mercredi 29 juin 2011

La conquête (Pater)

        Présenté par Thierry Frémaux comme le film le plus bizarre de l’édition 2011 du festival de Cannes, « Pater » justifie amplement cette réputation d’ovni. La forme du film est d’autant plus surprenante pour qui n’a jamais vu de films d’Alain Cavalier (du moins ceux de sa deuxième période, puisque apparemment il a commencé par réaliser des films « classiques ») comme ce fut mon cas.


        Dans « Pater », Alain Cavalier et Vincent Lindon se filment tour à tour, parfois accompagnés d’autres personnages/acteurs, en train de jouer pour le film ou de commenter ce que le tournage leur apporte. Le premier décide au début du film qu’il incarnera un président de la République, et choisit le second comme premier ministre, en lui confiant l’écriture d’une loi fixant l’écart maximal entre les salaires des employés et du patron au sein d’une même entreprise.
        On est tout d’abord interloqué par cette idée toute bête « Et si tu me filmais pendant que je fais le président ? Tu pourrais faire le premier ministre !» censée faire film. Mais on est très vite emporté par le jeu qu’offre alors la mise en scène en apparence si simple qu'elle a une l'allure faussement "amateur" (Cavalier se filme chez lui ou chez Lindon, la caméra apparaît plusieurs fois dans le champ), mais qui se révèle être un piège pour le spectateur. En effet, il n’est plus possible dans ce cinéma-là de distinguer le jeu de la vérité, la réalité de la fiction, la mise en scène de l’improvisation.
        Par exemple, Vincent Lindon (au visage parcouru de tics, jamais vus chez lui précédemment, ce qui montre à quel point il est naturel dans le film) avoue à la caméra qu’il se sent capable d’assumer la charge de premier ministre à condition d’être entouré des bonnes personnes. Impossible par la suite lorsqu’il s’exprime de savoir si c’est son personnage de fiction qui parle ou si c’est réellement lui. Le film en dit énormément sur le métier d’acteur. De même, la relation liant Cavalier à Lindon est triple : lorsque le premier parle au second, ce peut être comme un réalisateur s’adressant à son acteur, un président à son premier ministre, et même un père à celui qu’il considère comme un fils (d’où le titre). Les trois sont inextricablement mêlés et donnés à voir en même temps. Tous ces questionnements quant à la sincérité de ce que l’on voit rendent « Pater » passionnant.
        Le film s’amuse à décrire le quotidien des politiques, en visant une certaine universalité. La scène où est montré à Lindon, alors candidat aux présidentielles, une photo compromettante de son adversaire a résonné étrangement lors de la projection du film au festival de Cannes, au lendemain de l’arrestation de DSK. Comme si le cinéma avait eu une longueur d’avance. Mais c’est une pure coïncidence, qui n’est pas sans saveur, due à cette suite de micro-péripéties attendues d'une vie politique que Cavalier et Lindon ont imaginé et filmé pour nourrir leurs rôles fictionnels.
        « Pater » est donc un film littéralement extra-ordinaire, drôle et passionnant, nouveau et inclassable.

On retiendra…
L’opposition entre la simplicité de la mise en scène et la multiplicité des niveaux de lecture.

« Pater » de Alain Cavalier, avec Alain Cavalier, Vincent Lindon,…


vendredi 24 juin 2011

L'été américain 1 (X-Men : le commencement)

Hollywood n’a vraiment plus aucune idée. Les studios américains s’acharnent à enchaîner des suites, préquelles, remakes, reboot et autres spin-off. Les super-héros dont les déclinaisons comics ont dû connaître elles-aussi de multiples suites et relances, sont un terreau inépuisable pour ces producteurs en panne totale d’inspiration et n’osant plus rien. Cet été, tous les grands blockbusters américains sont des suites ou des remakes. La saison des blockbusters a commencé avec le décevant « Pirates des caraïbes 4 » et continue maintenant avec « X-Men : le commencement », cinquième film tiré de l’univers des X-Men. De cette saga, je n’ai vu que le film original, qui m’avait déjà semblé médiocre. Cette préquelle se révèle elle-aussi être un mauvais blockbuster.


