mercredi 3 juillet 2019

Zombies cannois (The dead don’t die, Atlantique, Zombi child)

Sans être pour autant des films d’horreur, trois films avec des zombies ont été projetés à Cannes cette année. Cette coïncidence n’annonce pas un intérêt soudain pour le mort-vivant dans le cinéma d’auteur (il n’y aura peut-être aucun film de zombie l’année prochaine à Cannes), mais il est intéressant de regarder ensemble ces films, et de voir à quels points le traitement de la figure du zombie y est différente dans chacune des oeuvres.
Après les vampires d’« Only lovers left alive » en 2013 (son chef-d’œuvre), Jim Jarmsuch poursuit son exploration des clichés du cinéma d’horreur avec les zombies. « The dead don’t die » a fait l’ouverture de Cannes, en compétition (ce qui n’était pas arrivé depuis « Moonrise kingdom » de Wes Anderson en 2012).
Autre « film de zombie » en compétition, « Atlantique » est le premier long-métrage de Mati Diop, tourné à Dakar. Il a remporté le grand prix du jury.
Bertrand Bonello fait partie des « grands auteurs » du cinéma français contemporain, sélectionné trois fois en compétition à Cannes (la dernière fois pour son meilleur film à ce jour, « Saint Laurent » en 2014). Son nouveau film a pourtant atterri à la Quinzaine des réalisateurs à Cannes cette année – est-ce parce que la case « morts-vivants » était justement déjà doublement occupée en sélection officielle ?

Zombie classique
Pourquoi le cinéma d’auteur s’est-il emparé de la figure du zombie cette année ? La réponse semble être « pour le gag » chez Jarmusch, tant son film s’avère creux. Chez Diop, c’est évidemment pour la métaphore – ces zombies relèvent d’ailleurs presque de la poésie. Chez Bonello, dont le film est le moins évident des trois, c’est d’abord pour le mystère.

 
Jamais hilarant, « The dead don’t die » ressemble à une comédie qui ne décolle jamais – et qui semble même faire exprès de ne pas le faire (c’est la patte Jarmusch). C’est donc assez ennuyeux. Les zombies ressemblent à l’idée que tout le monde s’en fait. Jarmusch s’amuse plus à glisser des caméos de stars qu’à développer un propos. Un signe qui ne trompe pas : pour finir son film, Jarmusch est obligé de recourir au coup du métacinéma – les personnages avouent tout à coup qu’ils ont lu (ou pas) le script du film. Le manque d’inspiration est alors flagrant. Au final, « The dead don’t die » ne vaut que pour quelques séquences-gags – même si elles reposent sur des recettes déjà bien éprouvées par le réalisateur : apathie, répétition, caméo rigolo de Iggy Pop – et Tilda Swinton, toujours excellente.

Zombie poétique
Bien plus intéressant est le film « Atlantique » de Mati Diop – même s’il n’est pas pour autant complètement réussi. Son ancrage à Dakar est déjà dépaysant. L’absence de perspective, l’appel du large et de la fuite (les plans sur l’océan, répétitifs mais vraiment envoûtants) sont superbement rendus. Le rythme lent du film accroît la sensation d’enfermement.


          Il y a beaucoup de belles idées de mise en scène, mais elles ne sont hélas pas forcément exploitées jusqu’au bout et frôlent parfois le caractère gratuitement « poétique » : comme les zombies justement, trop lourdement métaphoriques.

Zombie historique
« Zombi child » est partagé entre deux lignes temporelles qui n’ont a priori rien à voir entre elles : l’une à Haïti dans les années 1960 qui raconte un cas de « zombification » (à l’origine du mythe), l’autre de nos jours à Paris suit des lycéennes de la Maison d'éducation de la Légion d'honneur. Les deux sont fascinantes, et gagnent chacune en originalité en étant confrontée sans transition ni explication à l’autre. De fait, le lien mystérieux qui existe entre ces deux lignes narratives si contrastées excite la curiosité. Leur point commun est le traitement réaliste. Les dialogues des jeunes filles, fortement teintés de bizarrerie adolescente, sonnent particulièrement justes (et sont drôles).


          Les films de Bertrand Bonello sont d’une ambition visuelle rare, « Zombi child » n’y fait pas exception. Bonello aime les séquences muettes qui captivent par la seule force des images (le segment haïtien du film), à l’image des films de Kurbick (s’inscrire dans sa lignée de Kubrick est d’ailleurs assez rare en France !).
          Des trois cinéastes cités ici, il s'avère le plus original. Son zombie n'a pas l'évidence de ceux de Jarmusch, et contrairement à ceux de Diop, il voit son caractère métaphorique gommé par l'aspect « historique » de son zombie et son réalisme. Il résiste à la compréhension – et c'est ce qu'on pouvait espérer de mieux de la part d'un tel cliché ambulant du cinéma d'horreur.

On retiendra…
En remontant aux sources du « zombie » et en le confrontant à l’actualité, Bonello s’avère le plus original sur l’utilisation du zombie au cinéma.

On oubliera…
L’absence d’idées de Jarmusch, qui provoque l’ennui.

« The dead don’t die » de Jim Jarmusch, avec Adam Driver, Bill Murray,…
« Atlantique » de Mati Diop, avec Mama Sané, Amadou Mbow,…
« Zombi child » de Bertrand Bonello, avec Louise Labeque, Wislanda Louimat,…

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