Martin
McDonagh n’était jusqu’à présent l’homme que d’un seul film : « Bons
baisers de Bruges ». Un flamboyant coup d’essai cinématographique (d’un
dramaturge expérimenté), sorti en 2008 et devenu culte, contrairement à son
deuxième film, « 7 psychopathes », passé inaperçu. « 3
billboards, les panneaux de la vengeance » (titre français très peu
inspiré) n’est donc que son troisième film en dix ans, mais il a remis McDonagh
au-devant de la scène.
Cocktail de contraires
« 3
billboards » figure en effet parmi les favoris aux Oscar 2018, porté
notamment par sa résonance avec l’actualité. Cette histoire d’une femme entêtée
luttant âprement pour que soit recherché l’assassin et le violeur de sa fille
dans l’Amérique profonde évoque forcément le mouvement « Time’s up »
et l’Amérique de Trump. Mais le film a bien d’autres atouts.
Le plus
frappant est cette alliance de burlesque, de grotesque et de tragique propre à
l’auteur : dans une même scène McDonagh porte au plus haut à la fois le
rire et le drame. A sa manière, le mélange est osé… et ne convainc pas toujours
au début. Cependant, le film est si énergique – rythmé et intense – et les
péripéties du scénario si improbables que cette bizarre mais rare combinaison
de mélodrame et d’humour noir finit par emporter.
De plus, les
acteurs font vivre des personnages marquants. Ils apparaissent d’abord comme de
spectaculaires caricatures mais leur richesse sera peu à peu révélée par
l’intrigue, jusqu’à en devenir émouvants. Une trajectoire qui reflète celle du
film tout entier, qui commence dans la rage et s’achève sur ce qui est presque
de la tendresse.
L’indéniable
qualité de ces audaces d’écriture basées sur l’alliance des contraires apporte
beaucoup au film… et le dessert aussi parfois, car ces audaces rendent trop
visibles justement cette écriture, ce qui provoque des effets de
« décollement du réel » qui font décrocher du film. Comme ces lettres
posthumes postées aux différents personnages, qui certes sont drôles (par leur
ton) et tristes (car c’est un mort qui s’exprime), mais servent trop bien la
mécanique de l’intrigue pour qu’on les croit vraisemblables (elles contiennent
même une explication psychologique (redondante) de chaque personnage !).
« 3
billboards » est donc un film original, mémorable et particulièrement
actuel. Il interpelle et ne peut laisser indifférent… tout en étant loin d’être
le chef-d’œuvre promis par la campagne pour les Oscar.
On retiendra…
L’alliance des
contraires : mélodrame et humour noir, rage et tendresse… L’énergie du
film et la force de ses interprètes.
On oubliera…
L’alliance des contraires ne
fonctionne pas toujours… Des passages sont aussi surécrits.
« 3 billboards, les
panneaux de la vengeance » de Martin McDonagh, avec Frances McDomand, Sam
Rockwell, Woody Harrelson,…
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