Après une introduction réussie qui donne espoir, l’illusion d’assister à un bon blockbuster se dissipe assez vite pendant que l’histoire se met en place et que l’on comprend que toutes les promesses apportées par la première scène ne seront pas du tout tenues. Le film commence en effet de manière très sombre, en reprenant les mêmes plans que l’introduction de « X-Men » de Bryan Singer. Mais si le film est sombre, ce n’est qu’à ce moment-là. Or, il semble bien que la noirceur soit essentielle à ce type d’histoire.


Le ridicule de super-héros
Pour ôter aux super-héros le ridicule qui leur est attaché (rien que leur nom : s’appeler Magnéto ou Tornade est un sacré handicap), il n’y a que deux solutions : ou le réalisateur donne un second degré à son film pour en faire quelque chose de drôle, ou au contraire il lui donne une gravité (à l’exemple des Batman de Burton et Nolan). Matthew Vaughn, le réalisateur, s’est lancé dans la première option, mais ne réussit pas à faire rire, sinon sourire. Du coup, le combat final est plutôt risible lorsque tous les mutants utilisent leurs superpouvoirs dans des combinaisons de plongée kitsch à souhait. La femme-libellule et le diable rouge sont particulièrement ratés.
« X-Men : le commencement » n’aurait de toute façon pas pu être bon puisque une grande partie de son histoire est basée sur la découverte et la difficulté pour des adolescents à assumer leurs superpouvoirs, et donc leurs différences. Assez ! Il y en a déjà eu assez de semblables histoires! Le film n’apporte absolument rien de nouveau ni d’intéressant sur cet axe de l’intrigue qui devient vite ennuyeux, alors qu’il est doté d’une second axe racontant la relation entre le « Professeur X » et « Magnéto » nettement plus réussi à défaut d’être original, et servi par de bons acteurs (Michael Fassbender et James McAvoy). L’introduction du film fait partie de cet axe. Sauf que là-aussi il y a un problème : la noirceur initiale s’estompe très vite. Le grand méchant du film, un officier nazi qui fait peur dans la scène d’introduction, se transforme dans la suite de l’histoire en un mutant riche portant lunettes de soleil, chemise ouverte et maillot de bain, à l'allure décontractée, accompagnée d’une femme se transformant en cristal plus ou moins dévêtue ; bref il ne fait plus du tout peur et perd toute crédibilité alors qu'il est un des moteurs essentiels de l'intrigue.

Le piège d'une préquelle
Il faut encore ajouter à cela le problème inhérent à toute préquelle, qui est qu’on sait à l’avance tout ce qui va se passer et comment cela va se terminer. Les scénaristes doivent expliquer tous les conflits, blessures et traumatismes des personnages présentés dans la trilogie X-Men en un seul film. On assiste alors à un enchaînement grotesque de péripéties expliquant pourquoi les mutants sont séparés en deux camps, pourquoi le Professeur X est infirme, d’où vient le casque de Magnéto, etc… Pourquoi tout doit-il survenir dans les quelques jours qui constituent le film ? Dix ans doivent séparer « X-Men : le commecement » de « X-Men », et pourtant les personnages qui quittent le premier sont identiques à ceux au début du second, comme si dans l’intervalle séparant les deux films ils n’avaient rien vécu et étaient restés figés. Cela nie aux personnages toute vraisemblance psychologique, et enlève tout crédibilité à leur passé : un résultat complètement opposé à l’objectif du film.

On retiendra…
La performance des acteurs, correcte et parfois plutôt bonne.

On oubliera…
Le film est trop lisse, pas assez adulte, en fait ridicule. Les effets spéciaux sont aussi très moyens.

