusement, nous ne l’avons pas vu sous ce format-là, et ne pourrons pas vous dire si l’IMAX a ou non un intérêt pour cette comédie.

« Sur la piste du Marsupilami » d’Alain Chabat, avec Jamel Debbouze, Alain Chabat, Patrick Timsit,…

lundi 20 février 2012

Ardu (La taupe)

Après le très ambigu « Morse », film de vampire tellement révolutionnaire par rapport au reste du genre qu’on se demande s’il est vraiment pertinent de l’y rattacher, le suédois Tomas Alfredson tente la traversée ô combien risqué de l’Atlantique. L’an dernier, un autre cinéaste nordique l’avait réussi avec brio : le danois Nicolas Winding Refn avec « Drive », tandis que plus au sud l’italien Paolo Sorrentino s’y était plutôt cassé les dents (l’inabouti mais néanmoins très drôle « This must be the place »).


Mise en scène splendide
On ne pourra pas dire qu’Alfredson a raté son arrivée à Hollywood : « La taupe » (« Tinker, soldier, spy » en VO) brille par sa mise en scène. On retrouve le goût du réalisateur pour les silences, les non-dits, à travers notamment le personnage formidablement interprété par Gary Oldman. La lumière froide et la léthargie générale, ainsi que ce côté un peu éthéré de l’image, sont aussi caractéristiques du réalisateur. Certains plans sont magnifiques, comme cette larme répondant à une goutte de sang à la fin du film. Les discussions tenues au sein du QG des services secrets britanniques, une sorte de chambre insonorisée, sont aussi excellemment bien rendues : le choix d’une focale courte laisse l’arrière-plan dans un flou qui s’accorde très bien avec le motif absorbant le bruit tapissant les murs de la pièce, et rajoute à l’impression d’isolation de la pièce.

Complexité fatale
Si « La taupe » confirme le talent de mise en scène de Tomas Alfredson, il fait au contraire douter de son discernement quant à ses choix de scénario. L’intrigue de « La taupe » anéantit tout le crédit que pouvait apporter sa mise en scène. Le film est l’adaptation d’un roman d’espionnage de John le Carré, et ne pourra être compris que par les spectateurs ayant lu le roman. Même en étant prévenu que le long-métrage est difficile à suivre, on est irrémédiablement perdu par la complexité extrême du scénario, et par d’étranges choix de montage qui ne tendent pas une seule fois la main vers le spectateur pour l’aider à débrouiller les fils de cette histoire.
Celle-ci se déroule à plusieurs époques différentes, fait des allers et retours par le biais de récits ou de souvenirs des personnages entre le passé et le présent, mais il est extrêmement difficile pour le spectateur d’arriver à situer chronologiquement une séquence au moment où on lui la présente. La direction artistique du film joue beaucoup sur le vieillissement des décors et des costumes, tout respire la fatigue, accuse son âge, et en particulier les acteurs, qui a priori pour respecter cette atmosphère n’ont pas été rajeuni lors des séquences se déroulant dans le passé. A moins que ce passé ne soit pas si vieux que ça, mais sans indice quelconque sur la date des événements, il est impossible de le savoir. Ainsi, des repères chronologiques insérés en sous-titres font cruellement défaut et auraient évité de perdre parfois inutilement le spectateur.
Dans un roman, ces repères chronologiques sont présents et consultables à loisir par le lecteur qui peut à tout moment revenir quelques pages en arrière s’il est perdu. La linéarité d’une projection cinématographique empêche ces retours en arrière, et demande davantage d’attention de la part du spectateur – de même que davantage d’explicitations de la part du metteur en scène. Leur absence accentue certes le classicisme du film, mais c’est un bien faible bénéfice. Le film se retrouve ainsi artificiellement complexifié, et fige Tomas Alfredson dans la posture du super-auteur si concentré à la mise en image de son scénario qu’il en oublie ses spectateurs.
Par ailleurs, la fin manque cruellement d’intérêt, car l’histoire n’insuffle aucun enjeu ni suspense à la découverte de la fameuse taupe, qui semble trop peu dangereuse. La fin n’a alors pas d’autre mérite que de remettre dans le bon sens les pièces éparses du puzzle présenté dans le plus grand désordre pendant les deux heures précédentes…

On retiendra…
La mise en scène de Tomas Alfredson, l’atmosphère usée du film, et le quasi mutisme de Gary Oldman.

