samedi 30 juillet 2011

L'été américain 3 : C'est fini ! (Harry Potter et les reliques de la mort, deuxième partie)

        La saga littéraire se terminait d’une manière plutôt décevante. On ne s’étonnera donc pas si le film répète les erreurs du livre. « Harry Potter » au cinéma ne s’achève donc pas sur le meilleur film de la saga (qui restera le troisième opus signé Alfonso Cuaron, curieusement celui qui a eu le moins de succès…) – mais sur le plus impressionnant.


        On se rend compte à la vision de cette deuxième partie à quel point l’épisode précédent était calme et bavard. Ici, la guerre qui ne se dessinait qu’en arrière-plan dans les opus précédents est enfin montrée à l’écran. Le film peut enfin resserrer son intrigue, en concluant une à une les pistes narratives développées par la saga, et laisser place à l’action et à l’épique. On peut toutefois s’interroger sur l’intelligibilité de ces « révélations » finales : certes simple rappel pour les lecteurs de l'oeuvre, mais véritable casse-tête pour les autres, à qui on conseillera au mieux de lire les livres, sinon de revoir les films juste avant pour y comprendre quelque chose. Mais qui n’a pas encore lu Harry Potter ?

Effets spéciaux extraordinaires et 3D originale
        Ce dernier épisode est donc le plus spectaculaire, grâce à ses effets spéciaux et sa 3D. La conversion en 3D, très réussie, a complètement bouleversé le montage de cette deuxième partie, bien différente à ce niveau de la première. Dans le film précédent les scènes d’action était montée au stroboscope (la course-poursuite dans les bois, notamment). Illisible en 3D. C’est donc le montage opposé qui a été opéré dans la suite : à l’avalanche de plans ultra-rapides et tonitruants succède de longs plans-séquence défilant au ralenti, et au son assourdi. La mise en scène se met donc entièrement au service de la 3D, avec plusieurs effets de jaillissement. Tant mieux pour le spectacle, tant pis pour la continuité avec le film précédent. Pas sûr que vus ensemble, les deux parties soient homogènes.
        Un dernier mot sur la 3D : pour la première fois, c’est une image à courte focale qui a été convertie en 3D, donnant un rendu visuel unique très appréciable, passée la déstabilisation initiale.

Trop pauvre en émotion
        Cependant bien que le spectacle soit assuré, on reste quand même sur sa faim : le film aurait pu être bien plus émouvant ! Le siège final de Poudlard semble un peu brouillon, et le duel final avec Voldemort un peu trop rapide. Mais ce qui pose problème par-dessus tout, c’est la maladresse récurrente qui gâche parfois le spectacle. David Yates n’a aucun talent pour susciter l’émotion, qui ne repose que sur l’excellente musique d’Alexandre Desplat et le sentiment d’assister à la conclusion d’une énorme entreprise cinématographique. On se souvient du traitement complètement raté de la mort de Sirius Black dans « L’Ordre du Phénix » (le moins bon opus de la saga). Il récidive ici encore lors de plusieurs scènes, et en particuliers lors du discours risible de Neville Londubat face à Lord Voldemort.

Un épilogue malencontreux
        Mais le défaut majeur de cette conclusion est, comme pour le livre, le fameux épilogue « 19 ans plus tard ». Plutôt que de suivre à la lettre le roman, le scénariste aurait au moins pu épargner au spectateur ce qui avait tant agacé les lecteurs ! Déjà mauvais en littérature, l’épilogue s’alourdit encore au cinéma d’un défaut majeur. La principale qualité de cette saga cinématographique, ce qui fait son unicité, est d’avoir réussi à garder les mêmes acteurs tout au long des huit films, et les mêmes spectateurs. Comme ces derniers, ils vieillissaient de film en film, créant une complicité inédite. Les voir artificiellement vieilli de vingt ans lors de la dernière séquence de la saga est une négation même de cette complicité, une incohérence finale qui acquiert presque un caractère outrageant.
        La saga ne s’achève donc pas en apothéose. Spectaculaire mais froid, cet ultime épisode a tout simplement les défauts des précédents réalisés par David Yates.

On retiendra…
La conclusion d’une saga d’une ampleur sans précédent au cinéma. Les effets spéciaux spectaculaires et la 3D. La musique d'Alexandre Desplat.

On oubliera…
La mise en scène qui a du mal à susciter l’émotion, l’épilogue final.