« X-Men : le commencement » de Matthew Vaughn, avec James McAvoy, Michael Fassbender,…

Un Kubrick artificiel (A.I. Intelligence artificielle)

Il me semble que « A.I. Intelligence artificielle » a un peu été oublié, peut-être à cause des critiques très partagées qui l’ont accueilli à sa sortie il y a dix ans de ça en été 2001, et de l’ombre que lui firent peu après « Minority report » (2002) et « La guerre des mondes » (2005), plus réussis (en particulier pour ce dernier, peut-être le meilleur film du réalisateur). En tout cas il n’est pas reconnu comme l’un des films phares de Spielberg. Pourtant, ce film est remarquable voire même génial, et constitue assurément une singularité dans la filmographie de Spielberg ; et ce pour une seule raison : « A.I. Intelligence artificielle » (« A.I. » sur les affiches) est un pastiche du cinéma de Kubrick.


« A.I. » est d’abord un projet de film développé par Stanley Kubrick au début des années 1990. Il travaillait sur le scénario depuis la lecture de la courte nouvelles à l’origine du film, « Des jouets pour l’été » (Brian Aldiss, 1969, disponible sur cette page), en 1970, mais n’en fut satisfait qu’en 1990. Après la sortie de « Jurassic Park » en 1993 il associa au projet Steven Spielberg pour sa maîtrise des effets spéciaux. Mais Kubrick ne put jamais lancer la production du film puisqu’il préféra attendre que la technologie numérique ait atteint un niveau satisfaisant et mourut en 1999. Le projet lui survécut et Spielberg réalisa « A.I. » en hommage au réalisateur.


Un extraordinaire hommage à la mise en scène de Kubrick...
          Tout l’intérêt d’« A.I. Intelligence artificielle » vient de cet hommage rendu à Kubrick par Spielberg. Le film ne ressemble absolument pas au niveau de la mise en scène à un film de Spielberg. Le réalisateur s’est appliqué à restituer la manière de tourner de Kubrick, en utilisant les mêmes cadrages, la même photographie, le même montage. Le résultat est très réussi, on reconnaît très bien l’univers du réalisateur d’ « Orange mécanique ». Le rythme kubrickien du montage autorise ainsi une réflexion constante chez le spectateur sur ce qu’il voit, alors que d’habitude chez Spielberg tout va beaucoup plus vite. La direction artistique est très proche des ameublements futuristes vus dans « 2001, l’odyssée de l’espace » et « Orange mécanique ». Le film comporte plusieurs parties, à l’identique de la plupart des films de Kubrick.
          L’histoire développée par le film est captivante. Le film livre une réflexion sur le rapport à nos créations technologiques sans aucun équivalent ailleurs depuis sa sortie. De plus, les acteurs sont vraiment excellents, Haley Joel Osment (l’acteur principal de « Sixième sens » de Night Shyamalan) et Jude Law en tête. Ces deux-là ont une gestuelle mécanique très convaincante, qui montre qu’il n’était absolument pas nécessaire de faire jouer ces personnages par des vrais robots ou des personnages de synthèse, comme voulait le faire Kubrick. En outre, les effets spéciaux sont incroyables et n’ont absolument pas vieilli, dix ans plus tard. L’irrésistible ours en peluche mécanique Teddy est une merveille.

...qui n'est pas sans pièges
Mais le passionnant pari de mise en scène du film qui le rend unique est aussi un piège cruel pour Spielberg. En s’efforçant au maximum de substituer sa mise en scène par celle supérieure de Kubrick sans pouvoir y parvenir totalement (c’est tout bonnement impossible), Spielberg s’attire au moindre défaut le reproche de faire moins bien que le réalisateur qu’il essaye de mimer. Ainsi, lorsque le film se perd dans sa dernière partie, on ne peut que s’insurger contre le réalisateur de cette baisse de niveau finale en se disant que, forcément, Stanley Kubrick n’aurait pas eu cette faiblesse. Sauf qu’on ne le saura jamais. Tous les défauts de « A.I. » comptent donc doubles pour cette raison, pour ce parti de mise en scène dont il est impossible de faire abstraction. On voit bien que Spielberg a rendu le film plus enfantin que le projet initial de Kubrick, qui était beaucoup plus dur. Par exemple, lorsque Spielberg filme le personnage joué par Jude Law, « Gigolo Joe », et la ville de Rouge City, on sent qu’il n’est pas à l’aise dans cette facette de l'univers de Kubrick et que cette partie de l’histoire a dû être bien édulcorée. Spielberg a préféré développé le côté « Pinocchio » de l’histoire, qui est hélas le côté le moins intéressant.