On oubliera…
Un scénario trop complexe rendu incompréhensible par la mise en scène, transformant l’oeuvre en un grand film vain et raté.

« La taupe » de Tomas Alfredson, avec Gary Oldman,…

lundi 13 février 2012

Réputation imméritée (Star Wars - épisode 1 : la menace fantôme)


-          Non, je ne suis vraiment pas motivé là, mais alors pas du tout…
-          Dommage, mais on n’a pas le choix : on ne verra pas de films à temps cette semaine. Nous sommes donc obligés de consacrer un article à la ressortie de « La menace fantôme », premier épisode de la saga « Star Wars ».
-          Un film si mauvais que cela m’ôte jusqu’à l’envie de m’expliquer pourquoi je ne l’aime pas. C’est presque à en devenir malade lorsqu’on constate la ferveur aveugle qu’il suscite chez certains.
-      Il est vrai qu’on a du mal à comprendre – non, en fait, on ne comprend pas – comment les spectateurs ont pu se déplacer massivement dans les salles en 1999 pour aller voir un tel navet.
-        Par où commencer ? En reprenant sa saga 16 ans après la sortie du « Retour du Jedi », Georges Lucas anéantit tout ce qu’il avait bâti avec sa première trilogie. « La menace fantôme » marque le début du déclin du réalisateur, qui a annoncé il y a deux semaines qu’il « prenait sa retraite », lassé du métier. Depuis la fin des années 1990, ce producteur jadis visionnaire s’est complètement replié sur sa saga et n’a plus rien fait d’autre que sortir ou ressortir des « Star Wars » au cinéma.
-          « La menace fantôme » est un film ridicule, anormalement long, très kitsch, et surtout pas drôle. Les films précédents séduisaient par leur humour, alors que dans cet épisode les intermèdes comiques ne font plus rire du tout et agacent même prodigieusement le spectateur (tel le personnage de Jar Jar Binks). Le problème est que Lucas se prend désormais au sérieux, et tue du même coup le souffle et l’esprit régnant dans sa trilogie initiale.
-          Georges Lucas est en effet un réalisateur incompétent lorsqu’il s’agit de créer un drame, d’insuffler de l’émotion, créer des scènes épiques. Dire que sa direction d’acteur est mauvaise est un euphémisme. A moins que la faute n’en revienne aux dialogues, qui sonnent tous faux. Le scénario est catastrophique, bourré d’invraisemblances. Sans aucun rythme, il réunit à grande peine et avec beaucoup de maladresses les ingrédients supposés essentiels par Lucas à tout film à grand spectacle : à savoir des batailles terrestres, maritimes, spatiales, plus un duel au sabre laser, plus une course d’engins volants, et… une supposée intrigue politique pour relier tout ça, tellement faible qu’on s’endort en essayant de la suivre.
-          De plus, Georges Lucas dégrade son film en améliorant à chaque ressortie ses effets spéciaux. Il aura beau faire, il est impossible d’empêcher ses films de vieillir, et pour le coup, celui-ci, avec ses effets spéciaux numériques tous lisses, a vraiment mal vieilli. Beaucoup plus même que les épisodes IV, V et VI.
-          Et au fait, as-tu compris pourquoi il y avait écrit « 3D » sur l’affiche ?
-          C’était en 3D ? Ah ! C’est pour ça que j’ai si mal à la tête !...

On retiendra…
On cherche encore.

On oubliera…
Scénario, acteurs, décors, effets spéciaux et surtout la réalisation de Lucas.

A noter :
Pire que les remakes, reboots et autres spin-off, les ressorties 3D envahissent les écrans : « Titanic » le 4 avril et « Le Roi Lion », dont la conversion 3D serait toutefois d’une toute autre facture que celle du premier épisode de « Star Wars ». Les cinq épisodes restants ressortiront en 3D dans les cinq prochaines années.

« Star Wars – épisode 1 : la menace fantôme » de Georges Lucas, avec Liam Neeson, Ewan McGregor,…