« Harry Potter et les reliques de la mort, deuxième partie » de David Yates, avec Daniel Radcliff, Rupert Grint, Emma Watson,…

vendredi 8 juillet 2011

La 3D française se cogne dans le mur (Derrière les murs)

        Premier film français en prise de vues réelles à sortir en 3D, « Derrière les murs » aurait pu être un événement. Mais le faible nombre de copies distribuées, la relative absence de communication autour de l'oeuvre et surtout son très mauvais positionnement sur le calendrier des sorties, en pleine période des blockbusters américains dopés à la 3D, font que le film passe relativement inaperçu. Mais une fois vu, on comprend mieux pourquoi cette frilosité des distributeurs: « Derrière les murs » est tout simplement un mauvais film.


Absence rédhibitoire d'originalité et lourdeur de la mise en scène
        L’entrée du cinéma français dans la 3D hors animation s’avère donc ratée. La faute sûrement au manque d’expérience de ses deux réalisateurs Julien Lacombe et Pascal Sid, qui signent ici leur premier film. Ce long-métrage se veut fantastique, effrayant et cherche à provoquer un malaise. Mais le scénario est d’une telle banalité qu’on devine tout à l’avance et l’ennui pointe très vite une fois compris que le seul atout du film est sa 3D.
      La direction d’acteurs est très maladroite, aucun acteur ne réussit à insuffler de l’ambigüité dans son personnage qui reste donc coincé dans un archétype. Lors des scènes de foule, la maladresse est telle que celles-ci perdent toute crédibilité. Le plus agaçant est toutefois la mise en scène, bêtement illustrative, qui s’acharne à transcrire à l’écran chaque ligne de son scénario : par exemple, au milieu d’une scène de dialogue, un mouchoir tombe de la poche de l’héroïne sans que celle-ci s’en aperçoive, et les réalisateurs Sid et Lacombe insèrent un plan pour montrer sa chute. Comment croire avec ce plan insistant que l’héroïne ait oublié le mouchoir ? Et il en va de même tout au long du film.

(Télé)film 3D
      Quant à la 3D, son utilisation a été à l’évidence bien réfléchie, on retrouve bien de la profondeur dans chaque plan (même lorsque des paysages sont filmés, les réalisateurs ont veillé à ce que des branchages ou des buissons occupent l’avant-plan). Mais l’histoire du film est si peu originale qu’on ne comprend pas vraiment ce que vient faire ici la 3D. Un mauvais film 3D reste un mauvais film, et les réalisateurs auraient dû davantage se concentrer sur leur mise en scène que sur la technologie relief.
      Tous ces éléments donnent à « Derrière les murs » l’allure d’un téléfilm. Seule la présence de Laetitia Casta en tête d’affiche et la 3D peuvent motiver sa sortie dans les salles obscures. Pour ses premiers pas dans la 3D, le cinéma français voit petit avec « Derrière les murs », finalement premier téléfilm 3D français.

On retiendra…
La 3D bien pensée mais inutile. Quelques effets de sursauts sont efficaces.

On oubliera…
La mise en scène, la direction d’acteurs, la banalité affligeante du scénario et la pauvreté des décors, étonnamment vides.

« Derrière les murs » de Pascal Sid et Julien Lacombe, avec Laetitia Casta, Thierry Neuvic,…

jeudi 7 juillet 2011

L'été américain 2 : les montagnes russes peuvent-elles tuer le cinéma ? (Transformers 3 : la face cachée de la Lune)

        Avant même de voir « Transformers 3 », on peut s’attendre à de gros défauts inhérents à la franchise et déjà rédhibitoires. D’abord, c’est une oeuvre de Micheal Bay, le réalisateur le plus bourrin et répétitif de Hollywood. Le film est ensuite opportunément tiré de jouets (des voitures se transformant en robots) qui peuvent contenter les enfants américains mais qui sont bien incapables de faire de même avec des spectateurs plus âgés. Enfin, on parle ici d’une suite, un produit à abêtissement massif devenu la seule spécialité de cet Hollywood appauvri, cimetière de scénarios originaux et nouveaux.


        Ces défauts étaient attendus : ils sont bel et bien là. Et bien accompagnés qui plus est. Il n’y a donc pas de miracle pour ce neuvième essai par Michael Bay de réalisation d’un film de cinéma et non pas de parc d’attractions.

