vendredi 24 février 2012

Chapeau bas, Chabat (Sur la piste du Marsupilami)


-          On critique assez souvent les blockbusters américains, mais jamais les grosses comédies françaises populaires ! Rectifions le tir avant que cela ne devienne une règle…
-          Pour celui-ci, ça ne me dérange aucunement ! Il y a dix ans déjà sortait « Astérix et Obélix : Mission Cléopâtre ». Dix ans plus tard, au cinéma, rien ne nous avait fait autant rire que cette deuxième adaptation des aventures d’Astérix. Après ce film, Chabat n’avait plus rien réalisé…
-          A « RRRrrrr !!! » près !
-         D’accord ! Il ne faut pas oublier ce film-farce sorti en 2004, bide public et critique qui semble n’avoir servi à Chabat qu’à relâcher la pression autour de ses réalisations après les 14,5 millions de spectateurs d’ « Astérix… ». Aujourd’hui, on aurait tort de s’attendre à une déception avec « Sur la piste du Marsupilami », car pour nous le miracle du deuxième épisode d’ « Astérix » s’est enfin reproduit !
-          L’attente fut grande, mais le résultat est à la hauteur : malgré un début hésitant, drôle mais dénué de la dinguerie espérée, le film prend son envol au bout de dix minutes pour ne plus atterrir : les gags se mettent à pleuvoir. Deux scènes sont particulièrement géniales (mais nous n’allons certainement pas les raconter, sinon ce serait moins drôle !). On notera juste la confiance suicidaire de Lambert Wilson en Alain Chabat dans une scène risquée dont on imagine que peu d’acteurs l’auraient accepté, mais qui se révèle être la plus drôle du film ! Une immense surprise, instantanément culte, absolument irrésistible.
-          En projet depuis 2005, l’adaptation au cinéma des bandes-dessinées Marsupilami de Franquin a les allures de l’ « Avatar » d’Alain Chabat. Le scénario est comme toujours complètement loufoque, et mélange tous les genres… allant même jusqu’à Samuel Beckett ! Comme toute grande comédie française, c’est l’occasion d’une réunion de beaucoup d’acteurs comiques français, même si à ce jeu-là on est loin des castings à stars de la franchise « Astérix ». Jamel Debbouze est toujours hilarant, tout comme Alain Chabat. Seul Fred Testot n’est pas aussi drôle qu’attendu, mais rien de grave non plus.
-          N’oublions pas de commenter les effets spéciaux : un des plus gros enjeux du film est quand même la transposition de la créature du Marsupilami  au cinéma ! Pour cela, Alain Chabat a choisi l’animation 3D, et le résultat est plutôt réussi, sans être renversant. Le Marsupilami a un côté peluche plutôt surprenant mais Chabat sait jouer des articulations improbables de sa queue.
-          Au final, « Sur la piste du Marsupilami » n’est bien évidemment pas le film de l’année, mais bien une des comédies les plus drôles que nous ayons vu depuis bien longtemps.

On retiendra…
Une avalanche de gags, une folie qu’aucun autre réalisateur n’a encore su reproduire.

On oubliera…
Fred Testot, pas vraiment drôle.

A noter :
« Sur la piste du Marsupilami » est le premier film européen à être exploité en IMAX. Espérons que d’autres productions françaises suivront ! Malheureusement, nous ne l’avons pas vu sous ce format-là, et ne pourrons pas vous dire si l’IMAX a ou non un intérêt pour cette comédie.

« Sur la piste du Marsupilami » d’Alain Chabat, avec Jamel Debbouze, Alain Chabat, Patrick Timsit,…

lundi 20 février 2012

Ardu (La taupe)

Après le très ambigu « Morse », film de vampire tellement révolutionnaire par rapport au reste du genre qu’on se demande s’il est vraiment pertinent de l’y rattacher, le suédois Tomas Alfredson tente la traversée ô combien risqué de l’Atlantique. L’an dernier, un autre cinéaste nordique l’avait réussi avec brio : le danois Nicolas Winding Refn avec « Drive », tandis que plus au sud l’italien Paolo Sorrentino s’y était plutôt cassé les dents (l’inabouti mais néanmoins très drôle « This must be the place »).


