Ce blockbuster Universal, présenté comme la nouvelle réalisation du metteur
en scène de « V pour Vendetta », James McTeigue, a été si peu diffusé
au cinéma en France qu’on était pas loin de qualifier sa sortie de technique. « L’ombre du mal » (« The raven » en VO)
n’a pourtant rien d’un film d’auteur, ni d’un nanar. C’est même une très bonne
surprise, même si celle-ci peine à tenir son heure et demie.
Poe façon jeu de piste
Edgar Allan Poe est à l’honneur cette année. Après l’inoubliable
« Twixt » de Francis Ford Coppola dans lequel il tenait un rôle
essentiel au sens de l’œuvre sous les traits de Ben Chaplin, le voici incarné
par John Cusack. Celui-ci ne fait guère illusion comme incarnation d’une figure
emblématique de la littérature, mais a le mérite de donner le ton du film.
Résolument peu historique, « L’ombre du mal » n’a pas d’autre
ambition que de proposer une réjouissante revisite de l’univers du plus grand
écrivain fantastique américain du XIXème siècle.
Bien plus que la réalisation de McTeigue - parfois inutilement stylisée,
mais qui se tire avec les honneurs de la recréation d’un Baltimore gothique -,
c’est le scénario qui retient l’attention. L’écrivain se retrouve confronté à
un tueur en série perpétrant ses meurtres en reproduisant les nouvelles les
plus fameuses du poète. Le jeu de piste du meurtrier avec Poe et le commissaire
de police qui l’assiste (bon Luke Evans) rend donc un bel hommage au maître du
fantastique, mais finit cependant par s’essouffler à la fin, par manque de
réalisme et un certain effet de répétitivité. Le réalisme ôté, le suspense
s’estompe et il devient plus difficile d’accepter l’artificialité du
dispositif. D’autant plus que le moteur de cette course-poursuite est une
histoire d’amour pas très finement interprétée.
Coïncidence…
Comme dans « Twixt », mais d’une manière beaucoup plus grossière,
le film évoque le thème de l’inspiration née de la douleur : ce n’est que
dans le malheur que Poe réussit à composer ses nouvelles. Le film ne pousse pas
plus loin que ça la réflexion, mais de la part d’un blockbuster c’est déjà pas
si mal. Surtout, ce qui frappe dans ce film, c’est l’autre thématique développée
par les scénaristes : la responsabilité de l’auteur face aux
interprétations de son œuvre. Dans le film, Poe s’horrifie à l’idée que chacun
des nouvelles qu’il a écrites puisse servir de source d’inspiration à un
meurtrier. Là encore, le film ne brille pas par le traitement de ce sujet, mais
résonne étrangement avec l’actualité et la tragédie de l’avant-première du
dernier volet de la trilogie « Batman » de Christopher Nolan. Une
coïncidence comme le cinéma en produit parfois, et qui donne au film une aura
particulière.
On retiendra…
Edgar Allan Poe,
héros inattendu d’un blockbuster américain, revisité grâce à une bonne idée de
scénario.
On oubliera…
Un essoufflement
final et la réalisation tape-à-l’œil de James McTeigue, qui a visiblement tenté
de réfréner ses ardeurs stylistiques tout au long du film avant d’y laisser
libre cours dans un générique final – qui n’est du coup pas du tout raccord
avec le film lui-même.
« L’ombre du
mal » de James McTeigue, avec John Cusck, Luke Evans,…
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