La mise en scène agaçante et répétitive de Bay
      Comme d’habitude, le réalisateur répète ses tics de mise en scène : toujours la même ambiance, la même lumière, le même montage. Ça ne ressemble plus à la touche personnelle du réalisateur, mais à une uniformisation par Bay lui-même de ses propres films. Pas étonnant donc qu’un internaute repère et révèle la réutilisation dans « Transformers 3 » de plusieurs plans de voitures qui s’écrasent déjà vus dans « The Island ».[1] Pour la subtilité de la mise en scène, Michael Bay fait encore des étincelles ; on voit ainsi la caméra glisser vers l’actrice Rosie Huntigton-Whiteley, la remplaçante de Megan Fox, alors qu’un vendeur fait l’éloge des courbes d’un modèle de voiture, ou un drapeau américain en lambeaux envahir subitement l’arrière-plan dans les dernières minutes expédiées du film. Sans parler des énormes placements de produits, travers réputé de Bay, encore plus visibles en 3D.
        Le scénario propose toujours des blagues lamentables et risibles, alors que le film a terriblement besoin de sérieux pour pouvoir exister : les robots-voitures portent déjà le ridicule du film au-delà des limites acceptables, au point qu’on se demande parfois si le film ne se parodie pas lui-même. Voir l’Autobot Optimus, dans sa lutte contre le Décepticon Mégatron, déclamer face caméra de sa voix grave : « Nous nous battrons toujours pour la liberté » et d’autres phrases pompeuses du même genre prouve au moins que le scénariste n’échoue pas systématiquement quand il s’agit de faire rire le spectateur.

Scénario banal et invraisemblable
        Cet épisode se voulait doté d’un réel scénario, en réadaptant les missions Apollo à la sauce Transformers. Bay a même réussi à convaincre Buzz Aldrin de faire un caméo. On aura au moins appris que ce dernier a très mauvais goût au cinéma, ou désespérément besoin d’argent.[2] Mais Bay n’a pas le talent nécessaire pour faire croire à son histoire, finalement pas intéressante et très classique. Le film se fourvoie complètement lorsqu’il montre Sam Witwicky (Shia LaBeouf) courir à Chicago non pas pour sauver l’Humanité (pas assez émouvant) mais pour sauver sa bien aimée Carly (Rosie Huntigton-Whiteley). La tâche est surhumaine ; aucun réalisateur n’aurait pu rendre crédible une telle histoire d’amour : alors que LaBeouf filait le parfait amour avec Megan Fox dans les deux volets précédents, il se retrouve sans crier gare et sans explication (à la réflexion, c’est mieux qu’il n’y en ait pas) dans les bras de Huntigton-Whiteley suite à la défection de la seconde.

Une 3D écrasante
        Mais « Transformers 3 » se relève un peu dans sa dernière heure, suite sans fin de scènes d’action assurant un spectacle purement visuel allant crescendo, rendues encore plus impressionnantes avec la 3D (j’ai vu le film en IMAX 3D). Cette dernière est d’excellente facture : voilà donc enfin un réalisateur qui a compris que pour faire sentir le relief il fallait occuper l’image en profondeur. Depuis les insectes et la flore exubérante qui emplissait les images d'« Avatar », il semblait qu’aucun réalisateur ne savait utiliser la technologie à Hollywood. Ici pas d’effets de jaillissement mais de la poussière, des étincelles et des objets qui envahissent le champ et confèrent à l’image l’épaisseur qui manque si cruellement au scénario… On se croirait alors dans un manège de parc d’attractions, puisqu’on ne se préoccupe plus guère du scénario. On ne pourra nier qu’un tel festival pyrotechnique procure un plaisir certain. Un tel spectacle vaut largement le prix d’une place de cinéma IMAX 3D. A ce niveau-là, le film mériterait sûrement une étoile de plus. Sauf que ce n’est assurément pas du cinéma, et vu le succès remporté par le film ce n'est pas ce blockbuster qui fera changer la politique actuelle de production des studios américains.
        On ressort donc de la projection avec un gros coup sur la tête, les yeux défoncés par tant de 3D (le montage du film est sûrement un peu trop rapide pour rendre celle-ci confortable), et frustré de voir un scénario si faible tenter de relier entre elles des scènes d’action si prodigieuses. « Transformers 3 » est un gros film, mais pas un grand film – en fait, pas un film tout court.