Mise en scène splendide
On ne pourra pas dire qu’Alfredson a raté son arrivée à Hollywood : « La taupe » (« Tinker, soldier, spy » en VO) brille par sa mise en scène. On retrouve le goût du réalisateur pour les silences, les non-dits, à travers notamment le personnage formidablement interprété par Gary Oldman. La lumière froide et la léthargie générale, ainsi que ce côté un peu éthéré de l’image, sont aussi caractéristiques du réalisateur. Certains plans sont magnifiques, comme cette larme répondant à une goutte de sang à la fin du film. Les discussions tenues au sein du QG des services secrets britanniques, une sorte de chambre insonorisée, sont aussi excellemment bien rendues : le choix d’une focale courte laisse l’arrière-plan dans un flou qui s’accorde très bien avec le motif absorbant le bruit tapissant les murs de la pièce, et rajoute à l’impression d’isolation de la pièce.

Complexité fatale
Si « La taupe » confirme le talent de mise en scène de Tomas Alfredson, il fait au contraire douter de son discernement quant à ses choix de scénario. L’intrigue de « La taupe » anéantit tout le crédit que pouvait apporter sa mise en scène. Le film est l’adaptation d’un roman d’espionnage de John le Carré, et ne pourra être compris que par les spectateurs ayant lu le roman. Même en étant prévenu que le long-métrage est difficile à suivre, on est irrémédiablement perdu par la complexité extrême du scénario, et par d’étranges choix de montage qui ne tendent pas une seule fois la main vers le spectateur pour l’aider à débrouiller les fils de cette histoire.
Celle-ci se déroule à plusieurs époques différentes, fait des allers et retours par le biais de récits ou de souvenirs des personnages entre le passé et le présent, mais il est extrêmement difficile pour le spectateur d’arriver à situer chronologiquement une séquence au moment où on lui la présente. La direction artistique du film joue beaucoup sur le vieillissement des décors et des costumes, tout respire la fatigue, accuse son âge, et en particulier les acteurs, qui a priori pour respecter cette atmosphère n’ont pas été rajeuni lors des séquences se déroulant dans le passé. A moins que ce passé ne soit pas si vieux que ça, mais sans indice quelconque sur la date des événements, il est impossible de le savoir. Ainsi, des repères chronologiques insérés en sous-titres font cruellement défaut et auraient évité de perdre parfois inutilement le spectateur.
Dans un roman, ces repères chronologiques sont présents et consultables à loisir par le lecteur qui peut à tout moment revenir quelques pages en arrière s’il est perdu. La linéarité d’une projection cinématographique empêche ces retours en arrière, et demande davantage d’attention de la part du spectateur – de même que davantage d’explicitations de la part du metteur en scène. Leur absence accentue certes le classicisme du film, mais c’est un bien faible bénéfice. Le film se retrouve ainsi artificiellement complexifié, et fige Tomas Alfredson dans la posture du super-auteur si concentré à la mise en image de son scénario qu’il en oublie ses spectateurs.
Par ailleurs, la fin manque cruellement d’intérêt, car l’histoire n’insuffle aucun enjeu ni suspense à la découverte de la fameuse taupe, qui semble trop peu dangereuse. La fin n’a alors pas d’autre mérite que de remettre dans le bon sens les pièces éparses du puzzle présenté dans le plus grand désordre pendant les deux heures précédentes…

On retiendra…
La mise en scène de Tomas Alfredson, l’atmosphère usée du film, et le quasi mutisme de Gary Oldman.

On oubliera…
Un scénario trop complexe rendu incompréhensible par la mise en scène, transformant l’oeuvre en un grand film vain et raté.

