jeudi 16 mai 2013

En différé de Cannes 1 : JG (Gatsby le magnifique)

En 1924, Francis Scott Fitzgerald écrivit une grande partie de son chef-d’œuvre « Gatsby le magnifique » sur la Côte d’Azur. Tel est le prétexte officiel expliquant la projection en ouverture de Cannes de l’adaptation du roman par Baz Luhrmann … En préparation depuis 2008, filmé en 2011, annoncé en décembre 2012, le film a été repoussé peu avant sa date de sortie initiale au mois de mai 2013 – se positionnant idéalement pour l’ouverture du festival, et évitant du même coup une trop rude concurrence avec les films des Oscars.
C’est donc peu dire que « Gatsby le magnifique » était attendu, non pas tant à cause de la promotion intensive orchestrée depuis quelques mois autour de la bande originale du film, mais pour son statut de nouvelle adaptation du roman de Fitzgerald (la précédente, de Jack Clayton, date de 1974). Comment Baz Luhrmann, réalisateur rare (cinq films en vingt et un ans) connu pour l’exubérance de sa mise en scène, allait-il adapter un des plus grands romans américains du XXème siècle ?


Faste et furieux
Baz Luhrmann n’est pas un réalisateur de la demi-mesure. Comme ses précédentes œuvres, « Gatsby le magnifique » est parsemé d’effets visuels tape-à-l’œil entrant en parfaite adéquation avec l’esthétique aussi kitsch que foisonnante de sa mise en scène. Luhrmann trouve dans le New-York des années folles, les fêtes et le palais de Gatsby un terrain de jeu idéal pour y développer la rutilance de sa mise en scène. Qu’on aime ou pas le style de Luhrmann, on ne manquera pas d’être impressionné par tant de faste.

Artifices artificiels
Quant à savoir si l’œuvre de Fitzgerald méritait tous ces artifices, c’est une toute autre question. Pour transposer le style extraordinaire de Fitzgerald et la mélancolie de son oeuvre, le réalisateur déploie toute une panoplie d’idées qui s’accordent… plus ou moins bien avec le roman. Difficile de dire si le plus l’emporte sur le moins : le film est tout autant traversé d’échecs lamentables que de réussites inattendues.
Echec lorsque Luhrmann s’embourbe dans des effets visuels numériques faisant passer son film pour un jeu-vidéo (les multiples traversées par la caméra de la baie de Long Island) ; réussite lorsqu’il décide de tourner cette adaptation en 3D, utilisée avec simplicité et puissamment immersive ; échec lorsqu’il brise une bonne idée de mise en scène par un montage trop rapide  en fondus enchainés (procédé dont il est si féru) ; réussite lorsqu’il remplace la musique jazz abondamment citée dans le roman par un curieux mélange anachronique à base de hip-hop ;  échec lorsqu’il force un parallèle (en ouverture du film) entre les années d’avant le krach de 1929 et notre propre époque – un parallèle ridiculisé par la charge symbolique de l’histoire et du destin de Jay Gatsby développé par Fitzgerald qui se suffit à elle-même ; réussite lorsqu’il comble les ellipses difficilement transposables du roman ; échec lorsqu’il imprime sur l’image-même du film, dans un procédé risible, des phrases issues du livre de Fitzgerald – comme si, mêmes prononcés, les mots n’étaient déjà pas assez forts…
Cette liste pourrait être longuement poursuivie. Elle ne fait que rendre compte de la bizarrerie et de l’anticonformisme de cette adaptation d’un chef-d’œuvre de la littérature. Toutefois, ce qui la sauve et finit par nous convaincre est, au-delà de la force du matériau d’origine, le choix de Leonardo DiCaprio dans le rôle-titre. S’il est désormais impossible d’imaginer un autre acteur pour ce rôle, il n’est pas trop tard pour réaffirmer que ce rôle était fait pour lui.

On retiendra…
Une adaptation 3D tout sauf académique de Fitzgerald portée de bout en bout par DiCaprio et le reste de l’excellente distribution.

On oubliera…
Les idées de Baz Luhrmann peuvent tout aussi bien être boiteuses que naïves, ridicules, ou juste ratées.

« Gatsby le magnifique » de Baz Luhrmann, avec Leonardo DiCaprio, Tobey Maguire, Carey Mulligan,…

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