dimanche 28 janvier 2018

Publicité détournée (3 billboards, les panneaux de la vengeance)

Martin McDonagh n’était jusqu’à présent l’homme que d’un seul film : « Bons baisers de Bruges ». Un flamboyant coup d’essai cinématographique (d’un dramaturge expérimenté), sorti en 2008 et devenu culte, contrairement à son deuxième film, « 7 psychopathes », passé inaperçu. « 3 billboards, les panneaux de la vengeance » (titre français très peu inspiré) n’est donc que son troisième film en dix ans, mais il a remis McDonagh au-devant de la scène.


Cocktail de contraires
« 3 billboards » figure en effet parmi les favoris aux Oscar 2018, porté notamment par sa résonance avec l’actualité. Cette histoire d’une femme entêtée luttant âprement pour que soit recherché l’assassin et le violeur de sa fille dans l’Amérique profonde évoque forcément le mouvement « Time’s up » et l’Amérique de Trump. Mais le film a bien d’autres atouts.
Le plus frappant est cette alliance de burlesque, de grotesque et de tragique propre à l’auteur : dans une même scène McDonagh porte au plus haut à la fois le rire et le drame. A sa manière, le mélange est osé… et ne convainc pas toujours au début. Cependant, le film est si énergique – rythmé et intense – et les péripéties du scénario si improbables que cette bizarre mais rare combinaison de mélodrame et d’humour noir finit par emporter.
De plus, les acteurs font vivre des personnages marquants. Ils apparaissent d’abord comme de spectaculaires caricatures mais leur richesse sera peu à peu révélée par l’intrigue, jusqu’à en devenir émouvants. Une trajectoire qui reflète celle du film tout entier, qui commence dans la rage et s’achève sur ce qui est presque de la tendresse.
L’indéniable qualité de ces audaces d’écriture basées sur l’alliance des contraires apporte beaucoup au film… et le dessert aussi parfois, car ces audaces rendent trop visibles justement cette écriture, ce qui provoque des effets de « décollement du réel » qui font décrocher du film. Comme ces lettres posthumes postées aux différents personnages, qui certes sont drôles (par leur ton) et tristes (car c’est un mort qui s’exprime), mais servent trop bien la mécanique de l’intrigue pour qu’on les croit vraisemblables (elles contiennent même une explication psychologique (redondante) de chaque personnage !).
« 3 billboards » est donc un film original, mémorable et particulièrement actuel. Il interpelle et ne peut laisser indifférent… tout en étant loin d’être le chef-d’œuvre promis par la campagne pour les Oscar.

On retiendra…
L’alliance des contraires : mélodrame et humour noir, rage et tendresse… L’énergie du film et la force de ses interprètes.

On oubliera…
L’alliance des contraires ne fonctionne pas toujours… Des passages sont aussi surécrits.


« 3 billboards, les panneaux de la vengeance » de Martin McDonagh, avec Frances McDomand, Sam Rockwell, Woody Harrelson,…

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