« La taupe » de Tomas Alfredson, avec Gary Oldman,…

lundi 13 février 2012

Réputation imméritée (Star Wars - épisode 1 : la menace fantôme)


-          Non, je ne suis vraiment pas motivé là, mais alors pas du tout…
-          Dommage, mais on n’a pas le choix : on ne verra pas de films à temps cette semaine. Nous sommes donc obligés de consacrer un article à la ressortie de « La menace fantôme », premier épisode de la saga « Star Wars ».
-          Un film si mauvais que cela m’ôte jusqu’à l’envie de m’expliquer pourquoi je ne l’aime pas. C’est presque à en devenir malade lorsqu’on constate la ferveur aveugle qu’il suscite chez certains.
-      Il est vrai qu’on a du mal à comprendre – non, en fait, on ne comprend pas – comment les spectateurs ont pu se déplacer massivement dans les salles en 1999 pour aller voir un tel navet.
-        Par où commencer ? En reprenant sa saga 16 ans après la sortie du « Retour du Jedi », Georges Lucas anéantit tout ce qu’il avait bâti avec sa première trilogie. « La menace fantôme » marque le début du déclin du réalisateur, qui a annoncé il y a deux semaines qu’il « prenait sa retraite », lassé du métier. Depuis la fin des années 1990, ce producteur jadis visionnaire s’est complètement replié sur sa saga et n’a plus rien fait d’autre que sortir ou ressortir des « Star Wars » au cinéma.
-          « La menace fantôme » est un film ridicule, anormalement long, très kitsch, et surtout pas drôle. Les films précédents séduisaient par leur humour, alors que dans cet épisode les intermèdes comiques ne font plus rire du tout et agacent même prodigieusement le spectateur (tel le personnage de Jar Jar Binks). Le problème est que Lucas se prend désormais au sérieux, et tue du même coup le souffle et l’esprit régnant dans sa trilogie initiale.
-          Georges Lucas est en effet un réalisateur incompétent lorsqu’il s’agit de créer un drame, d’insuffler de l’émotion, créer des scènes épiques. Dire que sa direction d’acteur est mauvaise est un euphémisme. A moins que la faute n’en revienne aux dialogues, qui sonnent tous faux. Le scénario est catastrophique, bourré d’invraisemblances. Sans aucun rythme, il réunit à grande peine et avec beaucoup de maladresses les ingrédients supposés essentiels par Lucas à tout film à grand spectacle : à savoir des batailles terrestres, maritimes, spatiales, plus un duel au sabre laser, plus une course d’engins volants, et… une supposée intrigue politique pour relier tout ça, tellement faible qu’on s’endort en essayant de la suivre.
-          De plus, Georges Lucas dégrade son film en améliorant à chaque ressortie ses effets spéciaux. Il aura beau faire, il est impossible d’empêcher ses films de vieillir, et pour le coup, celui-ci, avec ses effets spéciaux numériques tous lisses, a vraiment mal vieilli. Beaucoup plus même que les épisodes IV, V et VI.
-          Et au fait, as-tu compris pourquoi il y avait écrit « 3D » sur l’affiche ?
-          C’était en 3D ? Ah ! C’est pour ça que j’ai si mal à la tête !...

On retiendra…
On cherche encore.

On oubliera…
Scénario, acteurs, décors, effets spéciaux et surtout la réalisation de Lucas.

A noter :
Pire que les remakes, reboots et autres spin-off, les ressorties 3D envahissent les écrans : « Titanic » le 4 avril et « Le Roi Lion », dont la conversion 3D serait toutefois d’une toute autre facture que celle du premier épisode de « Star Wars ». Les cinq épisodes restants ressortiront en 3D dans les cinq prochaines années.

« Star Wars – épisode 1 : la menace fantôme » de Georges Lucas, avec Liam Neeson, Ewan McGregor,…

lundi 6 février 2012

ça marave grave (Tucker et Dale fightent le mal)