On retiendra…
L’accumulation des scènes d’action dans la dernière heure du film, très impressionnante grâce à une 3D plutôt bien utilisée et de bonne qualité.

On oubliera…
Tout le reste. Et en particulier l’éloge omniprésent de la voiture.

« Transformers 3 : la face cachée de la Lune » avec Shia LaBeouf, Rosie Huntigton-Whiteley,…




[1] La vidéo est visible ici.
Un article plus explicite est lisible en cliquant ici.


[2]  Buzz Aldrin n’est pas le seul : Orson Welles a jadis doublé un Transformers dans un dessin animé sorti au cinéma en 1986 !

mercredi 6 juillet 2011

Le raccourci de Meek (La dernière piste)

        Dans « La dernière piste », en compétition à Venise l’an dernier, on suit les errances de colons américains perdus dans les immenses espaces de l’Ouest. Ils n’ont plus d’eau et ne savent pas où en trouver. Une course contre la soif s’engage, jusqu’à la capture d’un indien.


        Les personnages et les paysages sont ceux du western, mais le film est bien plus atypique que cela – difficilement réductible à un genre. Le rythme assez hypnotique du film fait ressentir au spectateur la lenteur du voyage et ses fatigues ; les péripéties « classiques » attenantes à tout voyage (comme un essieu qui se casse), contrant l’ennui et relançant l’intérêt du film ; l’attente par les colons d’un événement heureux qui se transformera en désespoir… Les gestes présentés sont simples, banals et ont la force du quotidien, mais par la force du film et de leur poids historique ils sont néanmoins passionnants.

Le pouvoir de la suggestion
        Le spectateur est donc laissé à lui-même au milieu de cette caravane qui se cherche un chef. Le film lui laisse toute latitude pour observer et réfléchir, et c’est ce qui fera toute la force de sa deuxième partie (après la capture de l’indien). La caméra a alors familiarisé le spectateur avec les colons américains, l’identification a pu opérer. Le spectateur ne peut donc que buter comme les colons contre la figure de l’indien, si résolument étrangère qu’elle devient l’incarnation de l’inconnu et de l’altérité. Que fait-il ?, que dit-il ?, il est impossible de le savoir. Le champ laissé à la réflexion pour le spectateur fait alors des merveilles, puisque le pouvoir de suggestion fonctionne pleinement à chaque geste mystérieux de l’indien. Peut-être à vide, peut-être pas. Cela dépendra de chacun et de son humeur. L’interprétation du comportement de l’étranger peut même amener à voir « La dernière piste » comme un film d’horreur (!).

Une fin pleine de sens
        Mais le film serait un peu vain s’il ne se distinguait que par cette énigme. Or lors de cette deuxième partie on assiste, toujours aussi fasciné, à l’évolution des relations dans la caravane face à l’irruption de l’inconnu ; et en particulier, guidé par une caméra qui s’attarde volontiers sur leurs visages, au glissement du commandement de la caravane des hommes aux femmes, Emily Tetherow (Michelle Williams) en tête. « La dernière piste » étonne alors encore en devenant un film aux allures de western... féministe.

On retiendra…
L’étrangeté de l’indien, le rythme du film et sa beauté visuelle.

On oubliera…
Une certaine lourdeur du montage lors d’un moment de tension à la fin du film.

« La dernière piste » de Kelly Reichardt, avec Michelle Williams, Paul Dano, Will Patton,…

mercredi 29 juin 2011

La conquête (Pater)

        Présenté par Thierry Frémaux comme le film le plus bizarre de l’édition 2011 du festival de Cannes, « Pater » justifie amplement cette réputation d’ovni. La forme du film est d’autant plus surprenante pour qui n’a jamais vu de films d’Alain Cavalier (du moins ceux de sa deuxième période, puisque apparemment il a commencé par réaliser des films « classiques ») comme ce fut mon cas.


