En reliant
ses films de super-héros en une seule histoire (supposément) cohérente, appelée
le « Marvel Cinematic Universe », Marvel-Disney a suscité la
convoitise de tous les autres grands studios hollywoodiens. Les milliards de
dollars amassés par ces films qui se répondent les uns les autres ont poussé
dans un bel élan d’inspiration créatrice WarnerBros, 20th Century Fox,
Universal, Paramount et Legendary Pictures à préparer leur propre
« univers cinématographique de super-héros », qui pourra être décliné
en une multitude de films.
Mission impossible
C’est dans
ce cadre que sort « Batman v Superman ». Comme l’indique très
simplement son titre, l’idée première du film est de faire s’affronter les deux
super-héros les plus célèbres (idée reprise immédiatement par Marvel dans un
autre bel élan d’inspiration créatrice, cf « Captain America : civil
war »). Mais c’est bien plus compliqué que cela : le film doit aussi
être la suite de « Man of steel », tout en étant un reboot de la saga
« Batman », ainsi que la préquelle de « Justice League »
(l’équivalent DC Comics des « Avengers » de Marvel). Un cahier des
charges si lourd qu’il vire à la mission impossible, confié à Zack Snyder, le
génial réalisateur de « 300 » et « Sucker punch », déjà
auteur de « Man of steel ». On ne s’étonnera donc pas que le film ne
ressemble à rien, si ce n’est peut-être à la suite de « Man of steel ». « Batman v Superman » échoue à peu près sur tous les tableaux.
Nolanisé
Le film
commence par nous raconter une nouvelle fois la genèse de Batman, joué cette
fois-ci par Ben Affleck. Au passage, l’acteur est toujours aussi mauvais, mais
a le mérite d’être complètement raccord avec l’interprétation tout aussi
inexpressive d’Henry Cavill (Superman). C’est complètement inintéressant :
comment nous faire adhérer à ce nouveau Batman, alors que tout le monde a
encore en tête les trois films de Christopher Nolan, sortis entre 2005 et
2012 ? D’autant plus que cette nouvelle version du justicier masquée est
très proche de celle imaginée par Nolan, dont elle essaie à peine de se
démarquer…
La deuxième
partie du film ressemble à une suite de « Man of steel ». J’ai déjà
discuté ici de tous les problèmes attachés à cette représentation
« nolanisée » de Superman : ce personnage est par essence trop
ridicule et trop surhumain pour qu’on puisse le traiter avec la même gravité que
Batman dans la trilogie « The dark knight ». Les défauts de
« Man of steel » se retrouvent donc logiquement dans « Batman v
Superman », notamment ce décalage entre le sérieux de la représentation de
Superman et le comique qu’elle engendre involontairement… Pourtant, cette
partie du film est peut-être la plus intéressante sur le plan du scénario car
elle ébauche un début de réflexion sur la toute-puissance (la superpuissance de
Superman, qui se rapproche de celle de Dieu, constitue à la fois une protection
et une menace pour l’humanité)… mais elle agace car le scénario reprend la même
construction narrative que les trois épisodes de « The dark knight ».
Il s’agit une fois de plus d’un piège moral mis en place par un grand méchant,
ici joué par Jesse Eisenberg, pour contraindre le super-héros à faire le mal…
Le souvenir du Joker joué par Heath Ledger et des autres méchants de Nolan est
encore trop frais pour que les manigances de Lex Luthor fassent penser à autre
chose qu’à du déjà-vu. De plus, le jeu excessif de Jesse Eisenberg, qu’on était
pourtant curieux et content de voir ici, se révèle très mal contenu : ses
premières apparitions font sourire, puis les excentricités de l’interprétation
deviennent à la longue profondément énervantes.
Marvelisé
La dernière
partie du film n’est plus qu’un déluge d’action où l’on voit enfin combattre
les deux super-héros. Le combat de Batman et de Superman est plutôt
impressionnant, et contient même un lointain second degré (les pièges de Batman
qui échouent les uns après les autres, la jubilation de détruire le décor à
coups de coups de poings) qui rend illico la scène plus intéressante que tout
ce qui avait précédé.
Mais le
film se remettra bien vite dans des rails nettement plus conventionnels :
comme absolument tous les films de super-héros, il s’agira une fois de plus
d’une alliance de super-héros contre un boss final très méchant. Là encore, le
sentiment de déjà-vu est trop fort pour susciter un quelconque intérêt. La
seule bizarrerie vient de l’arrivée dans le combat de Wonder Woman, qui
ressemble à une guerrière de l’âge de bronze. Elle explose les jauges de
ridicule du film et rend définitivement boiteuse cette séquence censée nous
faire verser des larmes d’émotion par sa résolution.
Le film,
qui n’avait pas eu de vrai début, se termine évidemment sur une non-fin ouvrant
sur les épisodes futurs, dans la même logique des films Marvel qui ressemblent
de moins en moins à des films et de plus en plus à des morceaux de films
laissant perpétuellement sur sa faim le spectateur. Autre (gros) point
d’énervement : « Batman v Superman » crée artificiellement des
connexions avec des films « spin-off » déjà en chantier chez
WarnerBros. On a parfois l’impression que la narration fait des écarts juste
pour nous faire la promotion des prochaines productions du studio !
Lassé
Au final,
cet énième film de super-héros pâtit de la lassitude générée par le trop grand
nombre de films de super-héros, tous semblables, produits par Hollywood en dix
ans. « Batman v Superman » se contente de reproduire deux recettes
gagnantes : celle du concurrent Marvel et celle de la trilogie « The
dark knight » de Christopher Nolan. C’est très décevant, puisque en
confiant ce film à Zack Snyder, WarnerBros semblait faire le pari d’un « DC
cinematic universe » mis en scène non pas par des faiseurs comme chez
Marvel, mais par des auteurs. Sauf que « Batman v Superman » ne
ressemble pas à un film de Zack Snyder (encore moins que « Man of steel »), excepté une seule et unique séquence (d’ailleurs
complètement gratuite dans la narration !), et qui est de loin la
meilleure du film : il s’agit d’un cauchemar situé dans un décor
post-apocalyptique, où Batman combat des sbires de Superman le temps d’un
plan-séquence comme Snyder sait si bien
les faire… C’est à ça qu’aurait dû ressembler « Batman v Superman »
pour être original, c’est peut-être à ça qu’aurait ressemblé « Batman v
Superman » si Zack Snyder avait eu les coudées franches pour réaliser ce
blockbuster de masse ployant sous ses enjeux commerciaux faramineux.
On retiendra…
Une séquence terrifiante (un
cauchemardes de Batman), à la direction artistique surprenante, proposant une
scène d’action trépidante, mais qui ne dure que quelques minutes.
On oubliera…
Un film sans début ni fin et
faisant la promotion de ses suites et dérivés, aux airs de déjà-vus (et
déjà-entendus pour la musique de Hans Zimmer), puisqu’il copie sans imagination
la formule Marvel et la trilogie Batman de Nolan.
« Batman v
Superman » de Zack Snyder, avec Henry Cavill, Ben Affleck,…
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