-          Qu’est-ce qui t’a décidé à aller voir ce film ? Je dois avouer que moi j’aurais manqué de courage si tu ne m’avais pas proposé d’y aller, il sentait le nanar à plein nez…
-          Comment résister à un film au titre si bien traduit, « Tucker et Dale fightent le mal » ? Même si au final celui-ci ne se révèlera pas des plus appropriés, il a été suffisamment attrayant pour que je m’intéresse au film…
-          … Et tu as bien fait ! J’avais peur que ce film d’horreur parodique ne soit qu’un conglomérat de références au cinéma d’horreur, et sans aucun intérêt pour les spectateurs non adepte du genre. Mais non ! « Tucker et Dale fightent le mal » est un brillant hommage aux films d’horreur, qui se suffit à lui-même parce qu’il s’empare de clichés du genre universellement connus - pour les retourner d’une manière extrêmement comique.
-          Le titre laissait présager un film débile mais drôle, or il se trouve que « Tucker et Dale fightent le mal » est bien plus intelligent que ça. Le film regorge de bonnes idées, et est doté d’un excellent scénario en fait plutôt sophistiqué ! Les deux acteurs incarnant Tucker et Dale sont irrésistibles, en particulier Alan Tudyk, déjà hilarant dans la comédie anglaise « Joyeuses funérailles ».
-          Pas besoin donc d’avoir vu tous les classiques du cinéma d’horreur pour rigoler devant le film, même si il est toujours bien d’avoir vu « Massacre à la tronçonneuse » de Tobe Hooper (en soi déjà assez marrant) avant de voir celui-ci. La bonne idée des scénaristes est qu’au lieu d’écrire une comédie à l’humour douteux, ils sont rentrés dans le genre. Ils ont d’abord pensé une histoire banale de film d’horreur – qui aurait pu être traitée sérieusement – réunissant toutes sortes de péripéties stéréotypées, pour ensuite en donner une vision nouvelle et inattendue !
-          Le film perd quand même de son souffle à la fin, lorsque le spectateur est venu à bout de toutes ses surprises. « Tucker et Dale… » n’en reste pas moins un bon divertissement, ayant autant sa place au rayon comédie qu’à celui de film d’horreur.

On retiendra…
L’intelligence du scénario, la très bonne idée de départ et les deux acteurs principaux. Certaines scènes hilarantes.

On oubliera…
Une baisse de niveau dans le dernier quart d’heure.

« Tucker et Dale fightent le mal » d’Eli Craig, avec Tyler Labine, Alan Tudyk,…

lundi 30 janvier 2012

Ascendance (The descendants)


-          Penses-tu que Georges Clooney représente une menace sérieuse pour Jean Dujardin ?
-          Quoi ? Ils envisagent de remplacer Clooney par Dujardin dans les publicités Nespresso ?
-          Mais non. Ce sont les deux favoris pour l’Oscar du meilleur acteur.
-      Ah ! Ouais, Clooney est excellent dans son rôle, mais pas forcément meilleur que dans ses précédents films, comme « In the air ». De toute manière, ce n’est pas le sujet de cet article, consacré au film « The descendants ». Après le froid polaire de « Millénium », on ne pouvait rêver meilleure transition.
-       Ou plutôt absence de transition : c’est à Hawaï que se déroule le film. C’est de là que « The descendants » tire toute son originalité. Comme l’annonce la voix off de Clooney dès les premières minutes du film, vivre sur les îles paradisiaques hawaïennes ne vous exempte pas des douleurs encourues par les mortels du reste du monde. Le film ne lassera jamais le spectateur de l’opposition qu’il présente continuellement entre l’image stéréotypée que l’on se faisait de l’archipel et la tristesse de l’histoire. « The descendants » raconte en effet les difficultés auxquelles doit faire face Matt King, joué par Georges Clooney, suite à l’accident de hors-bord de sa femme, désormais dans le coma. Mais le cadre de cette histoire tout autant que le scénario du film ne cesseront de tempérer la gravité de cette intrigue, plaçant le film à la frontière du drame et de la comédie.
-      Visuellement, le décalage est immédiat entre la dureté du sujet et le décor du film : comment résister à cet archipel où tout le monde porte en permanence des chemises à fleur, quelles que soient les circonstances ? Mais cet arrière-plan complètement incongru pour un film de ce genre est en parfait raccord avec la tonalité générale du film. Outre le fait que la bande-son ne soit uniquement composée de musique locale, le réalisateur a le grand talent d’introduire même dans les scènes les plus difficiles des touches plus légères qui désamorcent tout pathos.
-          Si on excepte les trois plans du film où le réalisateur plonge entièrement dans le drame, en faisant brutalement advenir le silence notamment, les situations finissent toujours par basculer dans un registre plus léger. Parmi tous les personnages du film, il y en a même un résolument comique, qu’on croirait échappé d’un film humoristique.
-        En mêlant subtilement les genres, « The descendants » peut s’apprécier de manière complètement différente : on peut passer complètement à côté des allures comiques du film et n’y voir qu’une histoire de tragédie familiale pas forcément très originale, ce qui serait quand même dommage.
-      En revanche, d’autres aspects du film peuvent aussi s’avérer décevants : au-delà du scénario extrêmement prévisible, les personnages sont malheureusement tous très stéréotypés. On a ainsi affaire à l’adolescent ingrat, égoïste et tête à claque, mais qui se révèle par la suite avoir très bon fond, ou encore à la jeune fille mal élevée, mal éduquée, mais qui là encore saura révéler sa nature très positive lorsque les circonstances l’exigeront. Tout ceci a tendance à éloigner le spectateur du film, en rendant ce dernier artificiel et vain.