        Dans « Pater », Alain Cavalier et Vincent Lindon se filment tour à tour, parfois accompagnés d’autres personnages/acteurs, en train de jouer pour le film ou de commenter ce que le tournage leur apporte. Le premier décide au début du film qu’il incarnera un président de la République, et choisit le second comme premier ministre, en lui confiant l’écriture d’une loi fixant l’écart maximal entre les salaires des employés et du patron au sein d’une même entreprise.
        On est tout d’abord interloqué par cette idée toute bête « Et si tu me filmais pendant que je fais le président ? Tu pourrais faire le premier ministre !» censée faire film. Mais on est très vite emporté par le jeu qu’offre alors la mise en scène en apparence si simple qu'elle a une l'allure faussement "amateur" (Cavalier se filme chez lui ou chez Lindon, la caméra apparaît plusieurs fois dans le champ), mais qui se révèle être un piège pour le spectateur. En effet, il n’est plus possible dans ce cinéma-là de distinguer le jeu de la vérité, la réalité de la fiction, la mise en scène de l’improvisation.
        Par exemple, Vincent Lindon (au visage parcouru de tics, jamais vus chez lui précédemment, ce qui montre à quel point il est naturel dans le film) avoue à la caméra qu’il se sent capable d’assumer la charge de premier ministre à condition d’être entouré des bonnes personnes. Impossible par la suite lorsqu’il s’exprime de savoir si c’est son personnage de fiction qui parle ou si c’est réellement lui. Le film en dit énormément sur le métier d’acteur. De même, la relation liant Cavalier à Lindon est triple : lorsque le premier parle au second, ce peut être comme un réalisateur s’adressant à son acteur, un président à son premier ministre, et même un père à celui qu’il considère comme un fils (d’où le titre). Les trois sont inextricablement mêlés et donnés à voir en même temps. Tous ces questionnements quant à la sincérité de ce que l’on voit rendent « Pater » passionnant.
        Le film s’amuse à décrire le quotidien des politiques, en visant une certaine universalité. La scène où est montré à Lindon, alors candidat aux présidentielles, une photo compromettante de son adversaire a résonné étrangement lors de la projection du film au festival de Cannes, au lendemain de l’arrestation de DSK. Comme si le cinéma avait eu une longueur d’avance. Mais c’est une pure coïncidence, qui n’est pas sans saveur, due à cette suite de micro-péripéties attendues d'une vie politique que Cavalier et Lindon ont imaginé et filmé pour nourrir leurs rôles fictionnels.
        « Pater » est donc un film littéralement extra-ordinaire, drôle et passionnant, nouveau et inclassable.

On retiendra…
L’opposition entre la simplicité de la mise en scène et la multiplicité des niveaux de lecture.

« Pater » de Alain Cavalier, avec Alain Cavalier, Vincent Lindon,…


vendredi 24 juin 2011

L'été américain 1 (X-Men : le commencement)

Hollywood n’a vraiment plus aucune idée. Les studios américains s’acharnent à enchaîner des suites, préquelles, remakes, reboot et autres spin-off. Les super-héros dont les déclinaisons comics ont dû connaître elles-aussi de multiples suites et relances, sont un terreau inépuisable pour ces producteurs en panne totale d’inspiration et n’osant plus rien. Cet été, tous les grands blockbusters américains sont des suites ou des remakes. La saison des blockbusters a commencé avec le décevant « Pirates des caraïbes 4 » et continue maintenant avec « X-Men : le commencement », cinquième film tiré de l’univers des X-Men. De cette saga, je n’ai vu que le film original, qui m’avait déjà semblé médiocre. Cette préquelle se révèle elle-aussi être un mauvais blockbuster.


Après une introduction réussie qui donne espoir, l’illusion d’assister à un bon blockbuster se dissipe assez vite pendant que l’histoire se met en place et que l’on comprend que toutes les promesses apportées par la première scène ne seront pas du tout tenues. Le film commence en effet de manière très sombre, en reprenant les mêmes plans que l’introduction de « X-Men » de Bryan Singer. Mais si le film est sombre, ce n’est qu’à ce moment-là. Or, il semble bien que la noirceur soit essentielle à ce type d’histoire.


