L’ascension
de Luc Besson aura été aussi fascinante que sa chute. Il était au sommet il y a
deux ans lors de la sortie de « Valérian et la cité des mille planètes » (plus gros budget de l’histoire pour un film européen, et de
loin), à la tête de « sa major de cinéma » Europacorp (regroupant la
production et la distribution de films et de séries télé, des studios de
tournage, une école de cinéma, des cinémas, des attractions pour parc à thèmes)
absolument unique en Europe. Mais l’échec cuisant au box-office américain de
son film a fait s’écrouler comme un château de cartes Europacorp sous le poids
de ses dettes. Contraint à le vendre en pièces détachées, Luc Besson est de
plus rattrapé par différentes affaires d’agressions sexuelles dans le sillage
de l’affaire Weinstein.
C’est dans
ce contexte très difficile que le réalisateur sort « Anna »
(distribué par Pathé), son dix-huitième film (et le onzième à porter un titre
basé sur un prénom). Maintenant qu’il doit de nouveau lutter pour sa survie
financière, le cinéma de Luc Besson va-t-il retrouver l’éclat qu’il a perdu
depuis « Arthur et les minimoys » (son dernier vrai bon film, en
2006) ?
Ludique et déjà-vu
La réponse
est en partie oui : « Anna » est le meilleur film de Luc Besson
depuis 2006 – ce qui n’en fait pas non plus un très grand film. On y retrouve
les qualités que l’on croyait perdues de son cinéma : une capacité à
surprendre le spectateur, ici par les multiples retours en arrière et des
fausses fins qui s’accumulent et s’emboîtent comme des poupées russes, un brio
dans la réalisation de scènes d’action (dont un combat dans un restaurant russe
époustouflant – ces cinq minutes sont plus impressionnantes que les 2h17 de
« Valérian », chercher l’erreur !), un art des transitions et un
rythme soutenu qui relance sans cesse l’intérêt du spectateur, des personnages drôles
car à la limite de la caricature (Helen Mirren) – en bref un film extrêmement
divertissant ! Divertissement dont le point d’orgue est la fuite à travers
les sous-sols du KGB d’Anna (l’autre grande scène d’action du film).
Mais on retrouve
aussi dans « Anna » les défauts du cinéma de Luc Besson. Le plus
évident est sa volonté un peu trop lourde d’être grand public qui se traduit
ici par un montage parfois lourdement explicatif (on revoit plusieurs fois les mêmes
scènes). Pour garder une grande vitesse à la conduite de son récit, Luc Besson
recourt trop souvent aux raccourcis et aux clichés très bêtes (la description ridicule
du milieu de la mode parisien sonne aussi faux que celle du KGB…). Beaucoup de
personnages restent sans épaisseur. Dans le rôle-titre, la mannequin Sasha Luss
n’est pas une révélation.
En bref,
comme beaucoup de films réalisés ou produits par Luc Besson, c’est efficace
mais pas vraiment subtil. Si la structure du film multipliant les
chausse-trappes pour le spectateur intéresse, le récit en lui-même frise le
déjà-vu, tant celui-ci rappelle « Nikita », « Léon » (du
même Besson) et « Red sparrow » de Francis Lawrence – ces deux
derniers étant de bien meilleurs films qu’ « Anna ».
Matière involontaire à réflexion
Le plus
intéressant finalement n’est pas le film en lui-même, mais la manière dont on
le voit différemment depuis les affaires de scandale sexuel qui entourent Luc
Besson – affaires qui sont d’ailleurs sûrement responsables de l’échec au
box-office du film. Le cinéma de Besson a toujours été caractérisé par une
grande naïveté des sentiments et une mise en avant de femmes puissantes. L’un
et l’autre sont présents dans « Anna » et font maintenant beaucoup
réfléchir en cours de projection sur ce que ça traduit de la personnalité
de Luc Besson… Ce qui apporte, aux dépens-même du film, une dimension cérébrale
dont il était dépourvu !
On retiendra…
Le scénario à tiroirs qui joue
avec le spectateur. Les scènes de combat.
On oubliera…
Les multiples stéréotypes, les
trop nombreux échos à d’autres films.
« Anna » de Luc
Besson, avec Sasha Luss, Helen Mirren, Luke Evans,…
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