On retiendra…
Le balancement constant et très réussi du film entre la comédie et le drame, l’interprétation de Georges Clooney et… quoi d’autre sinon le cadre hawaïen du film ?

On oubliera…
Un peu moins de péripéties à la fin n’aurait pas nui à la crédibilité du film. Les caractères des personnages, tellement convenus.

« The descendants » d’Alexander Payne, avec Georges Clooney, Shailene Woodley,…

dimanche 15 janvier 2012

Déjà-vu (Millénium, les hommes qui n'aimaient pas les femmes)


-         Après avoir peut-être réalisé son meilleur film l’an dernier sur Mark Zuckerberg (« The social network »), David Fincher s’intéresse de nouveau pour son neuvième long-métrage à un autre personnage de geek à l’intelligence extraordinaire mais à la sociabilité difficile : Lisbeth Salander. Au côté du journaliste Mikael Blomkvist, elle est l’héroïne de la trilogie « Millénium » de Stieg Larsson.
-          Il ne pouvait y avoir de meilleur réalisateur que Fincher pour cette adaptation du premier tome de la saga littéraire suédoise ! Comme dans « Seven » et « Zodiac », il met encore une fois son immense talent au service d’une enquête policière très noire. Il suffit de voir la séquence introductive (précédant un magnifique générique) pour deviner que l’on est face à un film de Fincher : la photographie et la musique sont très semblables à celles de « The social network », ainsi que le montage.
-          Tu as parfaitement raison ! Après avoir déréglé le temps dans « L’étrange histoire de Benjamin Button », Fincher le met à l’épreuve : « Millénium » va (presque) aussi vite que « The social network ». Alors que dans ce dernier, le tempo accéléré du film entrait en résonance avec la rapidité du développement de Facebook et celle de réflexion de son créateur, ici ce rythme extraordinaire n’apparait plus que comme l’une des empreintes du réalisateur. Il parvient ainsi à traiter un scénario bien plus dense que celui de la première adaptation suédoise de la saga réalisée par Niels Arden Oplev, et ce alors que les deux films durent aussi longtemps. Peut-être ce rythme en déroutera certains, nous aurons du mal à l’évaluer étant donné que nous connaissions déjà l’histoire – grâce au livre et à l’adaptation suédoise.
-          La version suédoise est d’ailleurs un problème épineux au moment de rédiger cette chronique, car l’avoir vu influence beaucoup la perception de cette nouvelle adaptation. Le « Millénium » d’Oplev ne brillait pas par se mise en scène très convenue et peinait par moments à cacher son statut de téléfilm transporté sur grand écran, mais était quand même captivant grâce à son ambiance, la puissance de l’histoire imaginée par Stieg Larsson et l’interprétation de Noomi Rapace. Plus qu’une nouvelle adaptation, le « Millénium » de Fincher ressemble d’abord à un remake de ce film car on y retrouve la même atmosphère, quoiqu’en encore plus sombre. On pourrait d’ailleurs jouer au sept erreurs en comparant les deux films…
-          Mais ce serait totalement vain pour ceux qui ne l’ont pas vu, et qui se retrouveront peut-être face à un véritable choc devant le film de Fincher ! D’une formidable puissance visuelle, monté à un rythme hors du commun qui le rend passionnant de bout en bout, interprété par d’excellents acteurs et toujours aussi génialement accompagné par la musique de Trent Reznor et Atticus Ross, « Millénium » est un très grand film noir.