Le ridicule de super-héros
Pour ôter aux super-héros le ridicule qui leur est attaché (rien que leur nom : s’appeler Magnéto ou Tornade est un sacré handicap), il n’y a que deux solutions : ou le réalisateur donne un second degré à son film pour en faire quelque chose de drôle, ou au contraire il lui donne une gravité (à l’exemple des Batman de Burton et Nolan). Matthew Vaughn, le réalisateur, s’est lancé dans la première option, mais ne réussit pas à faire rire, sinon sourire. Du coup, le combat final est plutôt risible lorsque tous les mutants utilisent leurs superpouvoirs dans des combinaisons de plongée kitsch à souhait. La femme-libellule et le diable rouge sont particulièrement ratés.
« X-Men : le commencement » n’aurait de toute façon pas pu être bon puisque une grande partie de son histoire est basée sur la découverte et la difficulté pour des adolescents à assumer leurs superpouvoirs, et donc leurs différences. Assez ! Il y en a déjà eu assez de semblables histoires! Le film n’apporte absolument rien de nouveau ni d’intéressant sur cet axe de l’intrigue qui devient vite ennuyeux, alors qu’il est doté d’une second axe racontant la relation entre le « Professeur X » et « Magnéto » nettement plus réussi à défaut d’être original, et servi par de bons acteurs (Michael Fassbender et James McAvoy). L’introduction du film fait partie de cet axe. Sauf que là-aussi il y a un problème : la noirceur initiale s’estompe très vite. Le grand méchant du film, un officier nazi qui fait peur dans la scène d’introduction, se transforme dans la suite de l’histoire en un mutant riche portant lunettes de soleil, chemise ouverte et maillot de bain, à l'allure décontractée, accompagnée d’une femme se transformant en cristal plus ou moins dévêtue ; bref il ne fait plus du tout peur et perd toute crédibilité alors qu'il est un des moteurs essentiels de l'intrigue.

Le piège d'une préquelle
Il faut encore ajouter à cela le problème inhérent à toute préquelle, qui est qu’on sait à l’avance tout ce qui va se passer et comment cela va se terminer. Les scénaristes doivent expliquer tous les conflits, blessures et traumatismes des personnages présentés dans la trilogie X-Men en un seul film. On assiste alors à un enchaînement grotesque de péripéties expliquant pourquoi les mutants sont séparés en deux camps, pourquoi le Professeur X est infirme, d’où vient le casque de Magnéto, etc… Pourquoi tout doit-il survenir dans les quelques jours qui constituent le film ? Dix ans doivent séparer « X-Men : le commecement » de « X-Men », et pourtant les personnages qui quittent le premier sont identiques à ceux au début du second, comme si dans l’intervalle séparant les deux films ils n’avaient rien vécu et étaient restés figés. Cela nie aux personnages toute vraisemblance psychologique, et enlève tout crédibilité à leur passé : un résultat complètement opposé à l’objectif du film.

On retiendra…
La performance des acteurs, correcte et parfois plutôt bonne.

On oubliera…
Le film est trop lisse, pas assez adulte, en fait ridicule. Les effets spéciaux sont aussi très moyens.

« X-Men : le commencement » de Matthew Vaughn, avec James McAvoy, Michael Fassbender,…

Un Kubrick artificiel (A.I. Intelligence artificielle)

Il me semble que « A.I. Intelligence artificielle » a un peu été oublié, peut-être à cause des critiques très partagées qui l’ont accueilli à sa sortie il y a dix ans de ça en été 2001, et de l’ombre que lui firent peu après « Minority report » (2002) et « La guerre des mondes » (2005), plus réussis (en particulier pour ce dernier, peut-être le meilleur film du réalisateur). En tout cas il n’est pas reconnu comme l’un des films phares de Spielberg. Pourtant, ce film est remarquable voire même génial, et constitue assurément une singularité dans la filmographie de Spielberg ; et ce pour une seule raison : « A.I. Intelligence artificielle » (« A.I. » sur les affiches) est un pastiche du cinéma de Kubrick.


« A.I. » est d’abord un projet de film développé par Stanley Kubrick au début des années 1990. Il travaillait sur le scénario depuis la lecture de la courte nouvelles à l’origine du film, « Des jouets pour l’été » (Brian Aldiss, 1969, disponible sur cette page), en 1970, mais n’en fut satisfait qu’en 1990. Après la sortie de « Jurassic Park » en 1993 il associa au projet Steven Spielberg pour sa maîtrise des effets spéciaux. Mais Kubrick ne put jamais lancer la production du film puisqu’il préféra attendre que la technologie numérique ait atteint un niveau satisfaisant et mourut en 1999. Le projet lui survécut et Spielberg réalisa « A.I. » en hommage au réalisateur.