Une fin hésitante
Mais cela ne devient problématique que dans la partie finale, étonnante mais trop longue, où Spielberg semble ne plus savoir quoi faire pour finir son film. Là encore, on se dit que Kubrick aurait évité cet écueil, et qu’au pire il aurait rendu la fin beaucoup plus mystérieuse que ne le fit Spielberg, peut-être à la « 2001 », pour que le film reste impressionnant jusqu’à sa conclusion. Je ne pense pas qu’il aurait exposé d’une façon aussi explicite et peu inspirée cette explication de « mémoire conservée dans le tissu de l’espace-temps » qui rend une scène légèrement ridicule. Ce genre d’explication n’est pas possible au cinéma, et ne peut être convenablement amenée que dans un roman de science-fiction ! Dommage, alors. « A.I » est donc victime d’une baisse de régime regrettable dans sa fin qui l’empêche d’accéder au titre de chef-d’œuvre, alors qu’il en était vraiment très proche.

On retiendra…
Un défi de mise en scène incroyable : faire revivre le cinéma de Kubrick. Des effets spéciaux et des acteurs formidables.

On oubliera…
La fin du film, trop longue et surtout ans idée.

A noter :
Les Tours Jumelles sont presque écroulées dans le New-York futuriste de « A.I. », mais bel et bien là. Le film est sorti deux mois avant le 11 septembre…

« A.I. Intelligence artificielle » (2001) de Steven Spielberg, avec Haley Joel Osment, Jude Law,…

lundi 20 juin 2011

Le référentiel (2001, l'odyssée de l'espace)


-          Stanley Kubrick était le meilleur réalisateur au monde, le cinéaste parfait, qui n’a signé que des chefs-d’œuvre. Il s’est attaqué en treize films à tous les genres, pour en signer à chaque fois l’œuvre référence : « Shining » pour le film d’horreur, « Full Metal Jacket » pour le film de guerre, « Barry Lyndon » pour le film en costumes… Lorsqu’il s’associe à l’auteur Arthur C. Clarke pour faire « le film légendaire de science-fiction », il réalise « 2001 : l’odyssée de l’espace » qui est, plus que le meilleur film de SF, tout simplement le meilleur film jamais réalisé.
-          Vous l’aurez compris : dans cette critique rien ne sera reproché à « 2001 : l’odyssée de l’espace » ! D’où la note « infinie » accordée au film : la théorie défendue dans cet article est qu’il est impossible de faire mieux.
-          Enfin, c’est ce qu’on affirme, mais en rêvant tout de même qu’un jour cette théorie se révèle fausse ! Pour le moment, aucun film ne l’a inquiétée depuis le 27 septembre 1968, date de la sortie en France de « 2001 ».
-          L’année de sortie est importante : ce qui est incroyable avec « 2001 » est qu’il ait été réalisé avant que Neil Armstrong ne fasse ses premiers pas sur la Lune (en 1969). Pourtant, tout ce qui est présenté dans le film l’est fait d’une manière très réaliste, presque documentaire parfois. Le plus remarquable étant le traitement de l’apesanteur et de l’absence de son dans le vide spatial, deux contraintes parmi d’autres pour raconter des voyages dans l’espace que les films de science-fiction réalisés par la suite se sont empressés d’oublier…
-          Ne va pas induire le lecteur en erreur : l’apesanteur fut pour Kubrick tout sauf une contrainte, mais au contraire ce qui lui a permis de réaliser les plus belles scènes de l’histoire du cinéma : les mouvements des vaisseaux et des corps semblent obéir à la chorégraphie d’un ballet, l’organisation de l’espace dans les vaisseaux est prétexte à d’extraordinaires jeux de perspective…
-          En réalité chaque scène de « 2001 » est « culte » : marquante, inoubliable, et donc maintes fois recopiée, parodiée où que ce soit. Par exemple c’est dans « 2001 » que l’on trouve la transition la plus célèbre de toute l’histoire du cinéma, la meilleure utilisation par le cinéma des musiques classiques : « Le beau Danube bleu » de Johann Strauss, « Ainsi parlait Zarathoustra » de Richard Strauss,… Chaque aspect du film est fascinant, jusqu’à la fin énigmatique qui détient le record du plus grand nombre d’explications différentes proposées.
-          Le film a eu un tel impact à sa sortie au cinéma comme dans la culture en général qu’il est indispensable de le voir – que vous l’appréciiez ou non ! - pour comprendre les très nombreuses références qui lui ont été faites par la suite et qu’on retrouve un peu partout, de « Charlie et la chocolaterie » de Tim Burton à la publicité pour les appareils électroménagers Bosch.
On retiendra…
L’apesanteur, l’histoire, la musique, la fin, HAL 9000, le monolithe, les décors,…