On retiendra…
La mise en scène de David Fincher, la vitesse de la narration et la formidable interprétation de Rooney Maara en Lisbeth Salander.

On oubliera…
Le film de Fincher a des allures de remake de la version suédoise. Il aurait fallu présenter une vision plus différenciée de l’histoire imaginée par Stieg Larsson… ou éviter de sortir le film moins de deux ans après la première adaptation.

A noter :
Daniel Craig et Rooney Maara ont signé pour la suite, à la sortie prévue fin 2013, avec ou sans Fincher derrière la caméra.

« Millénium, les hommes qui n’aimaient pas les femmes » de David Fincher, avec Daniel Craig, Rooney Maara,…

samedi 14 janvier 2012

Abritez-vous (Take shelter)


-          Tu les as entendus ?
-          Quoi ?
-          Les coups de tonnerre ! L’orage devait être tout proche…
-          Hum… J’étais sûrement trop absorbé dans mes révisions pour le remarquer. Rédiger cette chronique me changera peut-être les idées.
-          Avec de tels propos, tu ne peux que m’inquiéter… maintenant que nous avons vu « Take shelter », plus aucun coup de tonnerre ne me laissera indifférent.
-           Il est certain que l’année commence fort avec cet excellent film, mais je ne m’attendais pas à ce qu’il te dérange à ce point !
-          Il m’a autant dérangé qu’enthousiasmé : en réalisant son deuxième film seulement, le jeune Jeff Nichols s’impose comme un grand réalisateur. Dans ce long-métrage aussi poisseux que les heures précédents un orage d’été, le spectateur est plongé dans l’esprit de Curtis LaForche, un père de famille en proie à de telles visions apocalyptiques qu’il décide, dans l’incompréhension de ses proches, d’agrandir son refuge anti-tornade pour se protéger d’un danger qu’il est seul à ressentir.
-          La réussite du film tient à ses multiples interprétations, n’en proposant qu’une au départ pour en développer d’autres au fur et à mesure que le film avance, ce qui crée un suspense intense : Curtis est-il un prophète ou un fou ? L’originalité de la mise en scène est qu’elle ne cherche aucunement à faire naître la confusion dans l’esprit du spectateur entre ces deux interprétations. L’on sait parfaitement distinguer les rêves vaticinant de Curtis de la réalité. « Take shelter » ne multiplie pas les pistes de réflexion, il les superpose.
-          Le film réserve quelques grandes séquences très fortes émotionnellement, lorsque le spectateur partage les cauchemars de Curtis. Le temps d’une séquence, le montage use d’un procédé redoutablement efficace, en intercalant les images du rêve avec celles du réveil de Curtis, faisant craindre au spectateur qu’il n’en sortira jamais. D’ailleurs, le film entier marque durablement.
-          Malheureusement, je me dois de tempérer un peu ton enthousiasme à propos du film : sans vous dévoiler la fin, j’ai trouvé que « Take shelter » se terminait de manière trop attendue. J’en attendais peut-être trop de la part de ce film récompensé des grand prix de la Semaine de la Critique à Cannes et du festival de Deauville.
-          Mais le film ne pouvait pas se terminer autrement !
-          C’est bien là le problème : on sait déjà à quoi s’attendre avant de l’avoir vue. On est en droit d’attendre un peu plus de nouveauté. La froide certitude d’une fin du monde dans « Melancholia » était décidément bien rafraîchissante.

On retiendra…
L’interprétation de Michael Shannon qui porte tout le film sur ses épaules, la mise en scène de Jeff Nichols.

On oubliera…
Un regret : la fin n’est pas aussi originale que ce qui précédait.

« Take shelter » de Jeff Nichols, avec Michael Shannon, Jessica Chastain,…