Pablo Trapero porte, avec Juan José Campanella, un cinéma argentin de
genre talentueux, spectaculaire de maîtrise, et surtout fortement ancré
localement. « Carancho » l’an dernier m’avait fortement marqué. Son
nouveau film, « Elefante blanco » (Un certain regard à Cannes),
quoique moins réussi que le précédent, n’en reste pas moins prodigieux. Déjà
sorti en Espagne, il devrait sous peu arriver dans les salles françaises.
Darín, Gusman et…
Chaque film de Pablo Trapero explore
des facettes de la société argentine, partant de l’ordinaire pour aller jusqu’à
l’extrême, à l’image de l’escalade poussée jusqu’à l’absurde des accidents de
voiture dans « Carancho ». Et pourtant, cela sonne toujours juste car
le ton est grave, et c’est ce qu’il y a de plus extraordinaire dans ses films.
Dans « Elefante blanco »,
Trapero s’attaque « au plus grand hôpital d’Amérique latine »,
gigantesque bâtisse entourée de bidonvilles en construction depuis quarante
ans. Et, surprise au casting, aux côtés de Ricardo Darín et Martina Gusman, se
trouve… Jérémie Renier. Qui s’en sort très bien, et ne fait pas tache au milieu
de tout ces acteurs argentins - et heureusement, car il incarne le personnage
principal du film, que l’on découvre méconnaissable dans une scène introductive
très spectaculaire.
Réalisme
Trapero continue de déployer sa mise
en scène au travers de longs plans-séquence, qui, pour peu qu’on y fasse
attention, ne peuvent manquer d’impressionner. L’intérêt de ces plans-séquence
est un immédiat effet de réel, la caméra suivant les personnages au travers du
dédale des bidonvilles ou de l´hôpital à la construction arrêtée. Ces décors du
film - la carcasse de l’hôpital qui écrase les constructions branlantes des
baraquements qui ont poussé autour de lui, et le nombre de figurants –
notamment lors des affrontements entre police et habitants - sont très
impressionnants, d’autant plus que l’on devine immédiatement qu’il ne s’agit ni
de décors de cinéma, ni d’acteurs professionnels, sinon les habitants et leur
quartier. Trapero peut ensuite développer son histoire, sans craindre de perdre
cet effet de réel face à une situation trop horrible, et que le spectateur
décroche en se disant que le film verse dans la surenchère. Il réussit aussi à
provoquer de brusques ruptures de ton, surprenantes, et qui font écho aux
ruptures du montage, sautant de plans-séquences en plan fixes, ou à celles de
la très belle musique de Michael Nyman.
L’intensité de l’ensemble tire une
fois de plus le film vers une grande émotion. Mais le réalisateur ne poussera
pas son histoire jusqu’à la quasi absurdité de « Carancho » - parce
que le sujet ne s’y prêtait pas, qu’il s’agit ici de raconter la naissance
d’une vocation. Mais du coup, j’ai trouvé son film précédent plus puissant
encore que celui-ci, qui a pour lui une plus grande ampleur. « Elefante
blanco » est, par bien des aspects, le premier péplum de Trapero.
On retiendra…
La méthode Trapero, toujours aussi efficace et poignante,
dans son film le plus ample.
On oubliera…
La méthode Trapero évolue – la présence d’un acteur belge
au casting lui apporte un peu de fraîcheur - mais se renouvellera-t-elle ?
« Elefante
blanco » de Pablo Trapero, avec Jérémie Renier, Ricardo Darín, Martina
Gusman,…
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