A noter :
Hollywood a été assez fou pour produire une suite à « 2001 », qui est sortie en 1984 : « 2010 : l’année du premier contact », complètement dispensable.
Le roman écrit par Clarke en parallèle, et ses nombreuses suites, le sont encore plus.

« 2001 : l’odyssée de l’espace » de Stanley Kubrick, avec Keir Dullea, Gary Lockwood,…
Pendant l’été, sept films de Stanley Kubrick dont « 2001 : l’odyssée de l’espace » ressortent au cinéma dans 24 salles en France.

Par Imer et Mitliade

En différé de Cannes, la fin (Pirates des caraïbes 4 : la fontaine de jouvence)


-          Comme chaque année, un studio de Hollywood a le droit d’envoyer se faire huer un de ses blockbusters estivaux à Cannes, et en 2011 ce fut Disney avec le quatrième épisode de « Pirates des Caraïbes ».
-          Et c’est sans surprise que la déception est au rendez-vous, ce qui va bientôt devenir une habitude si Disney continue d’aligner les suites. Cette énième incursion dans l’univers de « Pirates des Caraïbes » a perdu toute saveur.
-          Pourtant, le changement d’équipe opéré aurait dû jouer dans l’autre sens… Sauf que non : l’opus quatre de la saga a tout du sabordage en règle des précédents épisodes. Gore Verbinski n’ayant pas eu la décence de couler avec son navire, c’est Rob Marshall qui le remplace à la réalisation. Il démontre qu’il sait très bien obéir aux studios, mais n’a par ailleurs aucun talent. La non-utilisation de la 3D en est l’exemple le plus frappant : pour compenser financièrement la baisse de fréquentation attendue pour ce quatrième épisode, Disney a logiquement imposé au réalisateur qu’il tourne le film en 3D. Lequel a acquiescé mais ne s’est absolument pas préoccupé de modifier en conséquence la construction des plans. A croire qu’il l’a oubliée ! Du coup, celle-ci ne sert à rien - voire nuit à la lisibilité des pâles scènes d’action – et, pour une fois, on s’en plaindra !
-          Avec un réalisateur aux commandes qui fait de la figuration, on ne s’étonnera donc pas que les aventures de Jack Sparrow  deviennent mornes et presque ennuyeuses, sans esprit, et même plus très drôles. Tout est y terni pour qui a vu les films précédents, malgré un scénario qui recèle encore de bonnes idées…  Alors qu’auparavant on pouvait encore ressentir de la peur à bord du Black Pearl dans le film original, être ému par la malédiction frappant le capitaine-poulpe Davy Jones dans l’épisode 2, ou impressionné par l’onirisme surréaliste du bout du monde dans le 3, il n’y a ici plus aucun souffle. Qu’on ne recherchera pas non plus dans la musique : même les superbes thèmes de Hans Zimmer auxquels doit beaucoup la saga se retrouvent ici remixés et massacrés par Zimmer lui-même dans une composition sans idée…
-          Voyons, ne décourage pas tous les spectateurs potentiels : le film connaît quelques moments de bravoure. Dans les scènes où interviennent les personnages destinés à remplacer Orlando Bloom (on ne le regrettera pas) et Keira Knightley (c’est plus problématique), à savoir un missionnaire convaincu et une sirène jouée par la fille du puisatier d’Auteuil, les dialogues sont si ridicules et les acteurs tellement mauvais que, enfin !, on se met à rigoler.

On retiendra…
Les décors et les costumes qui ne prennent pas encore l’eau même si une impression de déjà-vu se fait sentir. Johnny Depp et Geoffrey Rush, qui peuvent encore être drôles. Le scénario.

On oubliera…
La 3D, la réalisation, la musique et surtout le couple du missionnaire et de la sirène.

A noter :
Peut-être comme pour nous l’heure de détruire un mythe ? Jack Sparrow se traduit « Jacques Moineau ». Sinon : le scénario du cinquième épisode est déjà en cours d’écriture…

« Pirates des Caraïbes : la Fontaine de Jouvence » de Rob Marshall, avec Johnny Depp, Penélope Cruz,…

Par Imer et Miltiade

En différé de Cannes, la suite (The tree of life)


-          Terrence Malick est  le réalisateur le plus mystérieux au monde puisqu’il refuse toute exposition médiatique (il interdit qu’on le prenne en photo) et ne donne aucune explication quant à ses films. C’est aussi un réalisateur très lent car perfectionniste à l’extrême : « The Tree of Life » est son cinquième film en 38 ans de carrière. Attendu depuis des années, annoncé l’an dernier en compétition à Cannes, mais finalement présenté cette année à cause d’un très long montage, le film était l’événement de ce festival.
-          Et a été finalement autant hué qu’applaudi.
-          Malick n’a fait que cinq films, mais son style s’est bien radicalisé avec le temps. Ses longs-métrages, d’une densité et d’une complexité extrêmes, sont devenus de plus en plus ambitieux et exigeants. Avec « The Tree of Life », Malick rehausse encore la barre, et nous livre un film démesuré et majestueux. On peut déjà être certain qu’on ne verra rien de plus beau cette année au cinéma…
-          C’est vrai que le film est impressionnant visuellement, mais c’est bien tout : entre les citations de la Bible énoncées toutes les trois minutes, les questionnements métaphysiques d’une profondeur affligeante, ou encore l’interminable séquence numérique racontant la création du cosmos qui n’apporte absolument rien au film, ce dernier réalise l’exploit de s’enliser profondément dans un récit pourtant simpliste ! Et donne au spectateur l’envie de fuir au plus vite - ce dont certains ne se sont d’ailleurs pas privés pendant notre séance, partant avant même la fin de la première heure…
-          Mais qui d’autre que Malick aurait eu l’audace - ou la folie - de faire appel à la naissance de l’univers pour raconter une histoire qui serait en grande partie autobiographique ? Le voyage proposé par le réalisateur est d’une telle ampleur, ses images si somptueuses, sa méthode de montage si brillante que cet aspect mystico-religieux certes omniprésent ne devient qu’un détail complètement écrasé par le gigantisme du film. Malick compose ses films d’une manière unique demandant un très long travail. Sa caméra est toujours en mouvement, mais sans faire trembler l’image, tournant autour des personnages et captant une multitude de détails, invisibles dans les autres films, au point qu’on se demande quelle est la part d’improvisation à l’œuvre dans chaque plan. Malick s’offre en outre pour ses œuvres la meilleure musique qui soit, celle du répertoire classique, comme le faisait auparavant Stanley Kubrick.
-          La musique ? Des chants liturgiques ininterrompus, excepté parfois par quelques thèmes classiques d’une folle originalité… Non, mieux vaut l’oublier, comme le reste. Seule la photographie est remarquable, mais cela est loin d’être suffisant pour en faire un bon film ; en l’état, « The Tree of Life » n’est qu’une œuvre d’une prétention démesurée, et pourtant d’une naïveté confondante.
-          Cela l’empêchera-t-il d’être récompensé à Cannes ? La réponse a été donnée hier soir, pour vous qui lisez l’article aujourd’hui !

