« Suspiria »
de Dario Argento (1977) est un film si célèbre qu’en faire un remake paraissait
presque tabou. Mais Luca Guadagnino, devenu récemment le plus en vue des
réalisateurs italiens, porte ce projet depuis dix ans. Après avoir tenté de le
faire réaliser par David Gordon Green (qui aura finalement réalisé cette année
le remake d’« Halloween », autre classique du cinéma d’horreur),
c’est finalement lui-même qui s’y est attelé.
Or, sous le
vernis « culte » du « Suspiria » d’Argento, se cache un piètre
film à la narration hasardeuse frisant parfois l’amateurisme, qui vaut surtout
et avant tout pour ses impressionnantes expérimentations chromatiques, et sa
musique originale. Il ne me paraissait donc pas si sacrilège d’en donner une
nouvelle version…
Une grande maîtrise…
Comme il
l’avait promis, Guadagnino n’a pas fait un copié-collé du film d’Argento, dont
il n’a conservé que le squelette, l’intrigue principale. Guadagnino livre un
film beaucoup plus morbide, funèbre, froid, presque à contre-courant de l’extravagant
film d’Argento. La mise en scène installe dès les premières minutes une atmosphère
poisseuse propre à susciter le malaise et l’inquiétude. L’étrangeté nait aussi
de la narration, qui s’éparpille entre différents fils dont on ne saisit pas au
départ les liens.
Un des
points les plus forts de la réalisation de Guadagnino est la représentation de
la danse. La version de 2018 opère ici une correction bienvenue au film de
1977, dans lequel la danse était quasiment absente ou ridiculement filmée (alors
que l’intrigue se déroule dans une école de danse). Ici les scènes de danse
sont impressionnantes d’énergie, faisant ressentir douloureusement (jusqu’au
macabre) la puissance cinétique déployée par les danseuses (et principalement
Dakota Johnson – ou sa doublure ?) pour suivre la chorégraphie.
Une autre
actrice impressionnante est Tilda Swinton, dont la double interprétation est
véritablement bluffante – ce n’est qu’en lisant la presse après le film que
j’ai appris que l’actrice tenait un deuxième rôle. Et puis, même si c’est
fugitif, il est toujours émouvant de revoir à l’écran Jessica Harper,
l’interprète principale du film original.
…qui relève du bluff
« Suspiria »
de Guadagnino laisse vraiment une impression trouble, car il est difficile de
tenir encore compte des qualités qui viennent d’être énumérées lorsqu’arrive le
dernier acte (sur six) du long-métrage. Le film s’effondre, révélant sa nature
de « soufflé », dans un final où les masques tombent qui confine au
triple exploit gore, déceptif et ridicule. La scène est tellement énorme que c’en
est inénarrable.
Ce final
change totalement l’image que se faisait jusqu’alors le spectateur du film. La
prétention de Guadagnino est soudainement évidente, prétention que l’on pouvait
déjà remarquer par l’agrégation à la trame du scénario original d’Argento de références
insistantes au contexte historique (de la Shoah à la bande à Baader). Pourtant,
la profusion du scénario (le film est divisé en « six actes et un
épilogue »), résultante d’une volonté d’enrichir et de développer
l’histoire originale de « Suspiria », n’a pas fortifié cette nouvelle
version de « Suspiria » mais l’a rendue obèse. Le film de Guadagnino
dure quand même une heure de plus que celui d’Argento !
Ce
« Suspiria » de Guadagnino est donc certes plus impressionnant que
celui d’Argento, mais in fine… tout aussi débile.
L’atmosphère poisseuse, le
mystère savamment entretenu par les apparentes digressions, les scènes de
danse, Tilda Swinton.
On oubliera…
Le final, ultra grotesque, qui
rend évident la prétention de cette nouvelle version du classique d’Argento.
« Suspiria » de Luca
Guadagnino, avec Dakota Johnson, Tilda Swinton,…
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire