Film de
gangster, film d’arts martiaux, film de guerre, et enfin western : de « Reservoir
dogs » à « Django unchained », Quentin Tarantino a exploré à
chaque nouveau film un genre différent, toujours plus ou moins hybridé avec d’autres,
jusqu’au western donc. Or, pour son huitième film, Tarantino se « répète »
pour la première fois, et retourne sur les terres du western. C’est peut-être
de là que vient la première déception éprouvée en regardant le film : d’une
manière inédite, le spectateur est en terrain connu face à un nouveau film de
Tarantino.
Western théâtral
Difficile
cependant de reprocher à QT sa passion pour le western, raison qui l’y fait s’y
replonger, surtout qu’il le fait très bien et « en grand » (au
moins dans la première partie) : tournage en 70 mm et photographie somptueuse,
décors enneigés flamboyants, costumes magnifiques… et musique (originale) d’Ennio
Morricone ! Sauf que tout ceci se retrouve bientôt confiné dans la
(grande) pièce unique d’une auberge, qui servira d’abri aux « huit
salopards » du titre français, pendant que le blizzard sévira à l’extérieur.
Huit personnages à l’identité incertaine, qui chercheront à se connaitre, puis –
évidemment chez Tarantino – à se tuer, une fois que le passé de chacun sera
déterré. Ce huis-clos enneigé où tout n’est que faux-semblant et où la violence
sourd, rappelle le terrifiant « The thing » de John Carpenter. Ça ressemble
aussi à une pièce de théâtre, avec cette unité de lieu, de temps, d’action – ce
qui n’est pas sans humour, eu égard au prestige du 70 mm avec lequel Tarantino
a tourné cette histoire (le format associé aux grandes épopées)…
Narration éclatée
en un puzzle temporel de chapitres, dialogues longs et tortueux, pleins de
violence mais toujours prononcés avec une exquise civilité, flash-backs, insertions
de chansons modernes, répétition d’une scène sous un autre angle, coup de
théâtre souterrain… et explosions de violence gore : Tarantino reprend
toutes les ficelles formelles de son cinéma, dans ce film qui ressemble à un
condensé de son œuvre. C’est donc très bien… mais l’on aurait quand même aimé plus
de fraîcheur : en refaisant un western, Tarantino frôle pour la première
fois la redite. Ceci peut s’illustrer par un point du film en particulier :
la manière dont Tim Roth est dirigé. De ses intonations à sa gestuelle, Tim
Roth imite – parfaitement – Christoph Waltz. Ce dernier était-il indisponible
pour le tournage (à cause de « 007 Spectre ») ? Lors de la
projection, cette imitation crée une confusion, et interroge sur le degré d’inspiration
du réalisateur qui n’a peut-être pas su réécrire un rôle imaginé pour un autre.
Malaise
Mais ces quelques
problèmes sont des détails à côté de ceux que posent ici les provocations
violentes et racistes de Tarantino. On sait bien que QT n’est pas raciste –
comment aurait-il pu écrire et réaliser « Django unchained » sinon ?
– mais il va trop loin dans « Les huit salopards ». Ce n’est
plus du rire qu’il provoque, mais du malaise.
L’origine
de ce malaise vient du fait que le film n’est pas adossé à une entreprise de
vengeance historique comme « Django unchained » ou « Inglorious
basterds » – même si « Les huit salopards » n’est pas pour
autant déconnecté de toute ambition historique, puisqu’il évoque les fractures
sociales et les rancœurs laissées par la guerre de Sécession. De plus, aucun
des « huit salopards » n’est à sauver. Or, un personnage
tarantinesque est toujours monstrueux, proche de la caricature. Tous les
personnages seront donc rendus abjects au cours du film. En absence de héros
positif, et d’entreprise de correction de l’Histoire, Tarantino semble ne tenir
aucun discours, et sa manière de montrer le racisme de l’époque ou de
représenter la violence apparait alors comme gratuite et complaisante. A croire
que Tarantino voulait donner raison à ses détracteurs de toujours ! Après
deux films aussi formidables que « Inglorious basterds » et « Django
unchained », c’est d’autant plus inattendu et regrettable.
Au lieu d’un
grand film sur l’Amérique, « Les huit salopards » ressemble donc plutôt
à un huis-clos très bien construit, mais tournant à vide.
On retiendra…
C’est toujours avec grand
plaisir que l’on retrouve la forme Tarantino. L’amour que met le réalisateur à ressusciter
le western.
On oubliera…
Sans justification évidente,
les explosions de violence et les incessantes insultes racistes apparaissent
comme gratuites et provoquent le malaise.
A noter :
Quentin Tarantino a convaincu
ses distributeurs d’exploiter « Les huit salopards » en 70 mm, avec
une ouverture et un entracte. C’est avec un immense plaisir que l’on assiste à
cette projection qui revêt alors un caractère exceptionnel et rappelle l’époque
classique des grands films hollywoodiens, que l’on ne pouvait plus que vivre
par le biais de projections DVD. Gros bémol cependant : ce bonheur ne sera
que très difficile d’accès, avec une seule copie 70 mm pour toute la France…
« Les huit salopards »
de Quentin Tarantino, avec Samuel L. Jackson, Kurt Russell, Jennifer Jason
Leigh,…
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