Un déluge
de paillettes et de diamants. C’est sur ces magnifiques images savamment
composées tirant vers l’expérimental et le cinéma de Kubrick (la cascade de
sang de « Shining », la fin hallucinée de « 2001 ») que
débutent le nouveau long-métrage du danois Nicolas Winding Refn. Son titre très
inspiré, « The neon demon », résume à lui-seul le sujet du
film : le culte et le vice de la beauté. Naturelle ou artificielle,
spontanée ou mise en scène, innocente ou calculée, mais irréductiblement
éphémère, la beauté est donc à l’étude dans cette histoire racontant
l’ascension d’une jeune modèle (Elle Fanning) dans le mannequinat à Los
Angeles.
Plein la vue
C’est avec
un plaisir manifeste que NWR (comme on l’appelle, et comme il signe désormais
ses films) a mis en scène cette histoire d’apparence avec une réalisation tout
en artifices. Refn fait étalage de son art dans la composition des plans et
leur montage, pour produire des images fascinantes impactant la rétine et impressionnant
l’esprit, en reprenant les techniques visuelles de Kubrick (« 2001 : l’odyssée de l’espace », la référence suprême de NWR qui transpire dans
tous les plans). Et ça marche. Le film est une fête visuelle et une
démonstration permanente de puissance. Pendant toute la projection, on ne fait
que contempler les images et se dire « il est trop fort » ou
« c’est génial ».
Ce qui peut
en agacer certains, irrités d’être pris ainsi de haut par cet hypercontrôle de
NWR. A vrai dire, le film a du mal à maintenir sur sa durée le même régime de fascination
qu’au début, et la mise en scène finit par ne plus avoir d’autre justification
qu’un pur esthétisme (c’est beau, mais ça ne raconte rien). Comme si tout
à son contrôle, NWR s’était rigidifié dans un exercice de style immuable.
Or ce
basculement n’est qu’une marque supplémentaire de la maîtrise de Refn puisque
cette impression de gratuité de l’esthétisme, ce rejet qui opère dans l’esprit
du spectateur pour les effets visuels, les artifices de la mise en scène est
concomitant, dans l’intrigue du film, au moment où la vanité puis l’horreur qui
se cachent derrière la beauté sont révélées. NWR a en fait poussé la logique
jusqu’au bout : faire un film aussi beau, vain et sordide que son sujet. Il
ménagera même à ce propos une surprise finale dont on ne s’est pas encore
remis…
Auto-analyse
« Only God forgives » pouvait se lire comme une réponse aux critiques faites à
« Drive » : NWR y amochait Ryan Gosling, le beau gosse mutique
de « Drive ». Dans « The neon demon », NWR s’adresse directement
à ses détracteurs. Son cinéma produit des images si puissantes qu’il lui a
souvent été reproché de ne reposer que sur cette puissance visuelle. Or,
« The neon demon » semble
avoir été précisément pensé et réalisé pour donner totalement raison à cette
critique. Mais moins qu’une réponse ironique à ses contempteurs, il faut plutôt
voir en « The neon demon » une analyse du cinéma de NWR par lui-même,
où Refn étudie la vanité de sa réalisation. Un mouvement d’auto-réflexion que
les grands réalisateurs contemporains de la puissance visuelle n’ont pas encore
esquissé (Nolan, Villeneuve, Malick).
Réflexion
sur la fascination exercée par le cinéma et l’art en général et sur la propre
mise en scène du réalisateur, avec une logique jusqu’au-boutiste dans son
esthétique admirable et audacieuse, « The neon demon » est un nouveau
chef-d’œuvre dans la filmographie en constante progression de Nicolas Winding
Refn.
On retiendra…
La puissance visuelle hors
norme du film, qui impressionne de bout en bout. Les résonances multiples de
l’œuvre avec son sujet et ses critiques, qui en font un film véritablement
moderne. Le retour d’Elle Fanning.
On oubliera…
L’intensité du film décroit
quelque peu au mitan de la projection, les effets de style ne se renouvelant
pas.
« The neon demon » de Nicolas Winding
Refn, avec Elle Fanning, Jena Malone,…
Et bien, tes tweets et ta critique m'ont fait allé voir cet étrange film. Sans regret! A l'inverse de toi je ne sais pas vraiment expliqué ce qui m'a plu, peut être le fait d'être témoin de l’ironie entre beauté et cruauté... Et oui j'ai mis du temps à passer à table après la dernière scène !!
RépondreSupprimerMerci pour tes critiques !!
Ah ah ! Tant mieux si je t'ai amené à voir le film, ça justifie la rédaction de cet article : rien que pour ça je ne l'aurais pas écrit pour rien ! Merci de me suivre !
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