On retiendra…

Un style unique, une ambition folle, des images et un montage à la beauté ahurissante.

On oubliera…

La platitude des réflexions « métaphysiques », l’omniprésence de références bibliques, la naïveté de la trame principale du film, et en particulier de la scène finale.

A noter :
Pour une raison inconnue, le réalisateur s’est mis à accélérer son rythme de travail: son prochain film, « The Burial » a déjà été tourné.

« The Tree of Life » de Terrence Malik, avec Brad Pitt, Jessica Chastain, Sean Penn,…
Aux cinémas Utopia Toulouse, Gaumont Wilson, Gaumont Labège et UGC Toulouse.

Par Maroufle et Miltiade

En différé de Cannes (Minuit à Paris)

Un jeune couple d’américains dont le mariage est prévu à l’automne se rend pour quelques jours à Paris. La magie de la capitale ne tarde pas à opérer, tout particulièrement sur le jeune homme (Owen Wilson) amoureux de la Ville-lumière et 
qui aspire à une autre vie que la sienne.


-          Encore un film de Woody Allen ? Mais le dernier est sorti il y a sept mois ! Il va finir par nous lasser…
-          Et ce n’est pas tout : c’est aussi la cinquième fois que Woody Allen fait l’ouverture du festival de Cannes ! Mais celui-ci a quelque chose de neuf et donc de terriblement intéressant à proposer par rapport au reste de la très longue filmographie du réalisateur-scénariste new-yorkais : il se déroule entièrement à Paris. C’est par conséquent avec une attention particulière qu’on regarde donc « Minuit à Paris » : comment Woody Allen a-t-il choisi de restituer Paris à l’écran ?
-          La première constatation est que « Minuit à Paris » n’est pas si français que ça, puisque la majorité des personnages du film sont des étrangers en voyage à Paris ou habitant la capitale... Pas de miracle : un film de Woody Allen à Paris ressemble toujours à un film de Woody Allen. Il ne fallait certainement pas s’attendre à une approche réaliste de Paris de la part de Allen. On y retrouve donc toujours les mêmes personnages confrontés aux mêmes situations…
-          … sauf qu’une fois minuit sonné, le film change complètement ! On ne peut pas vous dévoiler ce qu’il s’y passe sans diminuer le plaisir de la projection, mais « Minuit à Paris » se révèle alors très drôle, grâce aux multiples rencontres que va alors faire le personnage très bien interprété par Owen Wilson. L’occasion chaque fois renouvelée d’un numéro d’acteur, toujours surprenant et amusant, surtout lorsque c’est un comédien français qui a été choisi par le réalisateur.
-          Au plaisir de la comédie s’ajoute donc celui de retrouver à l’écran tout un tas d’acteurs français, dans un film de Woody Allen… Ces apparitions perdront sûrement de leur valeur dans quelques années, mais on est rapidement conquis par ce jeu offert par le film.
-          On pourra bien reprocher à cette idée scénaristique d’être un peu répétitive et de permettre à Woody Allen de ne montrer qu’un Paris de musée, au message du film d’être lourdement explicité – on a connu le réalisateur bien plus subtil ! -, mais enfin Woody Allen est en France et on ne va pas bouder ce plaisir.
On retiendra…
Paris. Le casting incroyable du film. Ce qui se passe à minuit. La très belle photographie de Darius Khondji.

On oubliera…
Une certaine répétitivité et une sorte de morale trop explicite.

 « Minuit à Paris » de Woody Allen, avec Owen Wilson, Rachel McAdams,…

Par Miltiade