jeudi 12 juin 2014

Jimmy s'en va danser (Jimmy's Hall)

Ken Loach n’en est pas à sa première sélection cannoise puisqu’il a déjà par le passé présenté treize films sur la Croisette. Après son prix du jury pour « La part des anges » (2012), Loach revient donc avec « Jimmy’s Hall », qui raconte comment un dancing tenu par le Jimmy du titre a été perçu comme une menace pour le pouvoir dans l’Irlande d’après guerre civile – d’après « Le vent se lève », Palme d’or en 2006. Treize sélections déjà, et pourtant le maitre anglais a réussi à faire de la projection de « Jimmy’s Hall » un événement en annonçant lors de son tournage qu’il s’agirait de son dernier (et vingt-sixième !) film de fiction. Décision dont il était heureusement moins sûr au moment de la projection du long-métrage à Cannes. Heureusement, car Loach est une figure majeure du cinéma européen dont on voudrait continuer à suivre la filmographie, mais surtout parce qu’en se retirant maintenant, Loach ferait ses adieux avec un film bien mineur.


Continuité
« Jimmy’s hall » s’inscrit dans la continuité de l’œuvre de Loach. Il s’empare avec son inséparable scénariste Paul Laverty, d’une histoire irlandaise, certes méconnue, mais portée à l’écran par le cinéaste sans surprise. Le fait historique est très intéressant car il révèle une époque, l’Irlande des années 1930. Il montre l’emprise quasi rigoriste de l’Eglise sur cette société très figée, pas vraiment rétablie de la fin de la guerre, mais avide pour une partie de changement, de libération, d’ouverture. Ken Loach saisit encore une fois quelque chose de l’état d’esprit d’alors, montre un amour certain pour ses personnages, tous attachants quel que soit leur camp. Il est aidé par une distribution est exemplaire. Barry Ward est très charismatique dans le rôle de Jimmy Gralton.

Gagner une cause déjà emportée
La réussite de la construction des personnages, de l’interprétation ou encore de la photographie qui oppose à la grisaille froide, humide et boueuse des extérieurs la chaleur du Jimmy’s Hall est toutefois ternie par des imperfections de mise en scène. On citera par exemple une séquence en montage alterné qui entremêle passé et présent sans que le spectateur arrive à distinguer les deux convenablement, les acteurs paraissant aussi âgés dans les deux époques.
Avec toute la filmographie qu’il a bâtie, on sait d’avance quel camp Ken Loach soutiendra dans cette histoire : on aurait donc aimé que sa position dans cette histoire soit moins assénée. Lorsqu’il compare les deux camps, encore une fois au cours d’un montage alterné, le cinéaste fait basculer son film dans la comédie (volontairement) – mais ce changement de registre se fait au prix d’une caricature. Le réalisateur n’avait pas besoin de forcer ainsi l’adhésion de ses spectateurs aux associés de Jimmy Gralton – ils lui étaient déjà acquis par son charisme.
« Jimmy’s Hall » manque peut-être aussi de développements. L’intrigue sentimentale ne convainc pas vraiment et peut même paraître plaquée – elle est en tout cas paresseuse. L’éveil et les autres conséquences apportées par la réouverture du Hall sont aussi bien rapidement esquissés. Ce qui intéresse et est dépeint avec talent par Ken Loach est la transformation, bien malgré lui, de ce simple ouvrier exilé en figure quasi révolutionnaire qui inspirera la jeunesse et marquera les consciences malgré, ou à cause de, la répression absurdement violente dont il a été victime. C’est dans ces scènes collectives qu’on retrouve Ken Loach à son meilleur.

On retiendra…
Certaines scènes sont traversées par un vrai souffle revendicatif, porté par le collectif et le charisme discret de Barry Ward.

On oubliera…
Des erreurs de mise en scène et des basculements de registre qui fragilisent la puissance du film.


« Jimmy’s hall » de Ken Loach, avec Barry Ward, Simone Kirby, Jim Norton,…

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