mercredi 2 janvier 2019

Souper (Suspiria)

             « Suspiria » de Dario Argento (1977) est un film si célèbre qu’en faire un remake paraissait presque tabou. Mais Luca Guadagnino, devenu récemment le plus en vue des réalisateurs italiens, porte ce projet depuis dix ans. Après avoir tenté de le faire réaliser par David Gordon Green (qui aura finalement réalisé cette année le remake d’« Halloween », autre classique du cinéma d’horreur), c’est finalement lui-même qui s’y est attelé.
Or, sous le vernis « culte » du « Suspiria » d’Argento, se cache un piètre film à la narration hasardeuse frisant parfois l’amateurisme, qui vaut surtout et avant tout pour ses impressionnantes expérimentations chromatiques, et sa musique originale. Il ne me paraissait donc pas si sacrilège d’en donner une nouvelle version…


Une grande maîtrise…
Comme il l’avait promis, Guadagnino n’a pas fait un copié-collé du film d’Argento, dont il n’a conservé que le squelette, l’intrigue principale. Guadagnino livre un film beaucoup plus morbide, funèbre, froid, presque à contre-courant de l’extravagant film d’Argento. La mise en scène installe dès les premières minutes une atmosphère poisseuse propre à susciter le malaise et l’inquiétude. L’étrangeté nait aussi de la narration, qui s’éparpille entre différents fils dont on ne saisit pas au départ les liens.
Un des points les plus forts de la réalisation de Guadagnino est la représentation de la danse. La version de 2018 opère ici une correction bienvenue au film de 1977, dans lequel la danse était quasiment absente ou ridiculement filmée (alors que l’intrigue se déroule dans une école de danse). Ici les scènes de danse sont impressionnantes d’énergie, faisant ressentir douloureusement (jusqu’au macabre) la puissance cinétique déployée par les danseuses (et principalement Dakota Johnson – ou sa doublure ?) pour suivre la chorégraphie.
Une autre actrice impressionnante est Tilda Swinton, dont la double interprétation est véritablement bluffante – ce n’est qu’en lisant la presse après le film que j’ai appris que l’actrice tenait un deuxième rôle. Et puis, même si c’est fugitif, il est toujours émouvant de revoir à l’écran Jessica Harper, l’interprète principale du film original.
 

…qui relève du bluff
« Suspiria » de Guadagnino laisse vraiment une impression trouble, car il est difficile de tenir encore compte des qualités qui viennent d’être énumérées lorsqu’arrive le dernier acte (sur six) du long-métrage. Le film s’effondre, révélant sa nature de « soufflé », dans un final où les masques tombent qui confine au triple exploit gore, déceptif et ridicule. La scène est tellement énorme que c’en est inénarrable.
Ce final change totalement l’image que se faisait jusqu’alors le spectateur du film. La prétention de Guadagnino est soudainement évidente, prétention que l’on pouvait déjà remarquer par l’agrégation à la trame du scénario original d’Argento de références insistantes au contexte historique (de la Shoah à la bande à Baader). Pourtant, la profusion du scénario (le film est divisé en « six actes et un épilogue »), résultante d’une volonté d’enrichir et de développer l’histoire originale de « Suspiria », n’a pas fortifié cette nouvelle version de « Suspiria » mais l’a rendue obèse. Le film de Guadagnino dure quand même une heure de plus que celui d’Argento !
Ce « Suspiria » de Guadagnino est donc certes plus impressionnant que celui d’Argento, mais in fine… tout aussi débile.
 
On retiendra…
L’atmosphère poisseuse, le mystère savamment entretenu par les apparentes digressions, les scènes de danse, Tilda Swinton.
 
On oubliera…
Le final, ultra grotesque, qui rend évident la prétention de cette nouvelle version du classique d’Argento.

 
« Suspiria » de Luca Guadagnino, avec Dakota Johnson, Tilda Swinton,…

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