Un extraordinaire hommage à la mise en scène de Kubrick...
          Tout l’intérêt d’« A.I. Intelligence artificielle » vient de cet hommage rendu à Kubrick par Spielberg. Le film ne ressemble absolument pas au niveau de la mise en scène à un film de Spielberg. Le réalisateur s’est appliqué à restituer la manière de tourner de Kubrick, en utilisant les mêmes cadrages, la même photographie, le même montage. Le résultat est très réussi, on reconnaît très bien l’univers du réalisateur d’ « Orange mécanique ». Le rythme kubrickien du montage autorise ainsi une réflexion constante chez le spectateur sur ce qu’il voit, alors que d’habitude chez Spielberg tout va beaucoup plus vite. La direction artistique est très proche des ameublements futuristes vus dans « 2001, l’odyssée de l’espace » et « Orange mécanique ». Le film comporte plusieurs parties, à l’identique de la plupart des films de Kubrick.
          L’histoire développée par le film est captivante. Le film livre une réflexion sur le rapport à nos créations technologiques sans aucun équivalent ailleurs depuis sa sortie. De plus, les acteurs sont vraiment excellents, Haley Joel Osment (l’acteur principal de « Sixième sens » de Night Shyamalan) et Jude Law en tête. Ces deux-là ont une gestuelle mécanique très convaincante, qui montre qu’il n’était absolument pas nécessaire de faire jouer ces personnages par des vrais robots ou des personnages de synthèse, comme voulait le faire Kubrick. En outre, les effets spéciaux sont incroyables et n’ont absolument pas vieilli, dix ans plus tard. L’irrésistible ours en peluche mécanique Teddy est une merveille.

...qui n'est pas sans pièges
Mais le passionnant pari de mise en scène du film qui le rend unique est aussi un piège cruel pour Spielberg. En s’efforçant au maximum de substituer sa mise en scène par celle supérieure de Kubrick sans pouvoir y parvenir totalement (c’est tout bonnement impossible), Spielberg s’attire au moindre défaut le reproche de faire moins bien que le réalisateur qu’il essaye de mimer. Ainsi, lorsque le film se perd dans sa dernière partie, on ne peut que s’insurger contre le réalisateur de cette baisse de niveau finale en se disant que, forcément, Stanley Kubrick n’aurait pas eu cette faiblesse. Sauf qu’on ne le saura jamais. Tous les défauts de « A.I. » comptent donc doubles pour cette raison, pour ce parti de mise en scène dont il est impossible de faire abstraction. On voit bien que Spielberg a rendu le film plus enfantin que le projet initial de Kubrick, qui était beaucoup plus dur. Par exemple, lorsque Spielberg filme le personnage joué par Jude Law, « Gigolo Joe », et la ville de Rouge City, on sent qu’il n’est pas à l’aise dans cette facette de l'univers de Kubrick et que cette partie de l’histoire a dû être bien édulcorée. Spielberg a préféré développé le côté « Pinocchio » de l’histoire, qui est hélas le côté le moins intéressant.

Une fin hésitante
Mais cela ne devient problématique que dans la partie finale, étonnante mais trop longue, où Spielberg semble ne plus savoir quoi faire pour finir son film. Là encore, on se dit que Kubrick aurait évité cet écueil, et qu’au pire il aurait rendu la fin beaucoup plus mystérieuse que ne le fit Spielberg, peut-être à la « 2001 », pour que le film reste impressionnant jusqu’à sa conclusion. Je ne pense pas qu’il aurait exposé d’une façon aussi explicite et peu inspirée cette explication de « mémoire conservée dans le tissu de l’espace-temps » qui rend une scène légèrement ridicule. Ce genre d’explication n’est pas possible au cinéma, et ne peut être convenablement amenée que dans un roman de science-fiction ! Dommage, alors. « A.I » est donc victime d’une baisse de régime regrettable dans sa fin qui l’empêche d’accéder au titre de chef-d’œuvre, alors qu’il en était vraiment très proche.

On retiendra…
Un défi de mise en scène incroyable : faire revivre le cinéma de Kubrick. Des effets spéciaux et des acteurs formidables.

On oubliera…
La fin du film, trop longue et surtout ans idée.

A noter :
Les Tours Jumelles sont presque écroulées dans le New-York futuriste de « A.I. », mais bel et bien là. Le film est sorti deux mois avant le 11 septembre…

« A.I. Intelligence artificielle » (2001) de Steven Spielberg, avec Haley Joel Osment, Jude Law,…