« Climax »
est le cinquième film de Gaspar Noé, le plus sulfureux des réalisateurs du
cinéma français. Il ne figurait étonnamment pas en sélection officielle à
Cannes cette année, mais à la Quinzaine des réalisateurs – qui en avait
peut-être plus besoin pour célébrer sa 50ème édition ? De fête
il est en effet question dans ce film, à l’argument très simple : dans un
lieu isolé, à la fête de fin de répétition d’un spectacle de danse, une troupe
de danseurs se retrouve intoxiquée par une drogue hallucinatoire.
Trajectoire simple
Comme l’a
déjà fait Gaspar Noé, le film débute par sa fin (générique compris), ce n’est
donc rien révéler que de décrire ce film comme une plongée progressive dans
l’horreur. Passée cette « introduction finale », un exceptionnel
plan-séquence nous entraîne au cœur de la dernière répétition, sur la musique
Supernature de Cerrone. La caméra bouge au milieu des danseurs en accord avec leur
chorégraphie, selon des axes géométriques très maîtrisés. Le spectacle ainsi
filmé est magnifique, la virtuosité du cadre et de la photographie épousant
celles des danseurs. L’énergie déployée dans ce plan est ahurissante et est en
parfait accord avec l’humour bravache de la réalisation de Noé (qui avant ce
plan a déjà dynamité toutes les conventions habituelles du long-métrage…). A ce
stade de la projection, on se dit qu’on est face à un chef-d’œuvre…
Le fait
d’avoir annoncé dès l’incipit que tout ça allait mal se terminer installe dès
la fin de la répétition et le début de la fête qui la suit un malaise entretenu
par la mise en scène (tout sonne comme un présage d’un massacre à venir, la
couleur rouge étant partout présente), malaise qui n’ira qu’en grandissant…
jusqu’à ce que l’horreur commence. On comprend vite que « Climax » va
nous montrer, au fil de longs plans-séquences, le délitement progressif d’une
harmonie, la troupe gracieuse unie dans la danse du début du film se morcelant
petit à petit en individualités mesquines, idiotes ou monstrueuses. De l’ordre
au chaos : la simplicité de la trajectoire du film fait toute sa beauté.
Le champ de la caméra donne l’impression avec un réalisme saisissant de voir à
travers les yeux d’un personnage ayant lui aussi été drogué – la caméra se
déplace donc d’une manière de moins en moins ordonnée, se fait de plus en plus
flottante, et finit par carrément se retourner…
Mais la
simplicité de cette trajectoire du film est aussi sa limite. Parce qu’une fois
compris ce programme imaginé par Noé, a-t-on vraiment encore envie d’assister à
son exécution ? Le film devient alors un spectacle voyeuriste de la
déchéance des rapports humains, rendu encore plus malsain par le fait que Noé l’alimente
en traumatismes (addiction, avortement, inceste)…
Au final, on
ressort de la salle complètement groggy du film, plus très sûr de l’orientation
de la gravité (à force de voir les images à l’envers), et surtout éberlué par la
vacuité du discours du film. Gaspar Noé avait l’habitude de cliver (on aime ou
on n’aime pas). Il innove ici en mettant le point de clivage au milieu de son
film : on aime puis on n’aime pas (ce qui pose un défi lorsqu’il s’agit de
donner une appréciation au film en un seul mot ou une seule note !).
On retiendra…
Une première partie chorégraphique
d’une beauté sidérante, d’une énergie folle. Les pieds de nez aux conventions
cinématographiques.
On oubliera…
La deuxième partie est
tellement programmatique qu’elle donne l’impression malséante d’assister à un
spectacle voyeuriste. Les pieds de nez aux conventions cinématographiques.
« Climax » de Gaspar
Noé, avec Sofia Boutella, Romain Guillermic,…
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